Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Cleanskin
Père : Hadi Hajaig
Livret de famille : Sean Bean (Ewan), Charlotte Rampling (Charlotte), Abhin Galeya (Ash), Michelle Ryan (Emma), Peter Polycarpou (Nabil), Tuppence Middlelton (Kate), Tom Burke (Mark)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : Angleterre
Taille/Poids : 1h48 – 2 millions £
Signes particuliers (+) : Un ton hard-boiled renforcé par le charisme naturel de Sean Bean. Un essai très ambitieux de neutralité d’opinion.
Signes particuliers (-) : Le film finit par se faire avoir à son propre jeu. Trop ambitieux, il passe souvent à côté de ses idées par simplification inexorable.
SEAN BEAN, CA SENT LA FIN DES HARICOTS…
Résumé : Un agent a pour mission de déjouer des attentats sur le sol anglais à commencer par traquer une cellule terrorisme qui s’apprêterait à frapper. de son côté, Ash est un jeune immigré très intégré mais qui se bat pour sa conscience…
Film nationaliste à tendance facho bien camouflée et déguisée ou véritable réflexion de fond sur les mécanismes de fonctionnement de la montée de la haine entre peuples orientaux et occidentaux et de la recrudescence de tentatives d’actes terroristes dans les métropoles occidentales, Cleanskin a du mal à se situer et flirte avec une frontière dès plus dangereuse, surtout quand on signe là son seulement troisième long-métrage (le premier de cette ampleur) et que l’on est finalement assez peu expérimenté. Le jeune Hadi Hajaig semble avoir eu les yeux plus gros que le ventre en voulant s’atteler à un sujet sensible, le terrorisme en Occident, pratiqué par des cellules discrètement implémentées à la société, embrigadant et recrutant des « nobody », des inconnus des services de police qu’ils arrivent à façonner en soldats ou en martyrs d’une cause, discutable ou pas, en vue d’attentats. Et dans la logique du « ceci explique cela », le passé récent de Londres en la matière est très certainement à l’origine d’un film purement british, délesté (et c’est une bonne chose vu la sensibilité de la question) de tout américanisme putassier bas du front. Car Londres a eu sa part récente d’attentats et le film, loin de les justifier, essaie à son niveau de les expliquer à un public borné et renfermé dans leur traumatisme, préférant la haine à l’analyse du fond d’une situation irrationnelle et inextricablement coincée. Un pari quasi perdu d’avance aurait-on envie de dire au metteur en scène ici scénariste, réalisateur et producteur, preuve du cauchemar qu’a dû être le démarchage pour trouver du soutien dans ce projet.
Hajaig est très ambitieux dans son approche avec Cleanskin. Trop peut-être, même. Son but semble être de faire un film qui n’adopterait ni un point de vue radicalement nationaliste à la sauce 24h Chrono (dont l’histoire est finalement très proche de celle de Cleanskin), ni le point de vue opposé. Il n’est pas plus question d’accabler les jeunes martyrs tuant pour leur cause, pas plus que de défendre fièrement les méthodes de combat contre le « Mal » employées par les gouvernements occidentaux ou de cautionner quoi que ce soit. En fait, Hajaig donne l’impression d’essayer de se mettre entre les deux partis renvoyés dos à dos, pour étudier les motivations de chacun, les raisons et les causes qui les ont menés là. D’un côté, un agent des services secrets meurtri par son passé et qui se lance avec rage dans une traque pour empêcher un nouvel attentat en plein Londres, de l’autre, un jeune étudiant intelligent qui finit par se laisser aspirer et entraîner par une cellule terroriste. Hajaig essaie de se montrer explicatif, de décortiquer comment ce jeune étudiant se laisse finalement attirer par la guerre insidieuse du terrorisme et comment l’agent à ses trousses en est à un tel niveau de rage volontaire dans sa chasse à l’homme. Plutôt que de se montrer basiquement manichéen, le cinéaste préfère analyser, à son niveau, comment le mal appelle le mal, comment la violence appelle la violence, comment une situation se bloque aussi bien sur le terrain que dans les idéaux et les relations politiques.
Cleanskin, démonstration intelligente alors ? Pas vraiment non plus. Car cette sous-couche politico-analytique a surtout des allures de caution justifiant un thriller hard-boiled hargneux et brutal plein de clichés maladroitement masqués. Pourtant, Hajaig a l’air honnête et ne s’adonne pas non plus à une montée d’hypocrisie cynique monumentale mais son film est souvent trouble dans ses intentions de fond, doté à la fois d’un côté réac par le personnage de l’agent bourru et taciturne campé par l’excellent Sean Bean (dont le passé viendra en rajouter une couche presque too much dans l’éternel combat du Bien contre le Mal où les frontières se brouillent) et par ailleurs d’un regard explicatif sur les mécanismes d’évolution de la pensée de ceux qui succombent à la logique du terrorisme. Hajaig ne justifie rien, ni personne. Au contraire, c’est avec beaucoup de facilité déconcertante et dommageable d’ailleurs, qu’il use de la ficelle (qui ressemble plus à une corde) du « tous pourris » pour cautionner son film et s’éviter toute attaque frontale sur ses intentions. En procédant ainsi, le cinéaste se dédouane de tout, ne prend pas parti et préfère emprunter une porte dérobée qui donne à son film une pseudo-neutralité dont on a du mal à cerner la part de sincérité et la part de factice mais qui au moins, est là.
Toujours est-il que Cleanskin a le mérite de ne pas juger, surtout les petites gens servant de prête-mains à des causes qui les dépassent, et de considérer les positions de tout un chacun avec le plus d’honnêteté possible à son échelle. Que ce soit le personnage d’Ewan, l’agent officieux embauché par le MI:5 (Sean Bean) à mi-chemin entre un Jack Bauer british, Jason Bourne et James Bond (prêt à mourir pour son pays dit-il) ou son alter ego dans l’autre camp, Ash, un étudiant sans histoire qui a l’impression de n’avoir aucune légitimité dans aucun de ses deux pays de cœur, Hajaig ne les juge pas mais au contraire essaie de tracer leur parcours, de soulever leur histoire, pour montrer le raisonnement de ces deux opposés idéologiques mis face à face par la force des choses plus que par volonté ferme de se nuire. Ils sont ennemis mais finalement ne sont que des instruments d’intérêt supérieurs, de causes supérieures, auxquelles ils croient ou ont envie de croire. Et pour être bien sûr de ne pas être tenté de basculer en faveur de l’un ou l’autre, Hajaig va employer quelques pirouettes scénaristiques un peu faciles mais qu’on lui pardonnera car son film est finalement un thriller hargneux plutôt sympathique bien qu’un peu redondant et abusant de clichés et de twists qui trahissent malheureusement le dépassement d’un auteur par son sujet. Hajaig a voulu se lancer dans un ambitieux film socio-politique sous les oripeaux du thriller bien violent et crade à l’anglaise. Compliqué. Il finit par s’empêtrer à vouloir être sur tous les fronts et surtout tombe vite dans les raccourcis explicatifs simplistes car une telle situation de guerre séculaire bloquée entre deux peuples, deux pensées, deux mode de vie, ne peut se résumer à une opposition entre deux hommes, même si l’intention de l’incarnation du conflit à petite échelle est louable. Hajaig a bien eu les yeux plus gros que le ventre à vouloir faire de l’exemple, une esquisse d’explication d’une généralité. Le sujet auquel il s’attèle est extrêmement complexe et retors et fourmille de détails que son film ne peut qu’évacuer pour en rester à une vision de surface qui ne lui est pas bénéfique. Et ce n’est pas la pseudo-morale finale qui sauvera les choses, au contraire, elle ne fait qu’en rajouter dans la simplification d’un problème que l’auteur résume d’une punchline digne d’une discussion de comptoir ou de cours de collège. Cleanskin a les intentions de fond mais leur application scénaristique ne suit malheureusement pas.
Toujours est-il qu’au final, malgré ses défauts qui sont plus des défauts de fond que de forme, il est un thriller pas si mal, bien bourrin et à l’ambiance crasse, ce que renforce les tonalités grisâtres adoptées constamment dans les éclairages et les décors. Film viril par excellence aux allures de série B presque nanardesque parfois, il essaie à son niveau de complexifier une problématique pour dépasser le niveau raz-des-pâquerettes souvent adopté par le cinéma ricain. Une bonne chose même si c’est trop insuffisant. Sur la forme, Cleanskin est par contre honorable, certes parfois maladroit et un peu bancal, souffrant aussi de quelques baisses de régime en cours de route, mais tout à fait regardable.
Bande-annonce :
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