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J’AI PERDU MON CORPS de Jérémy Clapin : critique et test Blu-ray

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Spectateurs

Carte d’identité :
Nom : J’ai perdu mon corps
Père : Jérémy Clapin
Date de naissance : 2019
Majorité : 06 mars 2020
Type : Sortie Blu-ray/DVD
Nationalité : France
Taille : 1h21 / Poids : NC
Genre : Animation

Livret de famille : Avec les voix de Hakim Faris, Victoire Du Bois, Patrick d’Assumçao…

Signes particuliers : Magnifique et profondément émouvant.

UN BIJOU D’ANIMATION FRANÇAIS

NOTRE AVIS SUR J’AI PERDU MON CORPS

Synopsis : A Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident. Naoufel, la main, Gabrielle, tous trois retrouveront, d’une façon poétique et inattendue, le fil de leur histoire…

Un peu d’animation française dans ce monde de brutes. Présenté -et primé- aux festivals de Cannes puis d’Annecy, J’ai Perdu Mon Corps a su se forger une belle petite réputation avant de tenter sa chance en salles, puis aux Oscars où il concourrait face à Pixar dans la catégorie Meilleur Film d’Animation (rien que ça !). On parle de « tenter sa chance » car ce premier long-métrage de Jérémy Clapin était un pari. Un pari de producteur qui a misé sur un roman farfelu (Happy Land) écrit par Guillaume Laurant, ancien scénariste régulier de Jean-Pierre Jeunet. Un pari aussi car l’histoire n’est pas banale, car faire de l’animation en France représente du temps et de l’argent pour un succès jamais assuré, et à plus forte raison quand on ne s’adresse pas aux enfants mais plutôt aux adolescents et adultes. Le pari enfin de miser sur un jeune cinéaste qui a essentiellement roulé sa bosse sur des courts et à qui on a décidé de faire confiance sur toute la ligne en soutenant chacun de ses choix. Parfois, quand on joue, on perd. Heureusement, il arrive aussi que l’on gagne, et J’ai Perdu Mon Corps est une victoire. Une merveille surtout.

Sur J’ai Perdu Mon Corps, Jérémy Clapin n’a eu que des bonnes idées. Dans la manière de raconter son histoire, dans la manière de la mettre en scène, dans l’approche tant de l’animation que de la direction artistique. Fable douce-amère tournant autour du sentiment d’être incomplet dans la vie, le film raconte l’histoire croisée d’une main qui s’échappe d’un laboratoire et part à la recherche de son corps, et en parallèle celle d’un jeune livreur un peu paumé qui rencontre une fille dont il tombe amoureux. Le choc de tout cela va donner lieu à une échappée d’une poésie, d’une grâce et d’une émotion précieuses. Et au sommet de ces trois éléments, une singulière originalité. Un cocktail idéal pour faire de cette petite pépite, l’un des coups de cœur de l’année 2019 et assurément l’un des plus beaux films d’animation qu’elle verra vivre dans les salles obscures. D’un côté, il y a une main qui cavale partout avec un but… mais pas de corps. De l’autre, il y a des corps qui errent en manquant d’un but. La main cristallise la partie aventure du film, les deux jeunes âmes mélancoliques représentent sa partie romanesque et le tout emporte le spectateur dans une délicieuse rêverie tragique au charme unique.

A chaque minute de son court long-métrage (à peine 1h20), J’ai Perdu Mon Corps est un maelström d’idées et de cinéma, un tissu de richesse confectionné avec un soin aussi fascinant qu’émouvant. La narration d’abord. Jérémy Clapin a repensé le roman de Guillaume Laurant, il n’a pas hésité audacieusement à le remodeler, à le défaire pour mieux le ré-imaginer et le rebâtir. L’histoire est simple de prime abord, une main qui cherche son corps et deux jeunes gens qui tombent amoureux. Mais Clapin en extirpe 1001 réflexions et marie tout cela avec une grâce inouïe. Le cinéaste entrecroise d’une part la cavale trépidante de ce bout de corps qui affronte mille dangers sur sa route tout en se remémorant par bribes sa vie passée, d’autre part le récit de Naoufel, de la mort de ses parents quand il était enfant à son « aujourd’hui » où il livre des pizzas en traînant sous ses pieds un désenchantement mélancolique, et enfin l’histoire de Gabrielle, une jeune bibliothécaire qui cache sa timidité derrière un amusant aplomb de façade. Si le film multiplie les points de vue et les allers et retours dans le temps, jamais il ne se perd dans son récit incroyablement maîtrisé, parfaitement raconté, avec une fluidité, une agilité et une élégance folles. Et à ses côtés, main dans la main, il y a la mise en scène, toujours créative, toujours inspirée, toujours recherchée et surtout toujours à son service.

Jérémy Clapin a un talent monstre qui envahit littéralement l’écran dès ce premier long-métrage. Assiste t-on à la naissance d’un prodige ? L’avenir nous le dira mais quel coup d’éclat pour commencer ! Chaque recoin de J’ai Perdu Mon Corps abrite des instants de magie insoupçonnables. Comme cette manière de jouer avec les sens à l’écran. Le toucher incarné par cette Main en danger permanent et pour laquelle on tremble, on s’émeut, on vibre. Incarné aussi par une plastique sublime aux textures charnelles. L’ouïe ensuite, rouage essentiel d’un film extrêmement travaillé au niveau du son, que ce soit dans les subtils bruitages criant d’authenticité, du côté de la main muette échappée du silence d’un labo froid et plongée dans le tumulte bruyant d’une aventure, ou fabuleusement mis en avant au détour d’une scène de séduction par interphone où un romantisme magnifique s’impose uniquement par la beauté de la voix et de dialogues savoureux. Sans oublier une B.O aussi puissante qu’enveloppante qui pourrait tirer des larmes à elle seule. Et que dire de la vue, sans cesse stimulée par une mise en scène vertigineuse évoluant sur plusieurs plans et plusieurs axes. On est au ras du sol, parfois en vue subjective, quand on suit cette main lancée dans ses péripéties, on passe en un battement d’obturateur à hauteur d’humains quand on est avec Nafouel et/ou Gabrielle. On est parfois face à du noir et blanc, de la couleur, on traverse différentes textures, différents types de cadrages, on est parfois en mouvement parfois immobile. Une seule chose ne change jamais : l’émotion.

L’émotion, c’est elle qui dicte la route de J’ai Perdu Mon Corps. Tantôt drôle, tantôt trépidant, parfois émouvant de poésie enveloppante, le film de Jérémy Clapin est surtout (et souvent) profondément bouleversant. Le cinéaste réussit à créer un lien profondément empathique entre le spectateur et ses protagonistes, qu’ils soient des humains aux fêlures apparentes ou juste une main perdue et paniquée. Tendresse et sensibilité se dégagent de cette parenthèse sur la séparation. Une parenthèse qui réussit l’exploit de nous faire ressentir des sensations viscérales par écran interposé, au détour d’un plan, d’une scène, d’une idée de mise en scène créant une communion, comme si l’on touchait réellement du sable, comme si l’on entendait vraiment quelqu’un jouer du piano, comme si l’on mangeait vraiment une pizza, comme si l’on sentait le vent, l’eau, la neige, comme si l’on courrait ou tombait amoureux. Bref, en un mot : sublime.

LE BLU-RAY DU FILM

Comme on l’a évoqué plus haut au cœur de la critique, J’ai Perdu Mon Corps est un bijou d’intelligence mais aussi esthétique. Sony Pictures, éditeur du Blu-ray, n’avait pas le droit à l’erreur sur cette édition. Il était impératif que le spectateur ressente le film comme il se doit, qu’il ressente ses émotions, ses sensations, ses couleurs, ses textures. Il était hors de question que l’exploit de Jérémy Clapin sombre au moment du transfert vers la galette HD. Bonne nouvelle, tout y est. L’édition a tout ce qu’il faut pour respecter le film à sa juste valeur. La précision de l’image est quasi parfaite, les couleurs, le piqué, la profondeur de champ, les contrastes, tout y est, rendant ainsi possible cette communion sensorielle entre le film et le spectateur. Côté son, on a le choix entre un excellent DTS-HD Master Audio 5.1 pour les bien équipés, et un solide DTS-HD Master Audio 2.0 qui fait des merveilles. La section « suppléments » maintenant. A défaut de faire dans la quantité, Sony a misé sur la qualité avec un formidable making of (31 minutes) entrecoupé qui suit le fil de toutes les étapes de la production du film, écriture, mise en images, modélisation 3D, tournage, doublage. Le tout entrecoupé d’interviews de Jérémy Clapin, du scénariste Guillaume Laurant et du producteur Marc du Pontavice. Parfait pour s’immerger pleinement dans les coulisses de ce petit bijou de cinéma qui ne perd rien de sa superbe « à domicile ».

 

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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