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LA CHUTE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN de Denys Arcand : la critique du film

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : La chute de l’empire américain
Père : Denys Arcand
Date de naissance : 2018
Majorité : 20 février 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : Québec
Taille : 2h09 / Poids : NC
Genre : Comédie

Livret de famille : Alexandre Landry, Maripier Morin, Rémy Girard…

Signes particuliers : Un pamphlet anti-capitaliste qui a fière allure.

 

DENYS ARCAND N’EN A PAS FINI AVEC LE CAPITALISME

LA CRITIQUE DE LA CHUTE DE L’EMPIRE AMÉRICAIN

Synopsis : À 36 ans, malgré un doctorat en philosophie, Pierre-Paul Daoust est chauffeur pour une compagnie de livraison. Un jour, il est témoin d’un hold-up qui tourne mal, faisant deux morts parmi les gangsters. Il se retrouve seul avec deux énormes sacs de sport bourrés de billets. Des millions de dollars. Le pouvoir irrésistible de l’argent va bousculer ses valeurs altruistes et mettre sur sa route une escort girl envoûtante, un ex-taulard perspicace et un avocat d’affaires roublard. Après Le déclin de l’Empire Américain et les Invasions Barbares, La Chute de l’Empire Américain clôt ainsi la trilogie du réalisateur Denys Arcand.

A 77 ans et toutes ses dents, le réalisateur québécois Denys Arcand vient boucler sa trilogie sur la dégringolade d’un monde qui court droit à sa perte, entamée dans les années 80 avec Le Déclin de l’Empire Américain puis complétée 18 ans plus tard avec Les Invasions Barbares. La Chute de l’Empire Américain, nouvelle référence pas du tout déguisée à « La Chute de l’Empire Romain », illustre le pouvoir néfaste et fossoyeur de l’argent dans nos sociétés modernes à travers l’histoire de Pierre-Paul, un simple livreur pourtant très intelligent et doctorant en psychologie, qui va être témoin d’un hold-up et se retrouver avec un sac contenant deux millions de dollars. Le pouvoir de cette manne tombée de nulle part va t-il bousculer ses belles valeurs altruistes de toujours ?

Denys Arcand a beau être un septuagénaire moins actif qu’il fut un temps, il n’a rien perdu de sa sagacité et de la lucidité qui motivait son regard sur le monde actuel. Toujours engagé et fort de convictions, le cinéaste pousse encore une fois ses idées sur le devant de la scène avec une nouvelle œuvre forte et pertinente, parée derrière le bouclier d’une intelligence redoutable qui développe un constat aiguisé et terriblement juste sur notre époque. Moins intimiste que ne l’ont été les formidables Le Déclin de l’Empire Américain ou Les Invasions Barbares et en un sens plus « narratif » avec sa trame lorgnant vers le film policier, La Chute de l’Empire Américain conjugue à merveille la comédie sociétale et l’étude politico-sociologique, pour donner naissance à une formidable satire du capitalisme carnassier. Arcand évolue tout en maîtrise et impressionne tant il semble n’avoir rien perdu de sa superbe avec ce troisième chapitre de sa trilogie pourtant radicalement différent. Le cinéaste s’éloigne de la succulente théâtralité des deux précédents, et injecte à cette nouvelle proposition, plus d’action, de rebondissements, voire de spectaculaire en un sens. Surprenant pour ceux qui attendaient une suite dans la lignée du Déclin et des Invasions Barbares mais terriblement pertinent au regard de ce que raconte son film. Quoique différent sur la forme, le style et la signature Arcand sont toujours là. Comme ses aînés, La Chute de l’Empire Américain oscille en permanence entre drôlerie et tragique, et par extension entre légèreté et sérieux. Et au final, s’il est plus ludique sur la forme, c’est le fond qui l’emporte, encore et toujours.

Le cœur du film est ce sac de billets. Avec lui, le simple livreur qu’est Pierre-Paul hérite soudainement du pouvoir. C’est tout le propos de La Chute de l’Empire Américain, montrer que nous vivons une époque où argent rime avec pouvoir, où argent rime avec corruption des âmes, où la prédominance du « pognon » dans les mœurs et les relations humaines est le mal qui gangrène tout et pousse lentement et sûrement notre monde vers un précipice au fond duquel il finira par chuter sans pouvoir se relever. L’argent tient tout, l’argent régit tout, et sa volatilité incarne le risque d’un effondrement auquel nous devons nous préparer tant de premières secousses ont déjà commencé à sérieusement ébranler les fondations du système (voir la crise de 2008 par exemple). En définitive, avec ce film plus clinquant dans l’allure, Arcand varie un peu l’angle d’attaque avec lequel il laboure des sujets qu’il a déjà traité. Et même s’il enfonce parfois quelques portes ouvertes, le cinéaste régale encore avec un film malin jusque dans son esthétique, orchestrant un ton divertissant avec un look de production plus friquée pour mieux critiquer insidieusement le règne de la monnaie à l’heure où même faire du cinéma engagé coûte cher. En recourant à une forme plus spectaculaire qui tranche avec le minimalisme des deux premiers opus de la « saga », La Chute de l’Empire Américain utilise l’argent pour critiquer le pouvoir de l’argent. Très malin. A l’arrivée, un feel good movie cinglant qui tire à tout va sur le fric salissant, tout en amusant avec une intrigue plaisante qui invite à la réflexion sans faire dans l’exposé pompeux et didactique, avec des dialogues aux petits oignons (l’entame sur les gens intelligents est un bonheur digne de Woody Allen), des comédiens fabuleux et un éternel esprit positif, quoique lucide et sans naïveté.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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