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UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE TÉNÈBRES de Natalie Portman : la critique du film

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une_histoire_d'amour_et_de_tenebresnote 3 -5
Nom : A tale of love and darkness
Mère : Natalie Portman
Date de naissance : 2015
Majorité : 19 mai 2016
Type : Diffusion télé
Nationalité : USA, Israël
Taille : 1h35 / Poids : NC
Genre : Drame, historique

Livret de famille : Natalie Portman, Gilad Kahana, Amir Tessler…

Signes particuliers : Le premier film réalisé par Natalie Portman. A découvrir en exclusivité le jeudi 19 mai à 20h50 sur Canal+ Cinéma.

AUTANT EN EMPORTE NATALIE PORTMAN

LA CRITIQUE

Résumé : Le récit de la jeunesse d’Amos, son père érudit, sa mère aimante, et son éducation à Jérusalem durant la création de l’État d’Israël.

Gilad Kahana, Natalie Portman, Amir Tessler

L’INTRO :

Présenté hors compétition au festival de Cannes 2015, Une Histoire d’Amour et de Ténèbres est la toute première réalisation de l’immense comédienne qu’est Natalie Portman. Affichant des talents de plus en plus diversifiés, l’actrice a inauguré ce qui pourrait être une nouvelle carrière, en adaptant le célèbre roman autobiographique et éponyme d’Amos Oz, paru en 2003. L’auteur y racontait de manière bouleversante, son enfance dans le Jérusalem d’après-guerre, sur fond de création de l’Etat d’Israël et de tragédie familiale avec une mère aimante mais qui ne put jamais se remettre de son exode forcé loin de sa Pologne natale. Avec ce drame historique au sujet complexe et voulu poignant, la question était de savoir si l’ampleur du projet (le roman étant réputé inadaptable) pouvait seoir aux fragiles épaules de la débutante Portman. Si l’on éprouvera quelques réserves sur le résultat de ce premier effort, réserves d’ailleurs partagées sur la croisette l’an passé, une chose est sûre, une grande cinéaste est née. Tristement privé de sortie en salles, Une Histoire d’Amour et de Ténèbres s’apprête à rebondir à la télévision, avec une diffusion prochaine sur Canal+ Cinéma.Une-histoire-d-amour-et-de-tenebres-la-critiqueL’AVIS :

Le plus difficile pour une jeune auteure de cinéma est sans doute de se trouver un style personnel, en adéquation avec ses sensibilités cinématographiques. Première bonne nouvelle, Natalie Portman y est parvenue au-delà des espérances. Avec Une Histoire d’Amour et de Ténèbres, la néo-cinéaste vient se ranger quelque part au carrefour de Terence Malik, Wong Kar-Wai, Kieslowski voire Darren Aronofsky. Elle a travaillé avec certaines d’entre eux, elle a sans doute beaucoup appris de certains d’eux, et le résultat s’en fait sentir. Remarquablement maîtrisé dans sa mise en scène, Une Histoire d’Amour et de Ténèbres est un film qui se définit par son extrême sensibilité, confectionnée dans un esprit à cheval entre l’émotion sensorielle et une esthétique ultra-léchée à son service, déployant tout un arsenal d’artifices allant des voix-off à des plans chargés en symbolisme, d’une photographie délavée errant entre le sépia et le bleuté mélancolique, en passant par des ralentis ou une rhétorique entre sentimentalisme appuyé et naturalisme frissonnant. Certains seront séduits, d’autres agacés, par ce maniérisme discutable.a-tale-love-darkness01Profondément humaniste, sondant non sans intelligence ses réflexions historico-géopolitiques, et illustrant un sujet spécifique sans toutefois s’aliéner une certaine universalité (la relation mère-fils laisse sans voix par sa puissance émotionnelle), Une Histoire d’Amour et de Ténèbres est une belle entrée dans la cour des réalisatrices pour une Natalie Portman qui fait preuve d’un grand talent pour sa « première ». L’histoire de cette femme/mère romantique « dont les ailes se sont abîmées au contact des pavés brûlants de Jérusalem » ne manque pas d’émouvoir au détour de ses scènes les plus fortes, interprétées avec grandeur par sa troupe de comédiens, de laquelle brille une miss Portman dévoreuse d’écran en mère meurtrie et mélancolique dont la beauté rêveuse aura été démolie par la réalité. Mais reste que le roman d’Amos Oz tenait fièrement sa réputation d’inadaptabilité et pour ce beau visage d’une sincérité à fleur de peau couplée à une leçon de mise en scène intéressante quoiqu’un brin pontifiante, Natalie Portman pèchera ailleurs, étouffée par ses intentions et son immense respect pour l’œuvre originelle. Dans l’écriture plus précisément. Son sujet était fort mais ample et difficile. Peut-être un peu trop justement pour une auteure peu encore rôdée à l’exercice. Et si Natalie Portman aura mûri pendant près de dix ans cette entreprise périlleuse, l’accouchement paraît un peu laborieux à l’arrivée. Comme noyée par l’étendue trop vaste de son récit mêlant la grande et la petite histoire, de même que les enjeux de son film se noient dans sa facture lancinante et peu fluide, la cinéaste peine à faire exister chacune des voies proposées par son effort et peine à vraiment saisir ce qu’elle tenait à raconter. Parfois décousu, et déstructuré alors que ses deux directions s’entre-dévorent, Une Histoire d’Amour et de Ténèbres manque d’intelligibilité, souffre narrativement de ses ellipses, et se perd dans l’océan de ses ambitions, alors que le spectateur aura du mal à s’accrocher à son récit intimiste écrasé par le gigantisme de son fond carnivore.taleofloveanddarkness2-xlargeTrès (trop ?) littéraire dans l’âme, au point de laisser filtrer par moments un ennui poli qui se manifeste par petits à-coups discrets dans cet effort légèrement glacé (peut-être le coup de ce sentiment d’intimidation ressentie à l’égard de l’œuvre), Une Histoire d’Amour et de Ténèbres est une œuvre autant capable de fasciner et de bouleverser, que de laisser à distance par le couplet d’écueils contre lequel il s’abîme en cours de route. Cherchant à condenser un écrit de 500 pages en une courte une heure et demi, Natalie Portman n’a pu développer son sujet et ces resserrements se font sentir aux entournures d’une œuvre parfois branlante de concision. A voir néanmoins en complément du magnifique Le Temps qu’il reste d’Elia Suleiman (pour le point de vue palestinien sur le même sujet) car Une Histoire d’Amour et de Ténèbres ne manque pas de qualités au-delà de ses maladresses, même s’il propose un travail trop appliqué, à l’intellectualisation parfois un brin hermétique.

LA BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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