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JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan : la critique du film

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note 4.5 -5
Carte d’identité :
Nom : Juste la fin du monde
Père : Xavier Dolan
Date de naissance : 2016
Majorité : 21 septembre 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Canada, France
Taille : 1h34 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Marion Cotillard, Vincent Cassel

Signes particuliers : Deux ans après Mommy, Xavier Dolan nous remet parterre avec un drame émotionnellement puissant. Le Grand Prix du dernier festival de Cannes.

LE NOUVEAU COUP DE MAÎTRE D’UN SURDOUÉ

LA CRITIQUE DE JUSTE LA FIN DU MONDE

Résumé : Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.juste-la-fin-du-monde-3-shayne-laverdiere-sons-of-manual-1024x678

Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Xavier Dolan a au moins un mérite qu’on ne pourra lui enlever : celui de provoquer des réactions. Par définition, un cinéaste qui divise est un cinéaste qui a une patte singulière, et c’est déjà pas mal dans une industrie peuplée de faiseurs lisses qui exécutent plus qu’ils ne créent. Deux après le triomphe public et critique de Mommy, le jeune surdoué du cinéma québécois (7 films et une flopée de prix à seulement 27 ans, c’est quand même pas rien) enchaîne avec Juste la fin du monde, adaptation d’un roman de Jean-Luc Lagarce. Huis-clos psychologico-dramatique dans lequel un écrivain revient dans sa famille après douze ans d’absence pour annoncer aux siens sa mort très prochaine, Juste la Fin du Monde est par ailleurs le témoin d’un second constat : tout le monde se bouscule pour tourner avec un Dolan qui excelle dans la direction d’acteur. Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Vincent Cassel, c’est la crème du cinéma français qui débarque devant sa caméra. Avec l’espoir qu’une telle réunion de talents donne lieu à autre chose qu’un pétard mouillé. Et dieu merci, ce n’est pas le cas.juste_la_fin_du_monde_2

Torrent émotionnel dévastateur dont on se remet avec les plus grandes difficultés, Juste la fin du monde reproduit ce que Mommy avait su provoquer il y a deux ans, à savoir une avalanche d’émotions fortes, qui sous-tendent un long-métrage souvent inconfortable, mais dans le bon sens du terme. On ressort de ce petit bijou mis en scène de main de maître par un prodige à l’intelligence artistique exceptionnelle, avec une sensation de vertige puissant, comme désarçonné, comme mis à mal par une histoire que le metteur en scène s’est remarquablement appropriée. Au terme de Juste la fin du monde, on ne sait plus où l’on est, où l’on habite, quand sommes-nous, on a juste ce sentiment d’avoir été comme un lapin pris dans les phares d’une voiture. Xavier Dolan a deux qualités dont il sait user avec talent. D’une part, il sait transcender les comédiens qu’il dirige, il sait les pousser à livrer le meilleur d’eux-mêmes, sinon plus. D’autre part, il a ce don inné pour extirper les plus profonds sentiments qui nouent le cœur de ses histoires, afin de les rendre à l’écran avec une telle force, que la frontière spectateur-écran-fiction se brouille, s’estompe, puis disparaît. Chez Dolan, on ne regarde pas un film, on le vit, souvent avec une intensité égale à celle qui se propage aux quatre coins de l’image. Pour Juste la fin du monde, cette dynamique permet au film de se mouvoir avec une puissance qui le catapulte dans une dimension extraordinaire. Aussi statique qu’il soit dans le cadre de son action (une maison familiale), Juste la fin du monde est sans cesse en mouvement. Parce que les dialogues fusent, parce que les personnages ne sont jamais arrêtés, physiquement ou émotionnellement. Tout est presque hystérique autour d’un héros en apparence calme et passif face à ce chaos. En apparence seulement. Car au fond de lui, tout bouge, tout est chamboulé, les souvenirs s’entrechoquent avec le présent, les regrets se conjuguent à l’insupportable terreur de l’avenir. Comment leur annoncer cette nouvelle qui va les anéantir ? Louis (Gaspard Ulliel) bouillonne d’angoisse et assiste, perdu et désespéré, à un bal de reproches et de violence émotionnelle et verbale, qui nous achève encore plus, sachant la raison de sa présence.juste_la_fin_du_monde_4

Comme souvent, Dolan cristallise et concentre les ressentis et nous projette avec perte et fracas dans les recoins de son drame. On est mal, on a mal, et les larmes contenues peinent à le rester. Juste la fin du monde est une merveille, certes exigeante et parfois un peu trop en démonstration, mais le fait est que Dolan sait y faire pour nous désarmer. C’est lorsque l’on est dans cet état de vulnérabilité totale, qu’il nous achève par quelques scènes poignantes à la cruauté vraie. Coup d’artiste qui souffle le spectateur sur place, Juste la fin du monde narre le récit d’un moment terrible en compagnie d’un homme en souffrance, d’une famille dysfonctionnelle et de non-dits suffocants qui explosent. En somme, du pur Dolan dans les thématiques, filmé comme du pur Dolan dans la forme, et avec la puissance renversante d’un pur Dolan. Encore un coup de génie pour le québécois, dans lequel on louera une fois n’est pas coutume, cette capacité folle à nous mettre émotionnellement à genoux, et à faire de simples comédiens, des étoiles en état de grâce. Car il faudrait une dose de mauvaise foi intersidérale pour ne pas reconnaître la performance fabuleuse d’une Marion Cotillard à la fragilité poignante. Sa prestation époustouflante qui joue sans cesse avec les silences, les non-dits, les gestes et regards, domine une distribution à son diapason. Gaspard Ulliel fascine et bouleverse, Vincent Cassel impose un magnétisme terrifiant à fleur de peau, Léa Seydoux emporte… Seule Nathalie Baye est plus à la traîne pour amener de l’empathie. Reste que Juste la fin du monde est de ces films qui laissent sur le carreau, dans un état d’hébétement qui rappelle le pouvoir ensorceleur qui peut habiter le grand cinéma.

Par Nicolas Rieux

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