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JOBS de Joshua Michael Stern – critique (biopic)

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21024430_20130805132418528.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMondo-mètre :
note 3
Carte d’identité :
Nom : Jobs
Père : Joshua Michael Stern
Livret de famille : Ashton Kutcher (Steve Jobs), Dermot Mulroney (Mike), Josh Gad (Woz), Matthew Modine (Sculley), John Getz (Paul), Lukas Haas (Daniel), J.K. Simmons (Arthur), Lesley Ann Warren (Clara), James Woods (Jack), Kevin Dunn (Gil), Amanda Crew (Julie)…
Date de naissance : 2012
Majorité au : 21 août 2013 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 2h07
Poids : 12 millions $

Signes particuliers (+) : Un Ashton Kutcher convaincant.

Signes particuliers (-) : Tous les défauts guettant une tentative de biopic quelle qu’elle soit, se retrouvent dans cet effarant travail biographique indigent. Il fallait être sacrément culotté pour oser imaginer une seule seconde proposer un tel résultat évidé de sens, de profondeur, de créativité et d’émotion. Jobs n’avait aucune chance avec un script de cette qualité-là, dont la médiocrité est soulignée par la mise en scène fade et sans vision d’un cinéaste qui se rate sur toute la ligne. Piètre exercice plus proche du téléfilm sans ambition que de l’œuvre de cinéma, rien ne rend justice à l’homme qu’était Steve Jobs dans cette affaire stupéfiante de ringardise. Un comble quand on parle d’un « visionnaire » !

 

LIGNE DE CODE ERRONÉE

Résumé : L’histoire du brillant Steve Jobs, cofondateur d’Apple, du banc de la fac au triomphe de la marque à la pomme en passant par les débuts dans le garage familial…

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L’INTRO :

En attendant la très alléchante version que prépare Aaron Sorkin (showrunner de talent à l’origine de la série A la Maison Blanche et scénariste émérite derrière des classiques comme Des Hommes d’honneur, La Guerre selon Charlie ou The Social Network) à partir de la passionnante biographie de Walter Isaacson et avec Steve Wozniak (l’autre cofondateur d’Apple) comme consultant, la vie du regretté poumon d’Apple, Steve Jobs, a inspiré ce premier biopic dégainé plus rapidement et du vivant du personnage public décédé d’un cancer il y a même pas deux ans alors que la pré-production avait déjà commencé. Ce projet de commande d’un éditeur souhaitant se lancer dans le cinéma, a vu se greffer Joshua Michael Stern (précédemment auteur de la bouse avec Kevin Costner Swing Vote) au scénario et à la réalisation, avant qu’Ashton Kutcher ne soit recruté pour interpréter le brillant visionnaire non seulement pour sa ressemblance avec l’homme mais également pour ses compétences de businessman, lui qui a su gérer sa carrière comme un geek et flairer les bons coups de sites comme Spotify ou Skype en investissant dedans avant qu’ils ne prennent leur élan.

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Si le film a été une semi-déception limitée aux Etats-Unis (6 millions de recettes à l’issue de son premier weekend mais pour un budget de seulement 12 millions), l’histoire de Steve Jobs n’en était pas moins pour autant très intéressante. Fin stratège et businessman doublé d’un créateur inventif et avant-gardiste, qui a su faire d’une start-up ayant débuté dans le garage de ses parents, une entreprise mondiale de premier plan synonyme de technologie de pointe, d’élégance et pas loin d’être un signe extérieur de richesse, Steve Jobs est devenu au fil des années un mythe à mi-chemin entre l’incarnation du rêve américain et le génie pur dans la lignée des Edison, Ford ou Graham Bell…

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L’AVIS :

Joshua Michael Stern n’a jamais brillé par le passé et autant prévenir, ce n’est certainement pas avec ce nouveau film au sujet consensuel qui n’aurait pas dû avoir de mal à trouver son public, qu’il va y arriver. D’ailleurs, sa carrière en demi-teinte peut peut-être partiellement trouver une explication logique dans la réputation qui l’a précédé, globalement unanime vis-à-vis du résultat proposé, annoncé comme passablement médiocre en plus de s’être attiré les foudres de Steve Wozniak quant à son exactitude historique. On ne fera pas original pour le coup et on ne pourra que confirmer ce qu’il en a été dit. Jobs est une purge pas loin du honteux à la vue de la matière à disposition. Steve Jobs représentait à lui-seul un sujet passionnant et l’histoire étonnante de la firme Apple recelait suffisamment d’originalité pour étoffer ce biopic intelligemment. Mais encore eut-il fallu pour ça que quelqu’un, outre le comédien principal, ne croit un minimum à cette entreprise totalement en roue libre de son écriture à sa mise en scène. Si l’on ne peut reprocher quoique ce soit à un Ashton Kutcher assez impressionnant, loin de ses facéties et rôles comiques, on ne pourra en revanche qu’être tenté de tirer à boulets rouges sur Joshua Michael Stern, capitaine absent du navire. Des critiques justifiées sur deux temps. D’abord, la construction dramaturgique de son script effarant de bêtise et cumulant toutes les erreurs qu’il était possible de cumuler dans l’étape rédactionnelle. Un scénario qui n’a que très rarement et insuffisant la capacité à se détacher du mythe qu’il glorifie, sans cesse coincé dans l’hommage au lieu de prendre à bras le corps le personnage pour en proposer une véritable vision étoffée et distanciée. Stern se contente d’aligner bêtement quelques étapes de vie sans jamais faire preuve d’une vision globale, sans jamais pénétrer dans son personnage, comme s’il brossait une vague illustration d’un résumé internet sur l’homme au lieu de le fouiller, de l’étudier, de le cerner. Grotesque et renversant de stupidité, son biopic s’articule à une pauvreté psychologique réussissant l’exploit de rendre totalement inintéressant son sujet au rythme d’une structure narrative stupéfiante de facilité, de simplicité et d’artificialité. On touche le fond avec le sur-étalage de louanges permanentes rendant ce Jobs plus comme un hommage funèbre lissé que comme un vrai biopic profond et ce ne sont pas les deux/trois tentatives d’écaillage du vernis apparent qui sauveront l’exercice de sa médiocrité « historique » et humaine, bien au contraire puisqu’au final, elles ne réussissent qu’à sonner hors-sujet dans l’ensemble de l’œuvre et de ce qu’elle raconte. Clairement, Jobs manque d’une vision artistique, d’un parti pris digne d’intérêt et le choix des moments clés et de la temporalité traitée ne fait que l’enfoncer davantage avant qu’il ne sombre. Le film se promène péniblement de 1974 à 1997, occultant finalement l’aboutissement de son histoire avec les véritables belles années Apple post-IMac et l’enchaînement des inventions les plus brillantes et novatrices. La thématique et l’angle choisis sont ceux du caractère « pionnier » de l’homme mais le film coupe court là où l’on s’attendait à le voir décoller un minimum, là où l’emphase aurait été la plus justifiée par la légende écrite. Et c’est sans évoquer les trous de l’histoire, les passage survolés ou inexpliqués.

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Avec un scénario aux fondations branlantes en poche (comme il l’a rédigé, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même), Stern s’attaque alors à la réalisation. Et comme le diraient certains magazines télé à succès, « et là, c’est le drame ». Jobs coule à pic par sa fadeur, son manque de caractère et pire, d’émotion. Le cinéaste fait preuve d’une paresse phénoménale qui n’a d’égale que la platitude du résultat. Sa mise en scène académique n’est que la partie émergée du problème, car c’est surtout son absence totale d’imagination et de créativité (un comble vu le sujet !!) qui pose question. Jobs est linéairement mollasson, balisé en tout point, et souffre d’un tel manque de souffle et de magie, que le film ressemble davantage à une série B téléfilmée ou au mieux, à un modeste produit artisanal destiné à devenir un faiblard DTV sans ambition.

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La déception est cruelle et ne fait que renforcer l’attente autour du projet concurrent de Sorkin encore en développement et qui s’annonce couillu puisque le scénariste souhaiterait le chapitré en seulement trois séquences illustrant trois lancements de produits. Jobs est tout simplement inutile et quitte à ne rien raconter à ce point-là, alors valait-il mieux encore ne pas le faire. De ce biopic raté, et encore le mot est un euphémisme, enfonçant des portes grandes ouvertes, on ne retiendra probablement que son interprète convaincant dans les limites du matériau à sa disposition, et un immense sentiment de gâchis devant un projet foireux et foiré n’égratignant pas vraiment le mythe controversé, pas plus qu’il ne lui rend un hommage vibrant. Stern ne s’applique dans aucune des directions qu’il emprunte et fait preuve d’une incapacité fatale à aller au bout de ses idées, dans un sens comme dans l’autre. C’est dommage. La personnalité troublante de l’homme, son changement au fil des années, sa vie familiale, le vide autour de lui, ses relations avec les autres, ses échecs et ses succès, ses aspirations, la juste valeur de sa responsabilité dans les innovations made in Apple… Jobs essaie d’approcher certaines questions mais le fait si mal, qu’il n’en reste que des interrogations béantes et une sensation de vide intersidéral. Étonnant de voir comment un film de plus de deux heures peut laisser autant sur sa faim…

Bande-annonce :

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