[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Under the Silver Lake
Père : David Robert Mitchell
Date de naissance : 2018
Majorité : 08 août 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h19 / Poids : NC
Genre : Comédie, Thriller
Livret de famille : Andrew Garfield, Riley Keough, Topher Grace, Callie Hernandez, Jeremy Bobb…
Signes particuliers : Un OFNI aussi dingue que jouissif.
UNE LÉGÈRE BRISE DE FOLIE
LA CRITIQUE DE UNDER THE SILVER LAKE
Résumé : À Los Angeles, Sam, 33 ans, sans emploi, rêve de célébrité. Lorsque Sarah, une jeune et énigmatique voisine, se volatilise brusquement, Sam se lance à sa recherche et entreprend alors une enquête obsessionnelle surréaliste à travers la ville. Elle le fera plonger jusque dans les profondeurs les plus ténébreuses de la Cité des Anges, où il devra élucider disparitions et meurtres mystérieux sur fond de scandales et de conspirations.
Quand on est un jeune cinéaste qui vient de se révéler avec un coup d’éclat, on a coutume de dire que le plus difficile est toujours de réussir le film d’après, celui sur lequel tous les regards seront braqués, avec désormais beaucoup plus d’attentes. Après avoir revisité le cinéma d’épouvante et ses codes avec l’excellent It Follows, son second long-métrage qui lui aura apporté une notoriété internationale, le cinéaste David Robert Mitchell se frotte cette fois-ci au film noir, plus particulièrement aux codes des vieux films noirs américains des années 50-60. Sauf qu’Under The Silver Lake n’est pas un simple revival nostalgique des polars d’antan. Ce serait trop simple. Non, Under The Silver Lake est un récital plongeant dans une intrigue de film noir, baignant dans une ambiance fantastique, flirtant avec la comédie romantique et tutoyant l’absurde avec une folie jubilatoire. Une sorte de melting-pot qui confère à l’ofni pur, aussi déroutant que fascinant.
Dans l’univers d’Under The Silver Lake, il y a un tueur de chiens sanguinaire, un fanzine qui raconte des histoires bizarres, une paranoïa conspirationniste, des messages codés dans des chansons ou sur des paquets de céréales, il y a des filles qui déménagent la nuit sans laisser de traces, une voisine les seins à l’air, un perroquet intarissable, des putois, une célébrité qui a un accident, du sexe, des problèmes d’argent, des visions, une enquête, une histoire d’amour… Un gros n’importe quoi ? Oui, un peu. Mais un n’importe quoi fascinant que maîtrise remarquablement David Robert Mitchell, pour nous entraîner dans un espèce de décale cinématographique hallucinatoire où l’on y perdrait presque pied. Plus Under The Silver Lake progresse, plus il devient barré et singulier. Plus Under The Silver Lake devient barré et singulier, et plus on se régale de son fonctionnement qui s’ingénie à déstructurer tout ce qu’il peut avoir construit de structuré, qui s’ingénie à transformer un chemin sinueux en labyrinthe vertigineux. Epique dans son incroyable aventure intimiste, Under The Silver Lake s’appuie sur un personnage que l’on ne va jamais quitter, pour s’immerger pleinement dans un mille-feuilles fait de références, de métaphores, de symbolismes, d’obsession et de parenthèses existentialistes.
Au cœur de cette entreprise insaisissable, Andrew Garfield, formidable vecteur de cette errance psychologique dans un espace où le réel et l’irréel se mélangent au point qu’il devient impossible de démêler le tangible du fantasmagorique. Le comédien, plus habité que jamais par son rôle, est le conducteur de ce train délirant qu’est Under the Silver Lake, représentation fiévreuse d’un monde actuel à la dérive, rongé par la culture du divertissement à outrance, rongé par la culture de l’apparence, rongé par une inquantifiable somme de petites démences qui mènent les gens à chercher des échappatoires pour s’enfuir loin du quotidien anxiogène. Et parmi ces échappatoires, il y a la pop culture. Récemment, le spielbergien Ready Player One avait été loué pour sa propension à sublimer la contre-culture et la pop culture. Dans un registre très différent, Under the Silver Lake l’appelle lui-aussi. La pop culture et le cinéma sont partout, dans des clins d’œil évidents ou des références plus discrètes. Mitchell utilise de nombreux extraits de films, s’amuse à imiter des plans d’Hitchcock, à recréer des scènes comme la célèbre séquence de la piscine dans l’inachevé Something Got to Give où Marilyne Monroe apparaissait nue, il évoque Comment Epouser un Millionnaire, fait un clin d’œil fabuleux à Spiderman (cadeau pour Andrew Garfield), et aligne musicalement une B.O d’enfer avec du Nirvana, du R.E.M et on en passe. Mais rien n’est gratuit, tout a pour vocation d’alimenter la densité et l’intensité d’Under the Silver Lake, film qui se réinvente en permanence, afin de lutter contre un Mal qui le guette de toute part : la vacuité d’un effort libre, jouissif mais qui aurait pu être creux. Il ne l’est pas. Pour illustrer la folie de notre monde moderne, Under the Silver Lake épouse la folie comme moteur narratif pour évoluer, et s’octroie ainsi toutes les libertés pour devenir une œuvre-symbole aux allures de fable délirante.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux