Et ainsi prend fin la Phase V du Marvel Cinematic Universe entamée en 2023 avec
Ant-Man et la Guêpe : Quantumania. Une phase peu lisible, peu ordonnée, une phase faiblarde aux airs de transition vers un renouveau ardemment espéré par la firme, consciente de l’urgence face au déclin de ses productions. D’ailleurs, la phase VI débutera avec une résurrection, celle des fameux
4 Fantastiques, avant la nouvelle réunion des
Avengers. Mais en attendant,
Thunderbolts donc, le
Suicide Squad de l’univers Marvel puisqu’à l’instar de chez DC, il est question d’un groupe de criminels et de repris de justice formant une escouade d’anti super-héros. Parmi eux, Florence Pugh reprend le rôle de Yelena Belova, sœur de la défunte Black Widow Natacha Romanoff (Scarlett Johansson). David Harbour renfile le costume de son père, le soviétique Red Guardian, Sebastian Stan retrouve celui du Soldat de l’hiver, Julia Louis-Dreyfus est de nouveau la comtesse Valentina Allegra de Fontaine (teasé à la fin de
Black Widow et vue dans
Black Panther 2), Wyatt Russell est de nouveau John Walker, le Captain America déchu de la série
Falcon…

Marvel n’a jamais communiqué officiellement sur le budget de
Thunderbolts. On se doute qu’il est maousse comme toutes les productions de la maison mais clairement, on n’est pas dans un film de la A-list. Comprenez par là qu’en terme de popularité et d’attentes,
Thunderbolts n’a rien d’un fleuron de la flotte Marvel, mais tout d’un « petit » film intermédiaire. D’ailleurs, rien ne se réclame de la A-list dedans. Les personnages sont d’anciens seconds rôles mis en avant, la distribution est moins ronflante, même le réalisateur n’est pas un « nom » (Jake Schreier, auteur de
Frank et le Robot et La Face Cachée de Margo). Mais parfois, on en viendrait presque à se dire qu’un plus petit Marvel peut se libérer de l’emprise ultra-codifiée des grosses marques du studio et ainsi surprendre en investissant un espace de créativité difficilement atteignable par les super-productions stars. Et si
Thunderbolts nous refaisait un coup comme le mésestimé
Les Eternels ?
Thunderbolts, c’est l’histoire d’un film étrange. Un Marvel où les personnages existent et sont passionnants. Un Marvel où l’histoire repose sur un socle vraiment intéressant avec une réelle profondeur et une thématique forte. Un Marvel doté d’un vrai ton, plus mélancolique que fun, plus dramatique que spectaculaire, plus humain que fondamentalement super-héroïque. Des choses que l’on n’a pas l’habitude de voir dans les productions sérielles de la firme. Enfin un Marvel radicalement différent des autres ? En un sens, oui. Thunderbolts est original et détonne dans le MCU par sa nature intrinsèque. Ca fait du bien et on a envie de l’aimer pour ça. Sauf que malheureusement, même quand ça part bien, Marvel trouve le moyen d’abîmer bêtement ses jouets.

Cette fois, le problème n’est pas dans le sur-spectacle massif décérébré, ni dans l’absence d’âme, ni dans l’inconsistance de l’histoire ou des personnages. Cette fois, c’est un problème d’équilibre qui étouffe tout ce que ce Thunderbolts aurait pu être si on avait la demi-sensation que ses têtes pensantes y croyaient vraiment. Le film de Jake Schreier est construit en deux parties bien distinctes. Une première quasi en huis clos où les protagonistes se rencontrent de force, où l’escouade se forme par nécessité de survie après avoir été piégée pour les amener à s’entretuer. Une longue moitié du film interminable et un peu répétitive, où il ne se passe pour ainsi dire pas grand-chose durant une bonne heure pas loin d’être assommante d’ennui si quelques petits traits d’écriture ne venaient pas lui conférer un intérêt diffus. Puis le film s’ouvre enfin sur des enjeux incarnés dans un super-vilain qui n’en est pas un. Il y a d’un côté Bob, jeune homme chétif et dépressif exploité comme cobaye pour des expériences destinées à en faire un sur-homme (en écho à celles ayant créées le Captain America ou Le Soldat de l’hiver). De l’autre, il y a Sentry, le super-héros tout-puissant généré par ces expériences scientifiques secrètes sur ce pauvre Bob. Et enfin il y a Le Néant, la combinaison dramatique d’une expérience dangereuse sur une psyché trop fragile pour supporter le poids d’une telle entreprise de construction/déconstruction. Dans cette seconde et dernière partie, Thunderbolts explore la question des maladies mentales et des âmes fragiles facilement manipulables mais trop imprévisibles pour être bien contrôlées. À n’en pas douter ce que le film a de meilleur à proposer, on regrettera qu’elle se dégonfle comme un ballon de baudruche. Trop courte, trop survolée, comme si tout le film menait à un noeud narratif finalement expédié en quelques dizaines de minutes. Thunderbolts trouve son dénouement là où il aurait dû entrer dans le vif de son sujet.

On saluera la tentative audacieuse de Marvel de proposer autre chose qu’une énième marvellerie insipide, un film moins porté sur la débauche de spectacle et d’effets spéciaux et davantage tourné vers le drame aux traumatismes lourds et/ou noirs. Comme cet anti super-vilain piégé dans ses angoisses, ses aliénations et ses failles mentales et dont le super-pouvoir découle finalement de sa terrible noirceur intérieure. Comme cette héroïne déprimée (émouvante Florence Pugh) en quête d’un but pour briser le rythme mélancolique d’une existence éteinte qu’elle ne fait que traverser mécaniquement. Comme ce Captain America éphémère (Wyatt Russell) brisé dans sa triste déchéance. Thunderbolts est un film psychologique fascinant sur une réunion de héros qui auraient bien besoin de consulter pour exorciser leurs maux. Bien plus humain que l’immense majorité des films du studio, Thunderbolts brille dans les imperfections de ses personnages désenchantés. Pas étonnant de voir ses comédiens avoir la latitude pour livrer de vrais beaux numéros d’acting entre fragilités, brisures et désespoirs. Probablement l’un des Marvel les plus intéressants de ces dernières années, Thunderbolts réussit là où d’ordinaire la firme se loupe et inversement. C’est bien écrit et imaginé… mais ça pèche fortement en intensité.