Mondociné

THE RETURN, LE RETOUR D’ULYSSE d’Uberto Pasolini : la critique du film

Partagez cet article
Spectateurs

Nom : The Return
Père : Uberto Pasolini
Date de naissance : 18 juin 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : Angleterre, Italie, France, Grèce
Taille : 1h58 / Poids : NC
Genre : Drame, Historique

Livret de Famille : Ralph FiennesJuliette BinocheCharlie Plummer

Signes particuliers : Lent, contemplatif, exigeant, fascinant.

Synopsis : De retour de la guerre de Troie après 20 ans d’absence, Ulysse échoue sur les côtes d’Ithaque, son ancien royaume. Sa femme Pénélope, restée fidèle, y vit prisonnière de sa propre demeure, repoussant tous les prétendants à la couronne. Télémaque, leur fils, qui n’a jamais connu son père, devient lui un obstacle pour ceux qui veulent s’emparer du pouvoir.

ULYSSE SUR SON 31

NOTRE AVIS SUR THE RETURN – LE RETOUR D’ULYSSE

Soyons honnêtes, c’est quand même sacrément ambitieux de vouloir s’attaquer à L’Odyssée d’Homère. Surtout quand on n’a pas les moyens démesurés d’une superproduction hollywoodienne comme le prochain Odyssey de Christopher Nolan. Mais Uberto Pasolini (aucun rapport avec Pier Paolo mais en revanche neveu de Visconti) est un courageux. Ou un téméraire, selon comment l’on voit les choses. Le cinéaste italien qui nous avait tant séduit avec son poétique Une Belle Fin en 2013, s’attache aux derniers chants de l’épopée d’Ulysse, lorsqu’il parvient enfin à regagner l’île d’Ithaque après vingt ans d’absence et de dérive. Tout le monde le croit mort à Troie depuis longtemps, son royaume est aux abois, la reine Pénélope est cernée par les prétendants qui attendent qu’elle fasse son choix d’un nouvel époux, et son retour n’est plus attendu par personne, peut-être éventuellement par son fils Telemaque, qui y croit encore sans vraiment y croire.

The Return, un titre si évocateur. The Return raconte le retour d’Ulysse. Le retour aussi d’une histoire plus adaptée au cinéma depuis le Ulysse avec Kirk Douglas en 1954. Mais il marque également le retour d’un couple mythique du cinéma, Ralph Fiennes et Juliette Binoche, emblématique duo du Patient Anglais d’Anthony Minghella il y a près de 30 ans. Uberto Pasolini imagine une sorte de huis clos à ciel ouvert où sous le soleil ardent de l’île d’Ithaque, se joue comme une pièce de théâtre en plusieurs actes. D’abord le retour inespéré du héros qui erre sur ses terres en observateur caché et honteux. Puis la tension qui monte autour de la reine Pénélope, de moins en moins en mesure de repousser les assauts de la horde de prétendants qui veulent l’épouser pour s’emparer du trône. Et enfin la confrontation du ressuscité avec tout ce beau monde.
Une petite poignée de personnages, un lieu unique comme décor, un récit d’attente. Pasolini s’empare de la partie la plus intimiste et épurée de L’Odyssée, signant ainsi un film lent et contemplatif où le poids des jours qui passent se fait écrasant pour tous les personnages. Celui qui attend le bon moment pour manifester son retour, ceux qui l’attendent depuis si longtemps sans parvenir à faire leur deuil, ceux qui attendent que l’oubli soit acté et que leur tour arrive. Dans ce rythme lancinant, le cinéaste focalise son regard sur les tensions que cette absence provoque et dresse des portraits de personnages dont les vies sont arrêtées, en suspens depuis une éternité. Tout le monde erre, patiente, se languit. Anti-spectaculaire par essence, The Return est un film mal aimable dont l’action se joue essentiellement sur la non-action, sur l’immobilisme d’une île où tout est figé. Et Pasolini en profite pour observer ses protagonistes jusqu’au plus profond de leurs âmes. Un Roi brisé par des années de guerre et de voyages, tourmenté par la culpabilité et l’odeur de la mort qui l’ont que trop accompagnées. Une Reine incapable de se résigner à faire son deuil et à aller de l’avant, et qui préfère tisser un linceul qu’elle défait la nuit pour stagner volontairement. Un fils qui ne parvient pas à trouver sa place dans ce monde et autour duquel les tensions se cristallisent.

S’il peut paraître ennuyeux au départ par la radicalité de son non-rythme évoluant sur une langueur voulue pesante et austère, The Return finit par trouver dans un interstice, un chemin qui va lui conférer un quelque chose d’hypnotique, une sorte d’intensité psychologique incarnée notamment dans le corps amaigri et marqué d’un immense Ralph Fiennes habité par son personnage mutique. Dépouillé de toute dimension épique, The Return donne l’impression d’assister à un bal fantomatique où des morts de l’intérieur essaient de se raccrocher à un mince filin de vie pour espérer ressusciter dans cette île aux allures de prison désenchantée. Entre l’ennui et l’attente, le film parvient à devenir fascinant à sa manière, comme la très ancienne tragédie toujours aussi moderne qu’il porte à l’écran.

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux