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SINNERS de Ryan Coogler : la critique du film

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Spectateurs

Nom : Sinners
Père : Ryan Coogler
Date de naissance : 16 avril 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h17 / Poids : 90 M$
Genre : Epouvante

Livret de Famille : Michael B. JordanHailee SteinfeldMiles Caton

Signes particuliers : Extraordinaire !

Synopsis : Alors qu’ils cherchent à s’affranchir d’un lourd passé, deux frères jumeaux reviennent dans leur ville natale pour repartir à zéro. Mais ils comprennent qu’une puissance maléfique bien plus redoutable guette leur retour avec impatience. – « À force de danser avec le diable, un beau jour, il viendra te chercher chez toi. »

DU BLUES ET DES VAMPIRES

NOTRE AVIS SUR SINNERS

Michael B. Jordan et Ryan Coogler, acte IV. Après avoir collaboré sur Fruitvale Station, Creed et Black Panther, le binôme fusionnel se retrouve aujourd’hui pour Sinners, un film de vampires dans le sud des Etats-Unis des années 30. Comme si La Couleur Pourpre et Mississippi Burning rencontraient Une Nuit en Enfer.

Vétérans de la Grande Guerre, les frères jumeaux Smoke et Stack (Michael B. Jordan dans un double rôle) reviennent dans leur ville natale du Mississippi après un passage à Chicago où ils ont travaillé pour la pègre. En pleine prohibition, ils sont de retour avec une grosse cargaison d’alcool volée, qu’ils comptent écouler en achetant une scierie à un vieux raciste du coin, afin de la transformer en juke joint, ces établissements afro-américains de l’époque mélangeant musique, dancing, jeux d’argent et débit de boisson. Mais leur projet va dérailler quand une menace maléfique va débarquer le temps d’une nuit ensanglantée…

Il y a plus facile que de s’attaquer au registre du film de vampires en 2025. Peut-être parce qu’il a été considérablement sur-exploité dans un lointain passé à l’instar du western ou peut-être car ses plus grands classiques semblent impossible à surclasser, le genre paraît aujourd’hui un peu ringard, se traînant une réputation de vieillerie passé de mode, et ce malgré quelques occasionnels (mais réguliers) soubresauts (le splendide Morse, le rigolo Abigail ou le fascinant Nosferatu de Eggers par exemple). Avec Sinners, Ryan Coogler montre que le genre n’a pourtant rien de si figé que ça, et que l’on peut encore faire de grandes choses avec lui. Le cinéaste fait parler son indéniable sens de la mise en scène pour signer un film puissant mêlant racisme, blues et vampires. Un grand geste de cinéma comme on en voit de plus en plus rarement, ponctué de scènes qui marqueront l’année et pas qu’elle.

Comme l’évoqué Une nuit en enfer de Robert Rodriguez, Sinners arbore une construction en deux temps. D’abord, une longue première partie qui s’attache à planter des personnages, un univers, un regard historique, une intrigue dramatique. Puis vient le point de rupture, l’apparition fracassante du fantastique au milieu d’un récit qui ne l’appelait à priori pas. Et le film de virer alors dans l’horreur inattendue. Car dans un premier temps, Sinners ne se destine en rien à être un film de genre. Ryan Coogler dépeint l’Amérique sudiste ségrégationniste, la culture noire de l’époque, et manœuvre entre le drame et le film de truands. L’irruption vampirique vient fracturer le scénario et importer à travers un nouveau ton, un nouveau regard sur les fantômes de l’esclavagisme, sur l’ombre planante du Klu Klux klan, sur la vampirisation de la culture noire. D’abord envoûtant, le film bascule dans l’intense combat d’un groupe pour sa survie avec tout ce qu’il faut d’imagerie horrifique sanglante.

Du fond et de la forme, tel est le credo d’un bijou de cinéma signé Coogler. A travers son histoire d’une communauté noire attaquée dans sa chair, le cinéaste vient jouer sur les plates bandes d’un Jordan Peele (Get Out, Us, Nope) mais avec beaucoup plus d’intelligence et de subtilité. Le portrait d’une communauté noire agressée jusque dans les plus beaux retranchements de sa culture (« votre musique attire le diable« ) n’est pas qu’un prétexte à un discours sociétal résonnant, c’est aussi l’occasion d’une célébration d’une culture fascinante qui traverse les âges. Témoin, cette séquence absolument virtuose et sidérante où une mélodie blues agite le dancing du juke joint au point d’inviter parmi les fêtards du présent, les fantômes du passé et les acteurs du futur. Blues des années 30 cohabitent un instant avec des danseurs de hip, hop des années 2000 et plusieurs générations de noirs viennent se mélanger l’espace d’un instant magique, magistral et puissamment onirique. Passage emblématique du film qui restera à coup sûr comme son morceau de bravoure mémorable, cette séquence dingue est le sommet visible d’une montagne de génie. Ryan Coogler n’a de cesse d’offrir une mise en scène folle d’inspiration et de créativité. Il peut compter sur le soutien indéfectible de son acteur muse, un Michael B. Jordan impressionnant dans son double rôle, au passage techniquement très maîtrisé (avec pourtant une difficulté formelle plus élevée que dans le récent The Alto Knights avec Robert « Deux » Niro).

Film plus complexe que le simple roller coaster vampirique viscéral qu’il est aussi cela dit, Sinners est une expérience sensorielle vitalisée par le sang de la culture noire irriguant un cœur battant très très fort. A la fois divertissement emballant et film d’auteur audacieux, Sinners est autant une déclaration d’amour à la culture noire, qu’une allégorie politique, un polar horrifique immersif, une ofni ésotérique, un musical fiévreux ou une pièce de cinéma référentielle (appelant Carpenter, Wes Craven, De Palma, Spike Lee ou Peckinpah). Sacrée claque, sacré film !

 

Par Nicolas Rieux

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