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SANTIAGO, ITALIA de Nanni Moretti : la critique du film

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Santiago, Italia
Père : Nanni Moretti
Date de naissance : 2018
Majorité : 27 février 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 1h20 / Poids : NC
Genre : Documentaire

Signes particuliers : Passionnant, bouleversant, pertinent.

NANNI MORETTI S’ESSAIE AU DOCUMENTAIRE

LA CRITIQUE DE SANTIAGO, ITALIA

Synopsis : Après le coup d’État militaire du général Pinochet de septembre 1973, l’ambassade d’Italie à Santiago (Chili) a accueilli des centaines de demandeurs d’asile. À travers des témoignages, le documentaire de Nanni Moretti raconte cette période durant laquelle de nombreuses vies ont pu être sauvées grâce à quelques diplomates italiens.  

Quatre ans après avoir retrouvé la compétition officielle cannoise avec Mia Madre, Nanni Moretti signe une première dans sa carrière : un documentaire. Jusqu’à aujourd’hui, l’enfant terrible du cinéma italien s’était toujours cantonné à la fiction pour faire passer ses messages, avec notamment une tradition de l’autofiction satirique où le militantisme jouait des coudes avec un cynisme humoristique intelligent. C’était la belle époque de Nanni Moretti dans les années 80 puis 90. Aujourd’hui, le cinéaste n’a rien perdu de sa ferveur militante, de son engagement politique, de sa verve. Mais il a décidé de l’exploiter autrement. Santiago, Italia revient sur des heures sombres de l’Histoire, lorsqu’en 1973 en Amérique du Sud, les belles promesses d’une nouvelle société chilienne lancées par le nouveau Président Salvador Allende ont été réduites à néant par le coup d’Etat d’Augusto Pinochet et la sinistre et affreuse dictature meurtrière qu’il a mis en place.

Largement nourri d’archives et surtout d’entretiens avec d’anciennes victimes mais aussi avec quelques responsables militaires, Santiago, Italia retrace les espoirs qu’incarnaient Allende, décortique la manière dont le coup d’Etat s’est orchestré, ce qu’il a engendré de drames et enfin comment l’Italie a volé au secours de centaines de victimes en les protégeant dans son Ambassade avant de les faire venir en Europe. Le sujet est terrible, tragique, bouleversant. On l’a déjà vu au cinéma dans des fictions (No de Pablo Larrain) comme dans les magnifiques documentaires de Patricio Guzman (Nostalgie de la Lumière par exemple). Mais il y avait encore beaucoup à dire et Moretti en fournit la preuve avec un long-métrage à ranger parmi ses meilleures œuvres récentes.

En seulement 80 minutes, le réalisateur donne beaucoup de choses à voir. Comment l’arrivée au pouvoir de Salvador Allende représentait quelque chose d’inédit dans l’histoire politique de l’humanité, une société pour le peuple. Comment cette société presque idéale a inquiété les nations voisines au point de voir les Etats-Unis tout faire pour l’anéantir avec des méthodes digne de barbouzes. Comment le coup d’Etat de Pinochet a été surréaliste dans notre ère moderne, comment la répression a été atroce et comment des diplomates italiens a pu sauver de nombreuses vies en se dressant contre la barbarie. On découvre avec horreur l’histoire de nombreuses victimes torturées, on découvre avec horreur des militaires de l’époque qui, toujours droit dans leurs bottes, défendent honteusement l’indéfendable. Et par dessus tout, Moretti établit un discret parallèle pas forcément évident mais qui se dégage de l’ensemble une fois le film terminé. On parle d’une époque vieille de plus de 40 ans et pourtant, elle résonne dans nos têtes tant elle s’articule avec notre réalité de 2019. Dans les années 70, l’Italie a sauvé des vies, le peuple italien s’est ému du cauchemar de ces chiliens du bout du monde et un élan de solidarité formidable s’est mis en branle pour leur porter secours. Que reste t-il de ces beaux gestes d’humanité de nos jours, à l’heure où l’Italie est sans doute l’un des pays qui méprise le plus les Migrants venus de Syrie, à l’heure où le monde semble regarder avec distance ce drame qui se déroule sous nos yeux ? Au-delà du portrait poignant des heures de la dictature chilienne, c’est la finalité de Santiago, Italia, instiller dans les esprits ce constat sans vraiment l’affirmer ouvertement, instiller cette idée que les temps ont changé sans que l’on sache pourquoi.

Clair et intelligible d’un bout à l’autre, passionnant, déchirant et d’une immense pudeur, animé par une colère saine et froide qui cohabite avec la chaleur humaniste de l’effort, Santiago, Italia est un grand documentaire, important, pertinent, subtil. Peut-être un peu trop même tant on aurait aimé voir Moretti développer plus ouvertement le parallèle évoqué avec ce qu’il se passe de nos jours. Et à être dans les petits regrets, soulignons aussi que le rôle de la France avait été important aussi, rôle que Moretti n’évoque jamais, trop focalisé sur son Italie natale. Mais rien de nature à affaiblir l’impact de ce travail magistral qui aurait peut-être mérité d’être plus long que sa petite heure et vingt minutes, pour évoquer plus de choses et mieux pénétrer dans les argumentaires qu’il offre à voir.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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