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PARTHENOPE de Paolo Sorrentino : la critique du film [Cannes 2024]

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Spectateurs

Nom : Parthenope
Pères : Paolo Sorrentino
Date de naissance : 08 janvier 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 2h16 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Celeste Dalla Porta, Stefania Sandrelli, Gary Oldman

Signes particuliers : Du pur Sorrentino.

Synopsis : La vie de Parthénope de sa naissance dans les années 1950 à nos jours. Une épopée féminine dépourvue d’héroïsme mais éprise de liberté, de Naples, et d’amour. Les amours vraies, indicibles ou sans lendemain qui vous condamnent à la douleur mais qui vous font recommencer. Le parfait été à Capri d’une jeunesse insouciante malgré un horizon sans issue. Autour de Parthénope, les napolitains. Scrutés, aimés, désillusionnés et pleins de vie, que l’on suit dans leurs dérives mélancoliques, leurs ironies tragiques et leurs moments de découragement. La vie peut être très longue, mémorable ou ordinaire. Le temps qui passe offre tout le répertoire des sentiments. Et là, au fond, proche et lointaine, cette ville indéfinissable, Naples, qui ensorcèle, enchante, hurle, rit et peut nous faire mal.

PAOLO SORRENTINO ENVOUTE TOUJOURS

NOTRE AVIS SUR PARTHENOPE

Trois ans après La Main de Dieu sorti tristement sur Netflix en ayant été privé du grand écran, Paolo Sorrentino revient par la plus belle des portes, ou plutôt par le plus grands des escaliers, le tapis rouge du festival de Cannes. Son dixième long-métrage, Parthenope, a connu les honneurs de la prestigieuse compétition officielle, même s’il est reparti bredouille de la Croisette. Un échec compréhensible tant son nouveau film divise dans les ressentis qu’il inspire. Sorrentino y relate la vie de Parthenope, une jeune napolitaine à la beauté ensorcelante, des années 50 à nos jours. D’une jeunesse insouciante entre oisiveté et lectures à une formation en anthropologie en passant par un drame aux allures de brisure, des déambulations à Capri ou dans le Naples interlope, Parthenope est un vaste portrait de femme qui tour à tour brille ou se ternit.

Et Sorrentino fait du Sorrentino, pour le plus grand bonheur de ses admirateurs, pour le plus douloureux calvaire de ses détracteurs. Formellement c’est sublime, comme toujours chez Sorrentino. Philosophiquement, c’est d’une infinie profondeur, comme toujours chez Sorrentino. Et cinématographiquement, on se laisse embarquer comme toujours chez Sorrentino par un flow, par des images, par des dialogues élégants, par une atmosphère napolitaine, par des comédiens qui irradient l’écran – une comédienne en l’occurrence cette fois, la magnétique Celeste Dalla Porta. Comme on tombe instantanément amoureux de son actrice amoureusement filmée par le cinéaste, on a envie de tomber amoureux très fort de ce superbe Parthenope, pour sûr plus que de raison. Car comme l’amour rend aveugle pour reprendre l’adage, on a envie d’occulter les défauts évidents de ce nouveau (très) long-métrage qui, à plus d’un égard, rappelle La Main de Dieu, le précédent film du metteur en scène.

Que c’est beau. Mais que c’est (trop) long. Que c’est brillant. Mais que c’est nébuleux. Que c’est virtuose à l’écran. Mais que c’est facile dans la méthodologie. Parthenope est un film de contractions. Un bijou mal aimable ou un ratage qui sait se sublimer, au choix. La vérité est sans doute quelque part au milieu de tout cela, alors que les qualités du film deviennent aussi des défauts et vice versa.

Comme souvent, Sorrentino séduit l’œil par des plans splendides, par des images de cinéma puissantes qui fascinent, emportent, enivrent, et transfigurent cette ode à la femme, à la beauté, à l’art, à Naples. Parthenope est une longue élégie, un film mélancolique qui lézarde au soleil, qui disserte sur l’existence, qui déambule dans Naples ou ailleurs, dans le sillage de ces beaux visages, de ces corps voluptueux, de cet esprit de liberté qui se dégage d’un film entre le poème romanesque et l’essai filmé. Au gré des événements, Sorrentino se veut baladin, introspectif, esthète, philosophe, drôle, voyeur, pudique, enchanté ou désenchanté, maussade, acerbe, piquant, joyeux, pessimiste, optimiste… Parthenope change constamment de tons et de tonalités car ainsi faite est la vie, un long fleuve qui s’écoule avec ses temps calmes, ses remous et ses caprices.

Tout cette versatilité de l’existence, Sorrentino l’enferme dans un personnage fascinant, presque un mythe fait femme, d’où son prénom chargé en symbolique. Parthenope. Une déesse, une muse, une divinité pour ceux qui la croise. Une femme intelligente qui semble chercher le but de la vie en flottant au-dessus d’elle, de ces vices et de ses banalités. Le désir, elle l’inspire plus qu’elle ne le ressent. Sait-elle seulement ce qu’elle désire ? Le personnage est fascinant, le film l’est tout autant. Au cœur de son conte allégorique, Sorrentino dresse un fabuleux portrait de femme et à travers lui, exprime un portrait dense de la vie ou des vies. À mesure que Parthenope s’interroge sur l’existence, on s’interroge avec elle sur une multitude de sujets plus ou moins importants, comme nous-même mué par un élan anthropologique passionné.

Mais tout ça, l’italien ne l’a t-il pas déjà dit ou montré, de La Grande Belleza à Youth ? Sorrentino ne tournerait-il pas un peu en rond dans son cinéma ? C’est en tout cas l’impression que donne Parthenope, et déjà La Main de Dieu avant lui. On sait le cinéaste très dilettante et fainéant (il nous l’avait confessé lors d’un entretien sans filtre pour Youth il y a quelques années). Parthenope en est la démonstration. Le charisme naturel de ses films est encore présent mais les très belles images enivrantes sont plus le fruit du recours facile à des motifs formels « efficaces » que des traits de génie inspirés. L’emploi du ralenti très expressif, les jeux de lumière gorgés de soleil, le cadrage de beaux décors, le tout recouvert d’une bonne musique, Sorrentino fabrique des belles images de manière assez commode et mécanique, tel un publicitaire cherchant le moyen le plus direct pour faire du joli sans trop se casser la tête. En résulte une impression de voir le film tourner en rond dans sa superbe esthétique dont on ne sait jamais trop si c’est du vrai beau ou du toc artificiel.

Et puis il y a le récit, versatile, qui séduit une heure, ennuie une demi-heure, puis re-séduit, puis re-ennuie… Comme quand il nous plonge dans des coutumes napolitaines sans que l’on ait forcément les clés pour comprendre. Il faut être un connaisseur de la ville pour saisir tout ce passage sur San Gennaro et le rituel de la fiole au sang solidifié. Car Sorrentino, lui, ne l’expliquera pas… alors qu’il s’y attarde très longuement. Comme tout ce long passage qui conduit Parthenope à assister à un autre rituel où un jeune couple déflore sa virginité en public devant un prêtre et une assistance. Autant de passages visuellement magnifiques mais parfois pénibles de longueur, et qui ont cet effet de nous sortir du film. Sorrentino veut nous plonger dans les limbes de son Naples mais il perd de vue l’essence de son film : son personnage subjuguant que l’on ne voudrait jamais lâcher. Autant de passages qui abîment une dynamique délicieusement hors du temps, comme suspendue à un idéal, ou plutôt à des idéaux. Finalement, le tort de Sorrentino est de vouloir trop en faire à tous les niveaux et ses excès détériorent parfois une œuvre éprise d’un rythme langoureux dicté par les pas de cette si belle Parthenope, une magnifique Celeste Dalla Porta que Sorrentino sublime à l’écran et qui elle-même sublime en retour le film de Sorrentino.

 

 

Par Nicolas Rieux

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