Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Bellflower
Parents : Evan Glodell
Livret de famille : Evan Glodell (Woodrow), Jessie Wiseman (Milly), Tyler Dawson (Aiden), Rebekah Brandes (Courtney), Vincent Grashaw, Zack Krauss…
Date de naissance : 2011
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h46 – 17.000 $ (non, il ne manque pas un zéro)
Signes particuliers (+) : Fascinant, envoûtant, inquiétant, différent. Visuellement superbe et maîtrisée.
Signes particuliers (-) : Quelques maladresses de jeunesse.
GÉNÉRATION DÉSENCHANTÉE…
Résumé : Woodrow et Aiden, deux amis, sont en errance de vie. Paumés, ils focalisent toute leur énergie à construire une voiture de guerre post-apocalyptique qu’ils surnomment « la médusa ». Jusqu’à ce que Woodrow rencontre une femme…
Bellflower est l’illustration parfaite du cinéma indépendant, et par extension du rêve américain. Auto-produit dans la douleur et la sueur pour la dérisoire somme de 17.000 dollars par son auteur Evan Glodell qui en est scénariste, producteur, monteur, réalisateur et interprète principal, cette modeste première œuvre est pourtant d’une ambition folle, démesurée, tout en ne trahissant jamais son budget ultra économique. Et d’un petit film mûri pendant plus de huit ans, Bellflower va devenir une œuvre marquante, mise sous le feux des projecteurs notamment par son passage aux réputés Festival de Deauville et de Stiges avant d’être nominé aux Independent Spirit Awards et de remporter un prix au Paris International Fantastic Film Festival, lui qui n’est même pas un film fantastique…
Une histoire incroyable, une réussite et une destinée qui tend à montrer les nombreuses possibilités du cinéma et qui redonne fois en la possibilité de percer, de faire son trou, pour tous les jeunes auteurs en herbe qui pourraient être découragés. Avec rien, avec seulement quelques milliers de dollars économisés avec le temps, Glodell se retrouve à la tête de l’un des films les plus original de l’année, une œuvre marquante, certes maladroite, mais qui ne laissera pas indifférent.
Avec ses inspirations diverses, de la culture geek à tout un pan du cinéma s’attachant à une jeunesse américaine désœuvrée, perdue et désenchantée en passant par le puissant Mad Max de George Miller, que Glodell intègre sous forme de clin d’œil, comme point d’appui à son histoire de deux amis passionnés par le célèbre film futuriste au point de se préparer à un éventuel monde apocalyptique lui ressemblant, Bellflower n’a pas d’autre but que de se pencher en profondeur sur les racines d’une génération américaine qui n’a plus de points de repères si ce n’est ceux de fictions qui les ont façonnés psychologiquement. Aiden (Tyler Dawson) et Woodrow (Evan Glodell) sont deux jeunes adultes sans réelle place dans la société, qui alternent beuveries et volonté profonde de mener à bien un projet qui donne un sens à leur vie. Ce projet, c’est celui évoqué de se préparer à un éventuel monde futuriste apocalyptique à la Mad Max. Pour se faire, ils construisent de toutes pièces, une bagnole customisée pour l’autodéfense, un lance-flamme fait maison, le tout pour alimenter le gang qu’ils dirigeront : le gang « Mother Medusa ». Ce projet farfelu est pourtant révélateur du statut de ces deux marginaux à fois inquiétants et attachants. N’ayant pas de place dans ce monde actuel, c’est dans un délire anarchiste qu’ils envisagent l’avenir où une reconstruction radicale du monde, leur permettrait de s’insérer et de faire leur place dans un nouvel ordre mondial. Détruire pour mieux rebâtir, telles sont leurs attentes qu’ils envisagent comme « cool » dans un duo (voire trio ensuite) barré mi-geek, mi-dangereux par leur absence dans la réalité environnante. Aiden et Woodrow ne sont pas de dangereux psychopathes, ils attendent juste patiemment un futur en lequel ils croient intensément et s’y préparent au mieux.
Teinté d’onirisme, c’est dans une atmosphère étrangement envoûtante à la limite du fantastique, dans un récit déconstruit où les événements appellent des réminiscences du passé dans une sorte de collage artistique, que Bellflower nous conte un récit presque tantôt tragique, tantôt comique, tantôt inquiétant mais renouvelant le genre très loin des œuvres des Araki et autres Larry Clark se penchant sur la jeunesse désœuvrée. Plus fiévreux, obsédant et quelque part terrifiant, Glodell signe un film atypique, aussi marginal que ses protagonistes. Tendu, à la limite de la rupture tant narrative que stylistique, ce trip sensoriel et immersif nous plongeant aux côtés de deux êtres un brin écorchés, un brin fêlés, mais totalement en décalage d’avec le monde environnant, est une petite bombe qui ne pourra laisser de marbre.
Imparfait, Bellflower l’est comme un premier film. Parfois brouillon, parfois un poil confus ou exagéré dans le maniérisme. Mais Glodell lui apporte l’essentiel : une véritable singularité hypnotisante. Sur fond de mélancolie et de pessimisme visionnaire, la trajectoire de ces deux amis paumés se dessine sous nos yeux comme les prémisses d’une jeunesse mal dans sa peau, aux antipodes des débiles fêtards d’un American Pie. Cette jeunesse là, est confuse, larguée, en proie à de violents sentiments contraires, ce que Glodell retranscrit par un montage et une mise en scène en parfaite adéquation avec le fond, soutenant par des fulgurances permanentes entredécoupant le récit, les réminiscences qui malmènent ces esprits torturés dont on peut que craindre le devenir. Car les trajectoires de Woodrow et Aiden sont les anti-récits initiatiques voire les sources de futurs personnages inquiétants et borderline, comme les origines d’une société malade. Et leur terrible engin véhiculé, surnommée la Medusa, en est le symbole physique et concret. En référence à la célèbre créature mythologique, la Medusa est un véhicule attirant, attisant leur désir et leur fantasme d’évolution et d’avenir. Mais au gré des avancées tant de leur projet que de leurs situations personnelle, cet objet passe d’un statut de beau à un statut de danger inquiétant et angoissant.
Bellflower est une petite claque surtout quand on repense à la façon dont le projet à été mené à bien. Avec rien si ce n’est le courage, la volonté, la passion et la détermination (même lorsque ses économies furent épuisée et que toute l’équipe mis quelques dollars dans le projet pour l’aider à voir le jour) Evan Glodell pond une œuvre incroyable, bien plus passionnante que bon nombre de films sans imagination qui abondent sur les écrans. Bellflower est marginal en tout point, mais un vrai film à atmosphère, qui pourra en rebuter certains, non happés par l’univers doux-dingue présenté voire restant sur le carreau d’un film sombre aux couleurs pourtant très chaudes, offrant le récit imagé d’une confusion d’esprit. Une esthétique renforçant le contraste entre les facettes de ces jeunes à l’équilibre que l’on pressent précaire. Bellflower ne fait pas dans la demi-mesure. On sera aspiré et totalement submergé par la force qui s’en dégage ou hermétique à un film à bien des égards étranges. Mais indifférent… Impossible. Glodell en tout cas, frappe fort et marque son nom d’entrée de carrière (comme metteur en scène et, surtout, comme acteur) au fer rouge de l’art brûlant et à fleur de peau.
Bande-annonce :
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