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UN JOUR DE CHANCE (critique)

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Carte d’identité :
Nom : La Chispa de la Vida
Père : Alex de la Iglesia
Livret de famille : Jose Mota (Roberto), Salma Hayek (Luisa), Blanca Portillo (Mercedes), Juan Luis Galiardo (Alcade), Fernando Tejero (Johnny), Santiago Segura (David)…
Date de naissance : 2011
Nationalité : Espagne, France, USA
Taille/Poids : 1h35 – Budget NC

Signes particuliers (+) : Une merveille d’intelligence d’un génie de la rhétorique cinématographique, dénonçant le cynisme des médias, la déchéance de la dignité humaine et la pression de nos sociétés impitoyables. Redoutable.

Signes particuliers (-) : x

 

QUAND LES MEDIAS S’EMMÊLENT…

Résumé : Roberto est un publicitaire au chômage. Au bout du rouleau, il veut faire une surprise à sa femme en lui réservant une chambre dans l’hôtel où ils ont passé leur lune de miel il y a des années. Mais l’hôtel a disparu au profit d’un musée historique sur le point d’être inauguré à côté d’un chantier de fouilles archéologiques. Un banal accident et Roberto glisse, tombant plusieurs mètres en contrebas au milieu du site. Une tige s’est logée dans sa tête, Roberto est coincé. Les médias s’emparent de l’affaire et s’affolent. Roberto devient une star et entend bien utiliser cela à son avantage…

L’enfant terrible du cinéma espagnol Alex de la Iglesia nous avait laissé sur une sacrée belle baffe avec son halluciné Balada Triste en 2010, pamphlet politique fou et viscéral prenant l’apparence d’une romance terrible jusqu’au-boutiste. Toujours avide de critique, de dénonciation, jamais rassasié d’un cinéma engagé prenant souvent l’absurde comme véhicule pour dire des choses intégrée dans un cinéma dingue, décalé, pas loin du surréalisme, le trublion ibérique n’a mis que deux ans avant de dézinguer sa nouvelle cible du jour. Cette fois, ce sont les médias qui vont morfler dans une tragicomédie mordante et grinçante mettant le médium numéro un de nos sociétés actuelles en face de sa bassesse, de sa stupidité crasse et de sa mesquinerie ridicule. Un Jour de chance (La Chispa de la Vida en VO) est une nouvelle folie ne se cachant pas derrière la parabole mais fonçant dans le tas ouvertement, directement, fermement.

Autour de l’histoire d’un pauvre publicitaire sans emploi, voyant les portes se fermer les unes à la suite des autres dans ses recherches, y compris de la part de soi-disant « amis » du métier, et profitant d’un stupide accident grave pour se « relancer » en se servant de sa mésaventure qui finalement s’avère pouvoir lui devenir profitable, De la Iglesia signe une nouvelle comédie noire, mettant en lumière le cynisme d’un milieu épouvantable de mécréance et d’horreur humaine. On pense instantanément au classique Le Gouffre aux Chimères, chef d’œuvre de Billy Wilder, sorti en 1952 en voyant l’histoire de ce pathétique Roberto, obligé de faire fructifier son malheur pour avoir une chance de voir le bout du tunnel de la misère sociale dans laquelle il s’est enfermé. Le cinéaste s’en est inspiré pour bâtir son nouveau pamphlet acide anti-médias, critiquant le nivellement par le bas de la culture auquel ils contribuent et leur opportunisme sans morale, n’hésitant pas exploiter le moindre filon tragique à des fins commerciales. L’accident de Roberto devient l’attraction numéro une du moment et ce dernier, jusque là boudé et honni, devient un phénomène de foire enfin intéressant. Avec Un Jour de Chance, De la Iglesia tape à fond sur l’effondrement de concepts en perdition comme « la dignité humaine », « la valeur de l’homme », « la morale » et dénonce des phénomènes tristement à la mode comme l’exploitation du malheur d’autrui à des fins mercantiles, la reconnaissance de la valeur d’autrui uniquement en tant que produit et non en tant qu’être, le voyeurisme abject et sans limite, le pouvoir odieux des médias, leur amour pour les dérives et la société consumériste (il n’est pas à son premier coup d’essai pour ça). Roberto devient intéressant que lorsqu’il peut potentiellement « rapporter » et non « apporter ». Et pour couronner le tout, il aime à souligner cet état de fait résumant parfaitement la société actuelle : voilà où l’homme est obligé d’en devenir pour survivre dans un monde cynique, odieux et broyeur des plus faibles. Sa posture de fortune christique avec sa barre de fer plantée, durant la grande majorité du film, vient renforcer la symbolique sacrificielle de l’agonie de l’esprit dans le monde moderne.

Sur le ton de la comédie noire et ironique, sa marque de fabrique, Alex De La Iglesia livre un nouveau film brillant, fascinant. Une satire drôle, presque burlesque et dans le même temps si triste et pathétique, ne cherchant pas à donner des leçons ou à se la jouer moralisatrice mais mettant juste en lumière des évidences qu’il est bon de rappeler voire de rabâcher. Sincère, revendicatrice, cette nouvelle pierre de son cinéma est un énième bloc de granit filmique, un drame lourd et dense, facile à digérer autant qu’il ne reste en mémoire et triture grâce à son intelligence foudroyante. Porté par un excellent José Motta et une touchante Salma Hayek, Un Jour de Chance (rien que le titre est d’une ironie terrible) est un petit film qui est grand, une caricature acerbe usant à merveille de son décor pour porter un regard sur notre rapport à la culture, bafouée, piétinée, inconsidérée. Décidément, chaque Alex de la Iglesia est un rendez-vous immanquable.

Bande-annonce :

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