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SACRIFICES OF WAR de Zhang Yimou [Critique – Sortie DVD/Blu-ray]

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Sacrifices-of-War-br-frMondo-mètre
note 5.5 -10
Carte d’identité :
Nom : Jin líng shí san chai
Père : Zhang Yimou
Date de naissance : 2011
Majorité : 18 mars 2015
Type : Sortie DVD & Blu-ray
(Chez TF1 Vidéo)
Nationalité : Chine
Taille : 2h20 / Poids : 94 M$
Genre : Guerre, Drame

Livret de famille : Christian Bale (John Miller), Ni Ni (Yu Mo), Xinyi Zhang (Shu Juan), Tianyuan Huang (George), Tong Dawei (Major Li), Shigeo Kobayashi (Lieutenant Kato)…

Signes particuliers : Christian Bale dans un film chinois conduit par Zhang Yimou. Flowers of War (le titre anglo-saxon) est un drame de guerre historique revenant sur le tristement célèbre massacre de Nankin.

CHRISTIAN BALE FACE À L’HORREUR

LA CRITIQUE

Résumé : 1937, en Chine, au milieu de la bataille de Nankin, un préparateur funéraire américain traverse une ville à feu et à sang pour aller enterrer le prêtre autrichien d’un couvent catholique de la ville. Seul occidental, il ne prête guère attention au conflit qui se déroule autour de lui. D’abord voulant rejoindre la Zone de sécurité de Nankin, il se retrouve malgré lui à protéger les jeunes orphelines du couvent. C’est à l’arrivée de prostituées cherchant refuge des exactions de l’armée impériale japonaise qu’il va petit à petit s’immerger dans ce combat militaire et psychologique et défendre ce couvent, sans rester insensible à la douce Yu Mo. Entre temps, ces femmes de différentes vertus apprennent à cohabiter au sein d’une même cathédrale. the_flowers_of_war2-1024x768L’INTRO :

Auparavant noble représentant de la vitrine internationale du cinéma chinois avec les succès de Hero, Le Secret des Poignards Volants ou La Citée Interdite, Zhang Yimou aurait-il perdu de sa côte ? C’est en tout cas l’impression que donne le traitement accordé à ses deux dernières réalisations. Alors que Coming Home est sorti très discrètement dans les salles françaises en décembre dernier, Sacrifices of War, succès colossal en Chine en 2011, est resté inédit chez nous pendant près de trois ans et demi avant de connaître enfin aujourd’hui, une exploitation directement en vidéo, et ce malgré la présence au casting de la superstar Christian Bale et le fait qu’il s’agisse du plus gros budget de l’histoire du cinéma chinois (plus de 94 M$). L’explication tient peut-être dans le fait que cette superproduction de guerre aux allures de grand drame historique a connu un flop notable à sa sortie américaine, un accueil très timide au Festival de Berlin 2012, en plus d’avoir été fermement égratignée par la critique internationale. Avec cette fresque ambitieuse, le cinéaste se penche sur le tristement célèbre massacre de Nankin en 1937, point culminant de l’horreur de l’invasion japonaise en Chine, tout juste avant le début de la Seconde Guerre Mondiale. Un épisode tragique et comble d’inhumanité, qui aura pourri pendant des décennies les relations sino-japonaises et qui a déjà fait l’objet de quelques adaptations au cinéma, la plus célèbre étant le magnifique City of Life and Death de Lu Chuan, en 2009. Sacrifices of War est une adaptation d’un roman de Yan Geling, lui-même inspiré du journal de Minnie Vautrin, missionnaire américaine qui sauva des milliers de femmes et enfants en les hébergeant dans les bâtiments d’un collège qu’elle avait cofondé et qu’elle dirigeait.the-flowers-of-war-2L’AVIS :

Fresque sublime et poignante pour les uns, illustration over-manichéenne d’un sombre épisode de l’histoire chinoise attisant la haine du voisin japonais pour les autres, Sacrifices of War est sans aucun doute le film le plus décrié de Zhang Yimou à ce jour, dont les motivations restent bien obscures avec cette fiction puisant dans l’horrible histoire réelle telle qu’elle a pu être relatée par des observateurs étrangers autant que dans certaines légendes entourant le surnommé « viol de Nankin ». Sacrifices of War apparaît surtout comme un film gauche aux nombreux visages, à la fois violente exorcisation des traumatismes d’un drame longtemps occulté pour des raisons diplomatiques, élan très patriotique vantant le courage des soldats chinois et des populations malmenées, et dans une moindre mesure, hommage indirect à quelques personnalités étrangères considérées encore aujourd’hui comme des « saints ». On pense notamment à Minnie Vautrin, à Georg Rosen ou à John Rabe, auquel le film emprunte le prénom pour son héros étranger (incarné par Christian Bale), tous missionnaires ou chefs d’entreprises basées en Chine et adulés pour leur action afin de sauver et protéger les populations chinoises de la barbarie japonaise (John Rabe est fréquemment surnommé l’Oskar Schindler de Chine).Ni NiA l’opposé formel et narratif du bouleversant et minimaliste City of Life and Death dont il pourrait être le cousin venu des contrées du blockbuster lyrique et épique, Sacrifices of War a tout du film malade et boiteux où Zhang Yimou débordait d’ambitions mais en vient à se caricaturer lui-même en poussant à l’excès la virtuosité qu’on lui connaissait. Soigné dans sa mise en scène qui ne manque pas de poésie visuelle, dans sa photographie indéniablement somptueuse, dans ses jeux artistiques sur les couleurs et les textures, autant qu’il sait y faire pour caresser le public dans le sens de l’émotion bouleversante par quelques scènes chocs et marquantes, Sacrifices of War accumule néanmoins les maladresses à tous les niveaux et perd au fil des minutes, une grande part de sa force, de sa pertinence et de sa qualité, laissant le résultat abandonné à un amer sentiment de gâchis devant un potentiel pourtant fort. Tournant le dos à la sobriété du film de Lu Chuan qui l’a précédé, Zhang Yimou livre une fresque très appuyée, manquant de finesse et s’enlisant trop fréquemment dans une lourdeur qui ne lui rend pas service. Une lourdeur narrative, avec un script emprunté et manquant de concision, handicapé par des longueurs et inutilités qui contrarient sa densité et son intensité. Lourdeur également de la galerie de personnages en présence, trop nombreux et auxquels le cinéaste a voulu donner du relief mais où tous finissent par peiner à exister réellement. Lourdeur visuelle ensuite, alors que le metteur en scène use et abuse, de l’art des ralentis qui ont toujours rendu sa mise en scène superbement poétique mais qui siéent mal ici à un tel sujet, ou encore d’une imagerie sanglante à la Peckinpah bien trop surchargée. Trop démonstrative et illustrative, la mise en scène de Yimou en publie d’être pour être fluide. Enfin, lourdeur symbolique avec une forme et un fond dénués de subtilité, versant tour à tour dans la représentation ultra-manichéenne, dans le très patriotique ou dans l’exaltation du courage pétri dans les incohérences. Sacrifices of War se sent obligé de toujours tout souligner au marqueur, de la barbarie nippone (réelle) à l’héroïsme chinois, en passant par la romance ou la tragédie.flowersofwarfiS’il a le mérite de rendre compte de la cruauté de l’invasion japonaise sur le continent asiatique, couverte de honte et relativement méconnue alors que les soldats se livraient pourtant avec cruauté à la politique de la terre brulée, au viol, au massacre et à la barbarie inhumaine, le tout capturé dans un film dirigé par l’émotion d’un spectacle dramatique efficace, dur et bouleversant, rompu aux codes des grands drames historiques à l’hollywoodienne, Sacrifices of War pèche par son manque de subtilité, de souplesse et surtout de sobriété. Le résultat, matraqué sans aucune pudeur (en dehors d’une scène entre l’officier nippon et John/Christian Bale où les silences veulent tout dire et où enfin le manichéisme est mis de côté) et porté par un solide Christian Bale associé à la beauté enivrante de Ni Ni (dont c’était l’une des premières apparitions à l’écran), parvient à trouver le chemin de l’efficacité, même si l’on pourra se sentir un peu gêné par la rigidité de sa vision sans nuance.

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