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L’OUTSIDER de Christophe Barratier : la critique du film

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note 3.5 -5
Carte d’identité :
Nom : L’outsider
Père : Christophe Barratier
Date de naissance : 2016
Majorité : 22 juin 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h57 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic

Livret de famille : Arthur Dupont, François-Xavier Demaison, Sabrina Ouazani, Mhamed Arezki, Sören Prévost, Ambroise Michel…

Signes particuliers : Christophe Barratier retrace la trajectoire de l’homme qu’est Jérôme Kerviel, derrière le scandale de son « affaire ».

L’HOMME DERRIÈRE « L’AFFAIRE »

LA CRITIQUE DE L’OUTSIDER

Résumé : On connaît tous Jérôme Kerviel, le trader passé du jour au lendemain de l’anonymat au patronyme le plus consulté sur les moteurs de recherche du net en 2008… l’opérateur de marchés de 31 ans dont les prises de risque auraient pu faire basculer la Société Générale voire même le système financier mondial… l’homme condamné deux ans plus tard à cinq ans de prison dont trois ferme et aux plus lourds dommages-intérêts jamais vus pour un particulier: 4,9 milliards d’euros. La chaîne hiérarchique de la « SocGen » s’est défendue d’avoir eu connaissance de ces prises de positions risquées. Pourtant, le trader junior avait le vent en poupe. Fin 2007, chiffres à l’appui, il a fait gagner à la Société Générale 1 milliard et demi d’euros sur l’année écoulée. Du jamais vu dans les salles de marchés de la banque à la Défense. A cette époque, Kerviel est dans une spirale de réussite. Une « bonne gagneuse », une « cash-machine » comme le surnommaient ses collègues. Il est jeune, il a une gueule … celui que tout le monde envie sur le plateau où travaillent les traders, cornaqués par une hiérarchie avec pour devises quotidiennes: « Tu gagnes, je gagne » ou « Qui peut le plus, peut encore plus ». On connaît Kerviel… mais on ne sait rien de Jérôme. Personne n’aurait pu prédire que le jeune Breton parviendrait à devenir trader. Jérôme est né en 1977 dans une banale bourgade de pêcheurs du Finistère. Adolescent sans histoire, il mène une vie ordinaire avec son frère et ses parents, un couple uni et travailleur. Il suivra des études convenables qui le mèneront à un DESS de finance. Il est recruté en 2000 par la Société Générale où on l’affecte au « middle office », sorte de secrétariat chargé de comptabiliser les ordres passés par les prestigieux traders qui officient dans la mythique salle des marchés, considérée à l’époque comme la meilleure au monde sur les produits financiers dérivés. Entré par la petite porte, Jérôme Kerviel va gagner ses galons et sa place en apprenant vite. Très vite.

film "l'esprit d'équipe" Réalisateur Christophe Barratier , production Galatée filmsL’INTRO :

On a tout lu, tout vu, tout entendu sur Jérôme Kerviel et son « affaire » qui aura coûté la bagatelle de 4,9 milliards d’euros à la Société Générale au moment de la crise des subprimes. Devenu le symbole des dérives d’un système économique abonné à l’indécence, il est aujourd’hui pointé du doigt, désigné comme responsable ou bouc-émissaire, mais dans tous les cas, l’incarnation d’un monde qui révolte et révulse, emmené par des puissants plein de fric. Loin de l’univers rétro-gnagnan des Choristes, le cinéaste Christopher Barratier a décidé de porter à l’écran le livre L’Engrenage : mémoires d’un trader, écrit par Kerviel lui-même et paru en 2010. Dans son effort, le metteur en scène n’aura pu compter sur aucune aide, les anciens collègues et amis de Jérôme Kerviel ayant tous refusé de collaborer sur le projet. Au terme d’un fastidieux travail de recherche, L’Outsider sort en salles, alors que « l’affaire Kerviel » continue de faire parler d’elle devant les tribunaux.

film "l'esprit d'équipe" Réalisateur Christophe Barratier , production Galatée filmsL’AVIS :

Christophe Barratier s’était lancé dans une entreprise périlleuse. Le réalisateur aurait pu perdre le spectateur à vouloir ériger son biopic sur le ciment de l’univers de son sujet. Parler économie, parler chiffres, parler stratégie boursière, aurait sans aucun doute provoquer une scission irrémédiable avec un grand public largué au moindre mot savant relevant d’un langage trop économico-technique. Mais fort heureusement, le cinéaste a pris le problème autrement. Plutôt que s’empêtrer dans le bourbier d’un film sur la finance en elle-même, il a choisi de l’approcher à travers un registre plus ludique, plus malléable : le thriller. Le thriller devient ainsi un conteneur, la finance un contenant, et le récit humain la substance au centre de tout. Habile. Car au final, L’Outsider devient une plongée palpitante, jamais hermétique ni cloisonnée dans son monde, toujours focalisée sur l’humain au centre de la tempête. Ainsi, L’Outsider ne se traverse pas déconnecté face à l’incompréhensible, il se vit intensément, comme un drame haletant saisissant le portrait d’un homme approché sur le modèle dramaturgique ultra-classique de l’ascension et de la chute. Une intention de départ idéale pour finalement captiver tout le monde, que l’on soit intéressé ou pas par Kerviel et son affaire. Car même s’il raconte sa vie, L’Outsider est un film qui ferait presque oublier Kerviel pour mieux parler d’un homme et d’un monde inaccessible, dont on pénètre le cœur sans travestissement ni miroir réfléchissant.

film "l'esprit d'équipe" Réalisateur Christophe Barratier , production Galatée filmsA l’arrivée, L’Outsider est passionnant, intelligible, et narre le parcours d’un homme dévoré par ses ambitions, par son addiction à ce système du rendement à tout prix. Un système qui l’attirait comme un diamant brillant de mille feux, avant qu’il ne le bouffe littéralement, lui le naïf devenu plus requin que les requins. Certains accuseront peut-être Barratier de complaisance, et L’Outsider d’être au service de la cause d’un Kerviel toujours en pleine croisade juridique. Mais ce serait fort dommage de limiter le film à ce seul regard, qui plus est pas totalement justifié. Car L’Outsider est aussi fascinant qu’intéressant, à de nombreux égards. D’abord, car si l’affaire Kerviel aurait fortement occupé l’espace médiatique pour le scandale en lui-même, on se rend vite compte de notre méconnaissance de l’homme derrière l’emblème jeté en pâture. Qui était réellement Jérôme Kerviel, d’où venait-il, qu’elle a été son histoire ? C’est finalement tout cela que montre Christophe Barratier, sans trop servir la soupe à son anti-héros, en visant au contraire l’authenticité. Scorsese avait adopté le parti pris de la folie sans limite avec l’halluciné Le Loup de Wall Street, monument de drôlerie qui taillait un costard trois pièce à l’univers boursier en jouant avec ses plus extrêmes limites. A l’inverse, Barratier s’inscrit dans un réalisme plus sérieux, moins distancé, montrant la crasse posée sur le monde de la finance, sa capacité à déformer la nature des gens et à les asservir à sa logique capitaliste, son côté impitoyable, la lâcheté des gens qui l’animent, la déraison et le stress qui tiennent ses pantins… Et pour parachever la qualité de L’Outsider, entrent en scène Arthur Dupont et François Xavier-Demaison, auteurs de prestations fabuleuses.

film "l'esprit d'équipe" Réalisateur Christophe Barratier , production Galatée filmsOn aurait pu craindre le pire avec L’Outsider. Finalement, Barratier livre une bonne surprise. Abordant son histoire avec intelligence pour bien confronter le destin d’un homme ayant eu le tort de se laisser happer sans recul par un système, et l’obscénité d’un milieu destructeur qui fabrique le pire à force de s’imposer comme un religion de vie, le cinéaste conduit son film avec exigence, sans se faire juge ou trop partisan, et ne manque pas d’y glisser une ribambelle de plans témoignant d’un vrai souci d’en sublimer la mise en scène, jouant avec la petitesse des hommes hypnotisés par le gigantisme des chiffres qu’ils manipulent, dans des tours vitrées incarnant la toute puissance dominante de l’argent. Sans être un grand film au brio indiscutable, L’Outsider est une virée qui tient en haleine de bout en bout, et qui a le mérite de replacer un peu le récit d’un homme trop souvent caché derrière ce qu’il représente, ou a pu représenter. Kerviel le coupable, oui. Le responsable de tout ? Peut-être pas finalement…

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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