De nos jours, le marketing est devenu une donnée prépondérante de l’élaboration et de la distribution d’un film, que ce soit en salles ou ailleurs. A tel point que bien des films sont calibrés pour répondre à des impératifs marketing. A tel point que le choix du titre répond souvent à des réflexions marketing. A tel point que la stratégie de distribution est généralement élaborée en concordance avec des données marketing. La toute puissante Disney compagnie, et notamment pour ses production Marvel, est par exemple très forte en terme de stratégie marketing. Mais le « marketing » a toujours exister, il ne date pas d’hier. Bien sûr, il a pris des formes différentes avec les années, il a pris une épaisseur considérable depuis l’arrivée d’internet et des moyens de communications modernes. Si l’on devait citer les grands génies du marketing, fort à parier que William Castle aurait sa bonne place au panthéon des grands.
A l’origine, William Castle était un petit réalisateur de l’écurie Universal pour laquelle il signait des séries B diverses. Son destin prit un tournant au milieu des années 1950. William Castle se promène un soir et aperçoit de loin une foule amassée devant un cinéma. Voulant savoir la raison de cette ruée, il tombe nez à nez avec l’affiche des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot. La communication attise le suspens évoquant cette « fin » qu’il ne faut surtout pas révéler. Castle va voir le film et hallucine devant les réactions folles du public devant la scène culte de Paul Meurisse dans la baignoire. Conquis, il décide de devenir producteur de films d’épouvante.
Son premier projet naîtra en 1958. Macabre est un petit film d’épouvante avec William Price que Castle réalise et produit pour 90.000$ après avoir hypothéqué ses biens. L’histoire ? La petite fille d’un médecin d’une bourgade est kidnappée et enterrée vivante par son ravisseur. Mais le William a bien un truc, le marketing, c’est important. Frapper un gros coup peut déclencher un succès inattendu. Et à ce petit jeu là, le néo-producteur va devenir un maître en la matière. Plus que sa qualité, les productions William Castle vont souvent être accompagnée d’idées de génie.
Pour Macabre, William Castle va marquer les esprits. Dès l’avant-première, le cinéaste débarque dans un cercueil, fait décorer le cinéma et embauche de fausses infirmières censées « veiller sur les spectateurs » en cas de problèmes. Mais le vrai coup de maître, ce sera cette idée d’assurer les spectateurs en cas de mort de peur devant le film ! Chaque spectateur était assuré à hauteur de 1000$ en cas de décès imputable au côté flippant de Macabre. Assurance non valide pour les personnes ayant des problèmes cardiaques ou en cas de suicide durant la projection. William Castle aura mené des négociations paraît-il lunaires avec une compagnie d’assurance sur la base d’une estimation de 5 décès possibles durant la vie du film. L’effet d’annonce sera foudroyant, le public va se ruer en masse pour découvrir ce film tellement terrifiant qu’on risque sa peau en le regardant ! Bilan, recettes à hauteur de 5 millions de dollars pour un budget de moins de 100.000.
Avec Macabre, le système William Castle est né. Et il durera un moment. Le producteur regorgera d’idées pour accompagner la promotion de ses futurs films. Pour The House on Hauting Hill en 1959, il imaginera le procédé Emergo selon lequel des choses sortiraient de l’écran pour foncer sur l’assistance. En réalité, il s’agissait d’un squelette planqué dans un coin de la salle et qui jaillissait au-dessus du public au moment choisi. Pour Le Désosseur de Cadavre (1959 également), il lancera le Percepto, procédé qui surprenait le public en lui balançant de légères décharges électriques dans le fauteuil. En gros, la 4DX avant l’heure ! Pour 13 Fantômes en 1960, place à l’Illusion-o. Cette fois, les spectateurs munis de lunettes spéciales, pouvaient voir apparaître de soi-disant « vrais fantômes » à l’écran.
1961. William Castle doit trouver une nouvelle idée après la déferlante Psychose. le film d’Hitchcock est plus ou moins venu jouer sur cette terre mais avec le talent du maître en plus. Les productions Castle sont de petits films presque artisanaux avec des idées de saltimbanques forains. Psychose est une version de luxe appelé à devenir un chef-d’œuvre du septième art. Pour Homicidal (1961), Castle a un concept, faire le contraire d’Hitchcock. On se rappelle que ce dernier avait fait interdire l’entrée en salle quand le film avait commencé depuis un certain temps. William Castle, lui, proposera aux spectateurs de se faire rembourser s’ils étaient capables de sortir avant le grand final à suspense. Malheureusement, le producteur pensait que le public ne résisterait pas à l’envie de savoir la fin. Raté. Lors de la première journée, le public fut plus malin que lui, restant dans les salles au-delà de la première séance pour ensuite se barrer en plein milieu de la seconde. Et ainsi se faire rembourser. William Castle contre-attaqua en imaginant «la caisse des lâches ». Tous ceux qui sortiraient de la salle pour se faire rembourser devaient signer un certificat de lâcheté !
La magie William Castle déclinera dans les années 70. On retiendra néanmoins qu’en 1968, il produira Rosemary’s Baby de Roman Polanski. Il hypothéqua (encore) sa maison pour acheter les droits du roman et passera un deal avec la Paramount pour le financer, espérant enfin signer de sa main, un film plus « huppé » et plus sérieux. Malheureusement, le patron du studio, Robert Evans, préfèrera embaucher Polanski et cantonnera Castle au poste de producteur.