Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : The Adjustment Bureau
Père : George Nolfi
Livret de famille : Matt Damon (David Noris), Emily Blunt (Elise Sellas), Michael Kelly (Traynor), Anthony Mackie (Harry), John Slattery (Richardson), Terence Stamp (Thompson)…
Date de naissance : 2010
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h47 – 58 millions $
Signes particuliers (+) : Pris dans une certaine perspective romantique, L’Agence peut-être un film juste « mignon ».
Signes particuliers (-) : L’équilibre entre romance et SF est très mal respecté et coule le film tout entier.
IL COURT IL COURT LE DAMON…
Résumé : Un jeune politique ambitieux découvre la réalité des choses sur l’homme. Sa vie est asservie à un destin tout tracé et il en est pareil pour chaque homme. Il va décider de combattre cet état de fait qu’il refuse, par croyance personnelle et par attirance pour une belle inconnue…
Avec L’agence, George Nolfi (scénariste du troisième volet des aventures de Jason Bourne) s’attaque, pour un premier film, à un monument souvent adapté au cinéma et pourtant craint tant chaque entreprise s’avère d’avance casse-gueule : Philip K. Dick. L’œuvre du romancier phare de la littérature de science-fiction est réputée pour être difficilement adaptable sur grand écran en raison de sa richesse et sa profondeur. Et pour beaucoup de transpositions, peu de grandes réussites incontestables mais quelques-unes tout de même parmi lesquelles Blade Runner, Total Recall ou Minority Report. Mais pour le coup, il est difficile de juger du travail d’adaptation de l’œuvre sur ce film car Nolfi prend pour base une nouvelle -et non un roman- pour en faire un long-métrage. Forcément, il apporte dès lors nombre d’éléments rajoutés par ses soins afin d’étoffer un récit qui n’aurait pas tenu la durée nécessaire pour un long-métrage si l’adaptation avait été fidèle.
La trame de L’agence est brillante, forcément, mais le mérite en revient surtout à son auteur d’origine, P. K. Dick. L’apport de Nolfi est en revanche plus discutable. Car justement son erreur aura peut-être été de s’être trop attardé sur son apport et pas assez sur la base originelle à son film. Philip K. Dick avait pour but une fois de plus de coucher sur papier ses obsessions les plus profondes, pour les complots et les manipulations, pour les univers parallèles et imaginaires et posait une brillante réflexion en seulement quelques pages sur le libre-arbitre de l’homme, sur la dimension existentielle-philosophico-religieuse du destin, de la vie, de la façon dont elle est tracée par le hasard ou par les choix de chacun. Pour ce faire, l’écrivain avait imaginé une fois de plus un monde schizophrénique, complexe avec ce vaste système de portes ouvrant sur une autre réalité, avec ces forces invisibles régissant les plans du destin, calculant et millimétrant la vie de chaque quidam pour tout faire converger selon une « histoire » déjà écrite et conçue de toute pièce.
Au niveau de son film, Nolfi garde les éléments science-fictionnels et l’imaginaire « surnaturel » qui fonctionnent à merveille et sont passionnants mais qui se trouvent de trop étouffés et englués par la romance adjointe au scénario. Une romance omniprésente et qui prend vite le pas sur le reste au point que L’Agence devient plus un film romantique où deux tourtereaux tentent de sauver leur amour contraint en lieu et place d’un film de SF ou fantastique philosophique. Si sur le fond, l’idée n’était pas mauvaise (d’ailleurs, le film en soi n’est pas foncièrement et entièrement condamnable) The Adjustment Bureau étant enlevé et rondement mené avec son lot de scènes plutôt réussies, il souffre d’un évident problème de dosage et tombe dans un mielleux lui ôtant presque toute sa possible intelligence de fond en accord avec la forme. D’autant que ces dites scènes romantiques sont d’une mièvrerie affligeante ponctuées de dialogues d’une rare bêtise (et mal jouées en prime). Le premier quart d’heure est un modèle du genre laissant présager l’un des plus mauvais film de l’année. Heureusement, le reste rattrape le coup mais trop souvent, au cours de sa progression narrative, Nolfi casse vingt bonnes minutes par une scène complètement foirée voire ridicule.
Très compliquée à mettre en image, l’histoire incroyable sortie de l’imaginaire sans limite de Philip K. Dick était peut-être au final une histoire plus facile à transposer avec des mots qu’avec des images. C’est ce qui pourrait expliquer la direction prise par le film fonçant tout droit dans la mauvaise direction. Il aurait été difficile, limite impossible, de tenir la durée d’un long-métrage entier seulement sur le postulat SF d’origine. K. Dick n’en a d’ailleurs pas fait un roman mais seulement une nouvelle. Il y avait peut-être une raison à cela…
Toujours est-il que L’Agence n’est pas le piètre film que son démarrage laisse présager. Il se laisse regarder sans trop d’ennui en parvenant même à surprendre par moment. Il manque juste grandement d’ambition. On ne peut donc que trop s’attrister de ne pas avoir vu un tel projet dans les mains d’un Kubrick ou d’un Spielberg qui auraient certainement su en tirer davantage. Dommage car on y était presque. Frustrant même.
Bande-annonce :