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STEVE JOBS de Danny Boyle : la critique du film

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steve_jobs_filmMondo-mètre
note 4.5 -5
Carte d’identité :
Nom : Steve Jobs
Père : Danny Boyle
Date de naissance : 2015
Majorité : 03 février 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h03 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic

Livret de famille : Michael Fassbender (Steve Jobs), Kate Winslet (Joanna), Seth Rogen (Wozniak), Jeff Daniels (Sculley), Katherine Waterston (Chrisann), Sarah Snook (Andrea), Michael Stuhlbarg (Hertzfeld), John Ortiz (Joel), Makenzie Moss (Lisa enfant), Ripley Sobo (Lisa à 9 ans), Perla Haney-Jardine (Lisa à 19 ans)…

Signes particuliers : Danny Boyle, Aaron Sorkin, Michael Fassbender… Trois arguments en or massif.

STEVE JOBS EN TROIS TEMPS

LA CRITIQUE

Résumé : Situé dans les coulisses de trois lancements de produits emblématiques et se terminant en 1998 avec le dévoilement de l’iMac, Steve Jobs nous entraine dans les coulisses de la révolution numérique pour peindre un portrait intime de l’homme brillant à son épicentre.08195730-photo-michael-fassbender-steve-jobsL’INTRO :

Trois jours, trois moments de la vie de Steve Jobs. C’est à ça que tient le « biopic » de Danny Boyle, tant et si bien que l’on puisse appeler le film ainsi, dont le scénario a été écrit par le prodige Aaron Sorkin (The Social Network, A la Maison Blanche) à partir du best-seller de Walter Isaacson consacré à la figure emblématique d’Apple. Une figure dessinée dans toute son entièreté sur seulement trois instants clés, les journées de lancement aux allures d’événements planétaires, du Macintosh, du Black Cube et du premier IMac. La méthode est radicalement différente du récent et piètre biopic de Joshua Michael Stern avec Ashton Kutcher. Elle est même radicalement différente des moules du biopic traditionnel. Incarné cette fois-ci par l’immense Michael Fassbender, Steve Jobs est une approche au plus près de la légende, au contact de l’homme, sans toutefois s’aliéner à une quelconque fidélité scolaire de la narration. Et le père de Trainspotting a su capturer avec brio, l’incroyable script de son auteur de génie.steve-jobs-danny-boyle-reagit-a-l-echec-du-film|1219810-steve-jobs-orig-1L’AVIS :

Steve Jobs est une affaire de virtuosité. Virtuosité de comédiens en état de grâce (un fantastique Fassbender certes, mais aussi une fabuleuse Kate Winslet et d’excellents Seth Rogen ou Michael Stuhlbarg). Virtuosité ensuite de la mise en scène, Danny Boyle apportant toute son énergie à la confection d’une sorte de pièce de théâtre en trois actes, construite autour d’une intention dominante à l’intelligence rare. Enfin, et surtout, virtuosité de l’écriture d’un Aaron Sorkin dont la vision de son portrait est prodigieuse, au moins autant qu’est audacieux l’angle choisi pour signer un chef-d’œuvre de dramaturgie brillant de mille feux par la précision de sa mécanique, par le volupté de son verbe, par la maîtrise impressionnante de son déroulé aux antipodes de ce qui se fait habituellement.

(L to R) Steve Jobs (MICHAEL FASSBENDER) and Steve Wozniak (SETH ROGEN) in “Steve Jobs”, directed by Academy Award® winner Danny Boyle and written by Academy Award® winner Aaron Sorkin. Set backstage in the minutes before three iconic product launches spanning Jobs’ career—beginning with the Macintosh in 1984, and ending with the unveiling of the iMac in 1998—the film takes us behind the scenes of the digital revolution to paint an intimate portrait of the brilliant man at its epicenter.

Toute l’intelligence de Steve Jobs est d’avoir su cerner un homme en trois moments à la fois importants, fondateurs et symboliques. Toute l’intelligence de Steve Jobs est d’avoir surtout su s’écarter considérablement des canons du biopic classique pour proposer autre chose, une autre façon de faire, mais non moins pertinente et éloquente malgré les libertés prises avec la réalité telle qu’elle a pu se produire. Le film de Danny Boyle ne raconte d’ailleurs pas « la réalité » mais « une réalité », il condense dans ses trois instants, l’essence de tout ce qu’était Steve Jobs en compilant des moments et des situations vraies vécues ailleurs et sans doute autrement, dans une narration résumant l’homme de façon synthétique et non factuelle ou hagiographique. Construit comme un drame théâtral segmenté en trois chapitres, introduction, développement, conclusion, Steve Jobs en dit plus, et de manière plus profonde sur son sujet, à travers ses trois temps ultra-spécifiques et ciblés, que l’entier long-métrage de Joshua Stern avant lui, qui pourtant tentait de brasser une vie globale, et du vent dans le même temps. Refusant le portrait de complaisance, Steve Jobs est frontal, fascinant, lucide, complexe, quitte à être cruel et à égratigner le mythe (ce qu’il fait bien au-delà de l’imaginable) mais sans jamais faire preuve d’irrespect, au contraire, s’appliquant à aller chercher une certaine forme d’humanité derrière l’obsession d’une quête professionnelle extrême et aveuglante. C’est là l’une des nombreuses forces du script de Sorkin, qui brille d’une subtilité ahurissante dans sa façon de faire abstraction de l’authenticité primaire pour aller chercher davantage en pénétrant au cœur du mythe en trahissant la chronologie des évènements mais non leur(s) vérité(s). Un script que Boyle illumine ensuite à son tour, par son œil de metteur en scène capable de tout transcender par la vivacité de son style, se mettant dans la position d’un chef-orchestre régissant les talents en présence, Sorkin bien sûr, puis Fassbender ensuite, qui rend grâce à la qualité du matériau de l’auteur.steve-jobs-danny-boyle-michael-fassbender-seth-rogen-kate-winslet-2r-cropAvec Steve Jobs, Boyle transcende les dialogues fabuleux de son scénariste. Très verbeux (le film est purement et simplement un film de conversations), Steve Jobs réussit le tour de force de ne mettre en scène que des échanges, des joutes exquises et symboliques, avec une énergie telle, qu’il en devient aussi haletant qu’un thriller, aussi addictif qu’une série, aussi cruel qu’une satire, aussi passionnant qu’un docu-réalité, aussi poignant qu’un drame bouleversant. Rappelant lointainement la rhétorique du Birdman d’Inarritu dans sa manière de se promener dans les coulisses des trois évènements sur lesquels est articulé le film, Steve Jobs est une triple balade temporelle où chaque jour évoqué, va étayer et étoffer un portrait sans concession ni charge, dessinant le parcours d’un homme abandonné dans une quête mirifique. Le tandem Boyle-Sorkin ne s’érige jamais juge ou bourreau, il illustre, distille des clés de compréhension, et laisse le ressenti d’opinion au spectateur happé et fasciné par une œuvre qui ne raconte pas Steve Jobs, mais qui s’efforce plutôt de dresser un portrait psychologique élaboré de l’homme, en récupérant des éléments vrais de sa vie et de ses interactions avec les autres, pour les replacer dans un contexte propice à le « montrer » tel qu’il était. A savoir, un homme visionnaire mais dysfonctionnel, qui a su changer notre rapport au monde et notre façon de communiquer avec lui, alors qu’il était lui-même en difficulté de communication dans ses rapports personnels aux autres. Un homme mué par un but ultime, qui s’est dessiné sur de très longues années entre patience et machiavélique inspiration. Fascinant.kate-winslet-best-roles-steve-jobsEt parlons-en de la fascination. Que ce soit dans les subtiles et formidables lignes écrites par Sorkin ou dans la maestria de la mise en scène de Danny Boyle, Steve Jobs réussit sans cesse à capter l’ambiguïté de l’homme. Odieux, intelligent, cruel, meurtri, dur, généreux, obtus, clairvoyant, intraitable, lucide, destructeur, génial. Ces « 50 nuances de Jobs » se retrouvent dans la rhétorique employée par Boyle, jouant avec les ruptures de ton, les accélérations et les ralentissements, jouant avec le montage, tour à tour vif, posé, statique, ciselé, fou ou millimétré, jouant avec le style général et ses composantes, se permettant d’associer le pop à des images subliminales servant la narration, se permettant d’associer les plans métaphoriques à une pureté totale de la cinégénie. Steve Jobs était l’incarnation de l’ambivalence, le film est à son image et en joue pour mieux servir son propos. Trois actes, trois styles de mise en scène adaptés au propos déployé par chaque « segment ». Trois styles de décors, trois styles de réalisation, trois styles de musique, trois styles de texture, trois technologies allant du 16 mm au numérique, tous participant, comme le récit, à une visée prodigieusement éclairée et édifiante brossant le portrait d’un personnage quasi-shakespearien.jeffdanielsstevejobsIl y a du génie dans cet effort incroyable, il y a surtout du cinéma avec un grand « C » en permanence. Sorkin et Boyle associent leurs talents respectifs pour aboutir à une vraie proposition de cinéma, une proposition de regard dans teint ni fard sur leur sujet, qui n’a toujours pas fini d’être une énigme. Ses relations orageuses avec ses proches et collègues, l’évolution de ses rapports avec sa « fille », la magnifique mécanique de son duo avec Joanna Hoffman -sa plus proche collaboratrice-, son obsession de la perfection, son modèle et sa philosophie de travail, son rejet du passé au profit du futur, sa façon de bousculer les gens pour qu’il donne le meilleur, ses aspirations, ses carences, ses défauts et qualités, son parcours rédempteur… Oui, Steve Jobs n’a besoin que de trois moments pour construire son arc et peindre son personnage dans toute sa mégalomanie, sa dureté, sa complexité et ses failles personnelles. Trois actes : ascension & chute, revanche et sacre. Quasiment raconté dans une triple unité de temps (les 40 minutes précédant chaque lancement) et de lieu (trois huis clos), Steve Jobs voit les mêmes personnages revenir trois fois, dans un ballet captivant où des échanges, naît le meilleur des portraits, sans doute le plus intime, le plus riche, le plus pertinent, le plus profond. L’entreprise de Danny Boyle ne raconte pas qui était Steve Jobs, il raconte QUI était Steve Jobs, l’homme, le père, le génie, le visionnaire. Tout ça en ayant pris le risque téméraire de fusionner un amoncellement de situations disparates, dans un récit en opposition avec l’idée d’une démarche suivant la linéarité d’un portrait biographique classique. Sorte de vue du ciel sur un homme avec une perspective prenant tellement de recul et de hauteur, qu’elle permet de tout comprendre de l’homme en articulant son œuvre et ses traumas personnels, en reliant les évènements entre eux pour mieux saisir son réel génie, ce Steve Jobs là est tout simplement brillant, à deux doigts du chef-d’œuvre époustouflant d’intelligence.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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