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TITANE de Julia Ducournau : la critique du film

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Spectateurs

Carte d’identité :

Nom : Titane
Père : Julia Ducournau
Date de naissance : 2020
Majorité : 14 juillet 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h48 / Poids : NC
Genre : Drame, Fantastique

Livret de Famille : Vincent Lindon, Agathe Rousselle, Garance Marillier…

Signes particuliers : Une Palme d’or discutée et discutable.

 

 

PAS TITANESQUE

NOTRE AVIS SUR TITANE

Synopsis : Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis 10 ans. Titane : Métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs.

Décidément, la sexualité s’exprime curieusement ces temps-ci au cinéma. Après Jumbo où Noémie Merlant s’envoyait en l’air avec un manège de fête foraine, place à Titane où la jeune Agathe Rousselle tombe enceinte… d’une Cadillac. Mais d’une, le nouveau film de Julia Ducournau (l’excellent Grave) n’est pas de même nature, de deux, il ne résume pas à son seul pitch incongru, et de trois, il n’a pas connu la même destinée que son prédécesseur. Jumbo avait été balayé en salles par la pandémie, Titane a connu un exposition médiatique retentissante grâce à sa récente Palme d’or à Cannes, la première décernée à une réalisatrice seule.

Clivant, c’est comme cela que l’on pourrait résumer Titane. Depuis sa présentation cannoise et sa sortie en salles, le film de Julia Ducournau n’en finit plus de faire débat entre partisans et détracteurs. Avouons que tous les points de vue s’entendent. Pour la simple et bonne raison qu’il y a à boire et à manger dans cette bizarrerie radicale. On a coutume de dire que quand on frappe fort avec son premier long-métrage, le plus dur est le film d’après, ce second qui cristallise d’énormes attentes. Lauréate à Cannes, on peut dire que Ducournau a réussi son coup en soi. Mais Titane fait un bien curieux gagnant tant ses défauts sont aussi évidents que ses qualités.

D’abord, Titane est beau. Très beau. Un peu poseur certes, mais léché. Formellement, on avait compris que Julia Ducournau avait du cinéma sous le pied. Elle l’avait largement prouvé avec Grave, esthétiquement splendide. Avec Titane, elle franchit encore un cap. Visuellement, le film est d’une étourdissante beauté, capable d’envolées expérimentales magistrales. Expérimentales… à l’image d’un film qui est davantage une expérience filmo-sensorielle qu’un récit classique mis en scène de manière classique. Du son aux cadrages en passant par la photo ou les mouvements de caméra, tout est pensé pour plonger intensément le spectateur dans une autre dimension, dans un ailleurs cinématographique voulu hypnotisant.

Puis il y a le contenu. Plus discutable. Titane est une barque qui navigue entre des eaux chahutées. Un film de genre ? Un peu, essentiellement pour son entame dont certains se sont émus de la rude « violence » (la légende parlera de soi-disant vomissements, malaises et autres crises de nerfs à Cannes). Un film fantastique ? Oui bien sûr, pour son postulat de départ. Un drame ? Aussi et surtout. Passée cette première partie plus « choc », Titane glisse doucement vers une forme de drame néo-contemporain, bien barré, bien tragique. Et en faisant le bilan, c’est bien ce registre qui l’emporte aux compteurs. Contrairement à Grave, le nouveau film de Julia Ducournau est plus un drame qu’un film de genre là où son premier exploit était un pur « drame de genre », les deux registres s’y imbriquant d’un bout à l’autre. Mais étonnamment, c’est justement dans ce drame où deux âmes en peine (une femme en fuite et un père ayant perdu son fils) s’épaulent dans une étrange relation que Titane est le plus réussi.

Car si l’on a beaucoup parlé de Titane comme d’un « film de genre », cette partie introductive s’avère être la moins intéressante et maîtrisée. Julia Ducournau s’adonne beaucoup à la reprise, mais pas façon « célébration fun » à la manière d’un Tarantino, elle œuvre plus dans l’inspiration référentielle sur-écrasante. David Lynch, David Cronenberg, le film culte Christine bien sûr, mais aussi Nicolas Winding Refn, Claire Dénis, Quentin Dupieux en version hardcore etc., le poids des inspirations de la cinéaste est pesant, pachydermique même. Et si Lynch ou Cronenberg savait utiliser leur art à bon escient pour en extirper une certaine finesse derrière la radicalité, Ducournau ne montre pas la même acuité cette fois. La violence, l’horreur visuelle et la nudité paraissent très souvent d’une gratuite terriblement exaspérante. En plus de mener vers quelque chose d’assez vain. Ces éléments sont censés servir une célébration de la transidentité, de la mutation des genres dans une société évolutive où la masculinité et la normativité s’effondrent au profit de nouveaux corps et identités. Mais Titane est finalement assez bête remis à plat. Ou assez simpliste. Oui, il a des thématiques intéressantes mais il les survole plus qu’il ne les creuse, porté par un féminisme frondeur en toc échouant sur une réflexion en mode « la transidentité pour les Nuls ». Le message est plus bourrin qu’un hockeyeur russe et la mise en scène l’illustrant, plus tapageuse qu’une escort girl de Las Vegas.

Titane, c’est au final beaucoup de bruit pour rien. Oui, il y a des choses intéressantes, oui il y a du cinéma, oui le double-visage charnel d’abord puis viscéral ensuite est audacieux, et oui on ne peut que saluer un film qui ose rebattre ses cartes plusieurs fois en cours de route. Mais tout ça est noyé dans une démonstration qui carbure beaucoup à l’esbroufe. Un film singulier pour sûr, mais plombé par des choix confus et un maniérisme excessif, comme si Ducournau avait trop envie de se montrer, trop envie d’étaler son talent.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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