Carte d’identité :
Nom : Shorta
Père : Anders Ølholm & Frederik Louis Hviid
Date de naissance : 2020
Majorité : 23 juin 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : Danemark
Taille : 1h48 / Poids : NC
Genre : Thriller policier
Livret de Famille : Jacob Lohmann, Simon Sears, Tarek Zayat…
Signes particuliers : Un thriller policier danois redoutablement efficace.
QUAND LES BANLIEUES S’ENFLAMMENT
NOTRE AVIS SUR SHORTA
Synopsis : Talib, 19 ans, adolescent noir, meurt des suites de blessures mortelles en garde à vue. Son décès provoque une révolte dans la banlieue de Copenhague au moment où deux policiers que tout oppose, Jens et Mike, s’y trouvent justement en patrouille. Pris en chasse, ils vont devoir se frayer un chemin pour échapper aux émeutes. S’engage alors un affrontement implacable.
Pour leur premier long-métrage, les réalisateurs danois Anders Ølholm & Frederik Louis Hviid ont le mérite de se faire remarquer de belle manière. A la télé ou sur des courts-métrages, le premier a une certaine expérience de l’écriture alors que le second est davantage armé pour la réalisation. Ensemble, ils livrent un film choc avec Shorta, un drame policier intensément brûlant et épineux où deux flics en intervention dans une cité se retrouvent coincés dans un contexte particulièrement défavorable. Partout dans les médias, on annonce la mort d’un adolescent noir vraisemblablement victime d’une bavure en pleine garde à vue. L’atmosphère était déjà sensible, elle devient désormais explosive et dans la banlieue de Copenhague, les deux héros de Shorta (« police » en arabe) se retrouvent en première ligne de mire.
En prenant un raccourci très expéditif, on pourrait dire que Shorta est en quelque sorte un mix à la sauce danoise des Misérables et de La Haine avec un peu de Ma 6-T va Cracker. En gros, ces films dits « chocs » dont raffole un cinéma français autopsiant les rapports conflictuels entre forces de l’ordre et habitants révoltés des cités. S’ils se défaussent de toute intention spécifiquement politique, les réalisateurs de Shorta signent pourtant un thriller qui l’est beaucoup. C’est inhérent à son sujet. En questionnant les rapports entre les banlieues et la police, entre deux visions du monde chacune pétrie par ses propres convictions nées de son vécu et de sa situation sociale et personnelle, Shorta interroge la société danoise. Et finalement pas qu’elle, car en suivant l’histoire racontée par Anders Ølholm et Frederik Louis Hviid, ce n’est pas pour rien si l’on repense aux films français de Ladj Ly, Matthieu Kassovitz ou Jean-François Richet. Parce que cette problématique de la violence en milieu défavorisé et des rapports de force entre l’Etat et les laissés-pour-compte des « quartiers » n’est finalement pas que française ou danoise, elle est universelle. Là où la pauvreté gangrène un microcosme, il y a forcément de la colère et de facto, une réaction explosive qui finit par ressentir le besoin de s’exprimer par la révolte.
Néanmoins, là où l’on pourrait effectivement accorder aux auteurs un défaut d’intentions politiques, c’est dans le traitement qu’il réserve à leur sujet. Shorta offre le portrait d’une situation sous tension mais il refuse de s’engager dans quoi que ce soit. C’est à la fois une qualité (ne pas être partisan pour être plus juste et pertinent) et son principal défaut. Car en ne prenant pas parti pour rien ni personne, Shorta finit par se perdre un peu dans son discours… voire au contraire dans son absence de discours. Moralement, le film devient très ambigu quand il se met à ne défendre aucune cause au risque de finalement défendre tout et tout le monde par non-conviction personnelle. A ne jamais rien condamner, on se demande parfois à quel jeu (dangereux) jouent Anders Ølholm & Frederik Louis Hviid. A moins que ce jeu dangereux ne soit en réalité qu’une extrême audace, celle de planer au-dessus des évènements en laissant le public seul juge. L’idée est intéressante mais elle est parfois malmenée par le côté sensationnaliste et voyeur de l’entreprise.
Shorta est étrangement un film de contradictions. Dans son aspect politique, dans l’ambiguïté de son récit, dans sa manière de retranscrire ses idées (associer le drame intime et le thriller haletant), tout est une affaire d’équilibre chancelant. Il l’est aussi dans l’expérience qu’il propose, capable d’être tour à tour fin dans son discours et pas très subtil dans la manière de l’orchestrer.
Sensationnaliste et voyeur disait-on… En effet, Anders Ølholm & Frederik Louis Hviid ont construit leur long-métrage comme un « survival » en milieu hostile en prenant soin d’ériger une intrigue qui fait que tout le monde est hostile pour tout le monde (les flics contre les banlieusards révoltés, un jeune arrêté que lesdits flics ne relâchent pas dans leur cavale et même les flics entre eux). Des choix narratifs qui mènent le film sous les auspices du western urbain très intense, sorte de pur concentré d’adrénaline et d’efficacité. La mise en scène à la fois rugueuse et ramassée dicte les pas d’un ton très percutant. Cette illustration très « spectacle » très dynamique et tamponneur pour le spectateur donne au film son meilleur visage, celui d’un film tout en tension, en action et en intensité. Il est aussi sa limite, celle de lui enlever une part de profondeur qui, du coup, existe surtout dans des interstices. En bref, un bon film, solide et incisif (rappelant l’excellent ’71 de Yann Demange) mais qui aurait pu être plus fort dans son propos.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux