Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Comme un Homme
Parents : Safy Nebbou
Livret de famille : Emile Berling (Louis), Charles Berling (Pierre), Sarah Stern (Camille), Kevin Azaïs (Greg), Mireille Perrier (Nathalie), Patrick Bonnel (Bernard), Pierre Lottin (Eric)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : France, Luxembourg, Belgique
Taille/Poids : 1h35 – 6 millions €
Signes particuliers (+) : Des personnages forts s’affrontant dans une spirale passionnante.
Signes particuliers (-) : Des facilités complaisantes et un manque d’âpreté viscérale qui aurait à ce drame une dimension encore plus vertigineuse.
NEBBOU, J’AI PAS…
Résumé : Louis, un adolescent brillant, accessoirement fils du proviseur de son lycée, a noué une amitié forte avec Greg, un autre étudiant de son bahut, mauvaise graine qui risque le renvoi définitif après l’agression d’une prof avec une paire de ciseaux. Depuis qu’il a perdu sa mère dans un accident de voiture, Louis n’est pas très bien sa peau mais camoufle son mal-être. En aidant son ami à se venger de a professeur qu’il kidnappe pour la séquestrer afin de lui filer la trouille de sa vie, Louis devient complice et démarre une machine qu’il aura du mal à stopper…
Safy Nebbou n’est peut-être pas un nom très connu du grand public mais pourtant le metteur en scène quadragénaire a déjà une belle petite expérience derrière lui et plusieurs films applaudis et reconnus comme Le Cou de la Girafe ou L’Autre Dumas, son dernier en date réunissant Poelvoorde et Depardieu. Avec Comme un Homme, le voilà de retour avec une adaptation d’un polar initiatique glaçant et torturé, celle de L’âge Bête de Pierre Louis Boileau et Thomas Narcejac (dit Boileau-Narcejac, le second étant un pseudo de Pierre Ayraud), publié en 1978. Le tandem d’écrivains a souvent été adapté par les plus grands, de Clouzot (Les Diaboliques) à Hitchcock (Vertigo) et Nebbou s’empare de cette œuvre passionnante qu’il va transposer en s’appuyant sur un duo fort qui pourrait faire trembler les caméras s’il trouve la parfaite justesse de ton dans le jeu, Charles Berling et son fils à la ville, Emile Berling. Le jeune homme n’en est pas à sa première apparition puisqu’il a été vu dans plusieurs longs-métrages comme Un Conte de Noël de Desplechin ou, plus récemment, Le Bruit des Glaçons de Blier.
Nebbou et son coscénariste transpose l’histoire des années 70 à nos jours et cherchent avant tout, à cerner toute la psychologie des personnages cachés derrière le pitch de polar apparent de cette histoire de kidnapping d’une professeure par deux élèves. Le résultat ne sera malheureusement pas à la hauteur des attentes. Non pas que Comme un Homme soit un essai manqué mais Safy Nebbou ne parviendra jamais à trouver la plénitude d’expression dans son travail ambitieux de transposition d’un roman riche à la source. Incomplet, inabouti, tels sont les termes qui caractériseraient le mieux ce travail du cinéaste qui parvient à rassembler les éléments forts du roman mais sans jamais parvenir à les explorer et à les embrasser au mieux et de façon totale.
Comme un Homme fonctionne sur plusieurs niveaux qui s’imbriquent les uns aux autres, chaque action ayant des conséquences, chaque événement ayant des répercussions dans un ensemble qui n’a jamais la facilité simpliste des apparences. Il y a le premier palier, l’angle polar, celui du postulat de départ avec ce récit de kidnapping et de séquestration d’une professeur apeurée. C’est la partie glaciale, froide, tétanisante avec ce drame qui confère au sordide fait divers tragique. Il y a le second palier, l’angle dramatique, avec la présentation de ce jeune adolescent orphelin de mère, qui essaie de donner le change dans son quotidien mais qui cache une fragilité et un mal-être à fleur de peau que ce soit dans une existence personnelle frappée par la tragédie du deuil ou dans les relations intimes, mi-chaleureuses mi-coupables avec son père, responsable de l’accident. Enfin, il y a le ressort psychologique qui emboîte ces deux évènements, qui fait le lien passerelle entre eux. C’est probablement le plus intéressant d’ailleurs où comment cet adolescent paumé va se laisser entraîner par son camarade à la fois par amitié (dans un premier temps) mais surtout par fascination. Une fascination pour le morbide, pour la mort, pour la fragilité, sur laquelle Nebbou essaie de se concentrer avec force et minutie. Louis est sombre, torturé au fond de lui et le fait de tenir une vie entre ses mains va l’entraîner sur des versants dangereux, dans une sorte de réflexion-introspection pour lui, l’ado meurtri, écartelé de l’intérieur par le deuil dont il ne se remet pas contrairement aux apparences du quotidien. Ce jeune homme trouble auquel on donnerait le bon dieu sans confession, gamin brillant, poli, attachant, cache au fond de lui un mal-être et une colère rageuse si forte, qu’elle ne pourra qu’exploser si les conventions sociales et sa conscience du bien et du mal s’amenuisent.
Avec Comme un Homme, Safy Nebbou essaie d’explorer tout cela, essaie de l’agencer de manière à ce que son film soit intelligent, profond dans la peinture qu’il présente de ce jeune homme au centre de tout. Et il y parvient dans une certaine mesure, sauf qu’il n’arrive jamais à aller réellement et pleinement au bout des choses, la faute certainement à cette volonté de pousser son film sans cesse sur des sentiers auteurisants qui donnent au film un cachet pompeux inutile là où l’épuration de tout artifice facile aurait donné plus de force à l’ensemble. Nebbou se prend pour un mélange entre Gus Van Sant et le cinéma d’auteur français type au point que sa mise en scène vire presque à la caricature. Plan sur les paysages et leur beauté lumineuse, musique classique apaisante, caméra flottante avec grâce dans les airs… Nebbou joue les gammes du prétentieux cinéma français qui ne trouve pas la finalité recherchée à savoir de donner au film des allures de polar dramatique envoûtant et transportant. Ce petit jeu artistique prend de la place et vole à n’en pas douter une énergie qui aurait été plus utile ailleurs, dans l’approfondissement des relations filiales par exemple, entre un sobre Charles Berling qui voit son fils basculer dans des ténèbres psychologiques sans cerner vraiment le problème et un puissant Emile Berling qui ne sait plus où il en est et qui se laisse entraîner par le côté obscur de sa psyché qui le pousse à explorer des terrains où la réalité et le tortueux se brouillent. Une énergie qui aurait pu également être déployée à renforcer le caractère glaçant de ce polar en demi-teinte, genre dans lequel Nebbou semble moins à l’aise que dans l’étude de personnages troubles. Son film manque de force, de caractère.
Comme un Homme évite avec brio la plupart des clichés narratifs (même s’il en reste quelques-uns dans l’opposition entre la graine de délinquant et le jeune ado si intelligent qu’il aime écouter du Mozart au bord de l’eau en réfléchissant à la vie et à son sens) mais ne peut se dépêtrer de ceux visuels, empruntés à un certain cinéma français tape-à-l’œil dans sa volonté de marquer sa différence artistique et auteuriste. Bien que Nebbou n’aille jamais au plus profond de chacune des thématiques passionnantes dans lesquelles il s’engage, il n’empêche que son Comme un Homme, à défaut de trouver de l’ampleur et du souffle, est une intelligente échappée initiatique explorant les sombres facettes d’une personnalité marquée par un drame de vie qui trouble son discernement et qui va grandir dans la tragédie d’un épisode vertigineux. Imparfait, parfois excessif visuellement dans sa recherche de l’élégance facile, Comme un Homme est quand même une œuvre intéressante pour ses thématiques comme pour son duo de comédiens père-fils qui propose un bel affrontement complice. L’efficacité et une personnalité forte en plus et Nebbou aurait pu livrer là un grand film. Le résultat est traversé de qualités mais jamais pleinement embrassées pour que toute sa puissance motrice fulgure à l’écran. Semi-réussite ou semi-échec, c’est selon l’optimisme et le pessimisme de chacun.
Bande-annonce :
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