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HOLY MOTORS (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Holy Motors
Parents : Leos Carax
Livret de famille : Denis Lavant (Mr Oscar), Eva Mendès (Kay), Kylie Minogue (Eva/Jean), Edith Scob (Céline), Michel Piccoli (l’homme à la tâche de vin), L. Carax (le dormeur), Jeanne Disson (Angèle), Élise Lhomeau (Léa/Elise), Bertrand Cantat (un musicien dans l’église)…
Date de naissance / Nationalité : 2012 – France
Taille/Poids : 1h55 – 3,9 millions €

Signes particuliers (+) : Une oeuvre définitive sur le fond, redoutable d’intelligence dans son propos et son symbolisme sur le cinéma.

Signes particuliers (-) : Très difficile d’accès et nombriliste, un film à l’apparence pompeuse et abscons, éminemment chiante pour qui n’entre pas dans son univers.

 

VENDS FILM COMPLEXE, À DÉBATTRE.

Résumé : Une salle de cinéma, des gens regardent l’écran. Mr Oscar déambule en limousine pour se rendre à des « rendez-vous » lors desquels il est dans la peau de divers personnages : une créature hideuse, un contorsionniste travaillant pour des jeux vidéo, une mendiante boiteuse…

Navet pour les uns, chef d’œuvre visionnaire pour les autres, le dernier film du contesté et polémique Leos Carax n’a pas fait l’unanimité lors de son passage en compétition officielle au dernier festival de Cannes. Holy Motors a en effet de quoi dérouter même les cinéphiles avertis par sa radicalité narrative et stylistique, à la limite entre l’œuvre expérimentale et la métaphore permanente, signe d’un cinéma qui se questionne à haut niveau.

Holy Motors ne se regarde pas. Il se vit, il se ressent, il s’appréhende mais surtout il s’assimile et se réfléchit. Sous une forme chapitrée découpée en onze actes suivant un personnage (Denis Lavant, exceptionnel) endossant des rôles divers l’espace d’une journée, cette quête permanente de sens nous pousse dans nos retranchement amenant le spectateur soit à s’ennuyer dans l’hypothèse d’un désintéressement total vis-à-vis d’une œuvre particulière et unique, soit à stimuler son esprit à chaque minute pour essayer de comprendre, de raccorder les éléments distillés afin d’en dégager l’immensité et la finalité d’un propos pas évident à cerner de premier abord. Oscar, le héros de cette fable mystérieuse, est tour à tour mendiant, père, amant, grand patron d’entreprise, créature hideuse et répugnante, tueur… Ces rôles qu’il interprète comme des rendez-vous, sont mystérieux dans un film qui n’a rien de linéaire, au contraire, totalement déconstruit et en apparence nonsensique. En apparence seulement puisque le sens viendra de deux séquences clé, l’introduction et la conclusion.

Métaphore du cinéma et de la façon dont il nous procure des émotions riches et variées, différentes à chaque fois, Holy Motors n’a comme but que de se vouloir une réflexion et une parabole sur le septième art, son fonctionnement, sur l’acteur, sur la façon dont le cinéma nous fait voyager de films en films, de rôles en rôles, d’émotions en émotions par le truchement d’une caméra qui s’inspire de l’homme, de nous, pour créer des sujets que l’on regarde ensuite, qui semblent lointains, autres, mais qui en fait ne sont que le reflet de nos histoires personnelles, de la vie. La séquence d’introduction est en ce sens celle qui nous éclairera le plus sur ce qui nous attend. Un écran, une salle de cinéma, un public vu de face dans un plan miroir, un plan reflet comme si nous étions filmés en train de regarder le film, là, maintenant, dans l’instant. Un homme, métaphore du réalisateur, arrive au sommet de la salle, sur un balcon, et regarde à son tour ce même public. Le public regarde le film, le film regarde le public, le décor est planté, le film peut commencer car la clé de compréhension à été donnée. Il faut juste l’avoir saisi au vol. Holy Motors est un film sur nous-même, car nous contemplons le cinéma de la même manière que le cinéma nous contemple et tire ses sujets de nos vies. L’écran nous filme, la métaphore de Carax nous observe depuis son perchoir en nous surplombant : ce que nous allons voir, ce sont ni plus ni moins que nos vies retravaillées dans des rôles divers et variés. Et Holy Motors de devenir bel et bien une métaphore du cinéma en général.

Le principe du dernier film de Leos Carax est ambitieux, trop peut-être. Le cinéaste se pose en maître pouvant révéler ce qu’est le cinéma dans un film qui serait la métaphore ultime, la description d’un art par ce même art, dans une œuvre mystérieuse et quasi-mystique. Le problème se posant dans sa tentative est qu’elle induit une réflexion épuisante de chaque instant tout au long du film pour essayer d’en tirer la compréhension peu évidente nécessaire, comme si Carax ne se préoccupait guère de son assistance, pondant un film poseur et prétentieusement ultime dont il tient les rênes et les clés tout en se refusant égoïstement de les donner librement au spectateur, préférant le plonger dans un dédale de jeu de piste intense où il passera deux heures durant à chercher l’explication, le sens caché d’une œuvre que l’on sent extraordinaire mais qui de premier abord est assommante de lourdeur indigeste. Le public est convié à un travail permanent, devant de lui-même essayer de dégager du sens à chaque séquence pour comprendre la finalité de toute une entreprise qui, sans ce travail permanent et fatiguant, est totalement inaccessible et incompréhensible par son imposant cheminement.

Si la vision d’Holy Motors s’endure comme un douloureux périple formel pénible, impossible pourtant de ne pas y voir la marque d’une œuvre extraordinaire venant d’un cinéaste ambitieux au point d’en devenir mégalo. Carax nous livre un travail colossalement riche mais avec ce détachement désagréable sous-entendant presque de se débrouiller avec pour en voir le sens. Et même si la séquence finale des voitures s’entretenant de l’homme nous apporte la seconde clé d’un double cadenas, il reste néanmoins que la porte est coincée et difficile à ouvrir et qu’il faut pousser fort et longtemps. Si l’on prend la limousine déambulant dans le film comme la caméra de cinéma, son chauffeur comme le cinéaste la conduisant et l’homme récurrent à ces histoires comme l’acteur interprétant une multitude de rôles différents, alors Holy Motors pourra prendre son sens et développer sa majestuosité. Mais déjà, il faut en arriver à cette hypothèse et c’est pas forcément évident. Holy Motors ou la quintessence d’un cinéma à la fois passionnant mais aussi pompeux et ennuyeux et qui, à vouloir se montrer si définitif sur son sujet, finit par en devenir énervant et très personnel de la part de son auteur qui occulte une assistance qui aurait aimé un peu plus de complicité entre lui et elle ? Poétique, enivrante parfois, grandiose souvent, prodigieuse toujours mais aussi longue, hermétique et nombriliste, cette dernière œuvre de l’étrange et marginal Carax est sur un fil, penchant entre le ridicule d’une tentative fumeusement vaine, excessivement théorique, longuement embrouillée et brumeuse de laquelle se dégagerait un plaisir qui ne pourrait être que masochiste, et le grand film insolite, l’ovni cinématographique fantasque, parfois tape à l’œil mais qui propose une parabole passionnante dans une imagerie conférant à la magie filmique, mélancolique dans sa façon d’annoncer le mort prochaine d’un certain cinéma voire du cinéma quand l’homme sera à court d’envie de rêver. Cette déconcertante expérience d’un certain cinéma est complexe à appréhender, certainement impossible dans l’instant, plutôt dans l’après-immédiateté, quand elle se réfléchit, se macère. On en sort dépité, fatigué, agacé mais le meilleur est à venir si on le repense en essayant d’y extraire son essence à posteriori. Difficile alors de qualifier ce type de cinéma partagé entre le grotesque et excessivement tortueux écartant l’agréable comme une option possible et la riche expérience d’une traversée éveillant les sens et l’intellect en permanence pour nous amener de nous-même vers la lumière au bout du tunnel. Chacun fera son choix selon son envoie de remise ne question de l’avis immédiat.

Bande-annonce :

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