Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Ex-Machina
Père : Alex Garland
Date de naissance : 2015
Majorité : 3 juin 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h48 / Poids : 11 M$
Genre : SF psychologique
Livret de famille : Domhnall Gleeson (Caleb), Alicia Vikander (Ava), Oscar Isaac (Nathan), Sonoya Mizuno (Kyoko)…
Signes particuliers : Pour son premier long-métrage en tant que cinéaste, Alex Garland signe un petit bijou de science fiction psychologique intelligente…
DÉCRIS-MOI TON LOGICIEL, JE TE DIRAI QUI TU ES
LA CRITIQUE
Résumé : Caleb, 24 ans, est programmateur de l’une des plus importantes entreprise d’informatique au monde. Lorsqu’il gagne un concours pour passer une semaine dans un lieu retiré en montagne appartenant à Nathan, le PDG solitaire de son entreprise, il découvre qu’il va en fait devoir participer à une étrange et fascinante expérience dans laquelle il devra interagir avec la première intelligence artificielle au monde qui prend la forme d’un superbe robot féminin.L’INTRO :
De près comme de loin, Ex-Machina était un projet sacrément excitant, pour rester poli. Une tentative de science fiction « intelligente », ne cherchant pas à se vautrer avec fainéantise dans l’artificialité calorique du m’as-tu-vu truffée d’action débilitante recouverte d’effets spéciaux en sauce, mais privilégiant au contraire la réflexion autour de thématiques emblématiques du genre, le tout conduit par un petit génie de l’écriture au CV follement alléchant, derrière 28 semaines plus tard (ou comment transcender le simple film de zombie pour l’élever vers des sommets), derrière le Sunshine de Danny Boyle (autre exemple de SF spatiale ayant redonné, sur des bien points, ses lettres de noblesses au registre) ou encore le bouleversant Never Let Me Go et la bonne surprise très efficace que fut le reboot de Judge Dredd. Si l’on ajoute à cela que les premières images étaient fascinantes de beauté et que le casting cumule les talents (Oscar Isaac, Domhnall Gleeson, Alicia Vikander)… Ex-Machina devenait donc incontestablement l’un des films les plus attendus du moment.L’AVIS :
Il y a plusieurs façons d’appréhender la science fiction. Alex Garland ne prend pas la direction du blockbuster spectaculaire, préférant s’abandonner à une SF chère à Asimov et consorts, plus intimiste et contemplative, plus posée, verbeuse et réflexive, arborant un univers minimaliste et épuré mais confectionné avec soin, élégance et précision, pour soutenir un huis clos fascinant sous tension poétique et angoissante entre quatre protagonistes, un génie de l’informatique milliardaire, un jeune employé de sa société élu pour venir passer une semaine dans l’antre de son centre de recherches où il vit reclus, un prototype révolutionnaire de femme humanoïde à intelligence artificielle, et en arrière-plan, plus effacée, une étrange domestique mutine. Sans explosion, sans coup de feu, sans action trépidante et sans CGI assommants ambitionnant seulement de soumettre le spectateur à une débauche d’images visuellement ronflantes, le néo-cinéaste livre un premier long-métrage à l’ambiance puissamment marquée, une œuvre magistrale, subtile et brillante, à la fois réaliste, spirituelle et métaphysique, prenant les apparats d’un thriller psychologique pour questionner l’être humain et son existence, son essence, questionner la place et la relation de l’homme face à la technologie et au monde qui l’entoure, entre fascination, méfiance et défiance des lois de la nature. Dans ses nombreuses ramifications qui font toute sa richesse éclairée et profonde, Ex-Machina interroge les limites et les dérives scientifiques, l’éthique, les dangers à se prendre pour dieu en se substituant au rôle de créateur pour s’auto-créer soi-même, ou du moins des équivalents capables de penser et de ressentir au moins aussi rationnellement que nous. Pour les besoins d’un test de Turing (en référence à Alan Turing, dont la vie vient de faire l’objet du film Imitation Game), Caleb (Domnhall Gleeson) se retrouve face à Eva (la belle Alicia Vikander) et aux contours de sa conscience artificielle, pour déterminer si cet I.A. est capable de relever le challenge de la confrontation verbale avec un être humain.Thriller captivant et drame scientifique pas loin de la fable existentialiste, comme si Mondwest rencontrait les origines de la série Battlestar Galactica, Her, Blade Runner et 2001 L’Odyssée de L’espace, Ex-Machina creuse avec acuité son sujet et ses possibilités, en réussissant ce tour de force impressionnant, de baigner dans un suspens maîtrisé où l’on se retrouve suspendu à chaque mot, chaque geste, à chaque échange, chaque regard, avec cette étrange sensation en prédominance, que tout peut arriver, que toutes les directions peuvent devenir une issue possible, plausible, et édifiante. En cela, Ex-Machina rappelle un autre tour de force cinématographique improbable, The Man from Earth de Richard Schenkman. Ou comment mettre une petite poignée de personnage dans un lieu replié sur lui-même, et de tenir en haleine le spectateur, seulement à la force des discussions qui animent et entretiennent un suspens incarné par l’atmosphère qui jaillit des affrontements psychologiques déployés par le sens né de ces conversations.Et pour un premier film, Alex Garland assoie ses intentions sur une virtuosité formelle et narrative absolument saisissante, jouant avec une habileté démente, avec les relations de découverte, d’alliance, de séduction et d’affrontement, qui animent les interactions entre les protagonistes de son histoire dont il se dégage une intensité époustouflante couplée à une atmosphère de mystère permanent qui décuple la force des enjeux en présence. L’atmosphère, mais aussi la grâce des comédiens en présence, d’un Oscar Isaac des (très) grands soirs à une Alicia Vikander offrant une palette de jeu qui ne vient qu’étayer ce que l’on savait déjà, la danoise est une comédienne absolument incroyable, non seulement d’une beauté charismatique qui magnétise le regard, mais également capable de passer en un battement de cil, de la séduction à la distance, de la fragilité à la crainte.Avec Ex-Machina, Alex Garland aurait pu flancher dans le travail enfonçant des portes ouvertes par des années de science fiction avant lui. Ce n’est pas le cas car le cinéaste ne se pose jamais dans une posture alarmiste, d’autant qu’il concède ouvertement être plus un admirateur qu’un critique des nouvelles technologies de pointe. Peu désireux de livrer une énième œuvre inquisitrice sur le déploiement omniprésent des nouvelles technologies intrusives dans nos quotidiens, Garland opte pour le recul clairvoyant, pour la soumission d’un questionnement en laissant le champ libre au spectateur de se forger son ressenti et sa propre appréhension du sujet. La direction artistique générale, la profondeur du récit, son humilité (sachant rester ludique et jamais prétentieux), le sens aiguisé du découpage, le travail narratif de mise en valeur d’une ambiguïté permanente, l’adresse avec laquelle les émotions s’entrecroisent, la subtilité de la progression dramatique… Autant de points sur lequel Garland réussit un sans-faute, pour diriger son premier effort derrière la caméra, vers le statut d’œuvre admirable et passionnante.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
J’aurai bien voulu participer au concours, mais ce dernier est tellement mal foutu !
Quel concours ? C’est peut-être pour ça que tu le trouves mal foutu. C’en est pas un, c’est une critique.
j ‘ adore ce concour