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NOS SOLEILS de Carla Simon : la critique du film

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Nom : Alcarras
Mère : Carla Simón
Date de naissance : 2022
Majorité : 18 janvier 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : Espagne
Taille : 2h00 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Jordi Pujol DolcetAnna OtínXenia Roset

Signes particuliers : L’Ours d’or (mérité) de la dernière Berlinale. 

Synopsis : Depuis des générations, les Solé passent leurs étés à cueillir des pêches dans leur exploitation à Alcarràs, un petit village de Catalogne. Mais la récolte de cette année pourrait bien être la dernière car ils sont menacés d’expulsion. Le propriétaire du terrain a de nouveaux projets : couper les pêchers et installer des panneaux solaires. Confrontée à un avenir incertain, la grande famille, habituellement si unie, se déchire et risque de perdre tout ce qui faisait sa force…

 

LE CREUSCULE D’UNE EPOQUE

NOTRE AVIS SUR NOS SOLEILS

Carla Simón et la Berlinale, une histoire qui a débuté en 2017 quand la jeune réalisatrice catalane y avait présenté Été 93, son premier long-métrage. Avec un Ours d’Argent du Meilleur Premier Film à la clé. Cinq ans plus tard, elle était de retour en Allemagne avec Nos Soleils et cette fois, c’est le prestigieux Ours d’Or du Meilleur Film qui lui a été décerné. Carla Simon y conte l’histoire d’une famille d’agriculteurs cultivant des pêches, sur le point d’être chassée de son domaine. L’histoire remonte il y a fort longtemps quand l’arrière grand-père avait sauvé son voisin et ami traqué par les franquistes. En guise de remerciement pour cette dette éternelle, ce dernier lui avait donné ces terres que la famille cultive depuis maintenant 80 ans. Son fils, le grand-père, a pris la suite de manière naturelle, sans jamais ratifié quoi que ce soit. On parle d’un temps où une bonne poignée de main avait plus de valeur que n’importe quel acte ou contrat notarial. Sauf qu’aujourd’hui, la paysannerie ne rapporte plus et le vent du capitalisme a soufflé par là. Se basant sur la loi et non sur un serment ancestral, le fils du feu propriétaire qui a hérité des terres veut les récupérer pour y installer des panneaux solaires, secteur plus lucratif. Le récent As Bestas de Rodrigo Sorogoyen évoquait déjà cette question en utilisant ce facteur comme ressort principal d’un conflit entre villageois. Ici, Quimet a beau se battre, il ne peut rien faire et la nouvelle récolte estivale de la famille pourrait bien être la dernière avant de rétrocéder les lieux. Des lieux qui au final, leur appartenaient sans leur appartenir. Ou comment abandonner son identité face à la raison du monde moderne.
Comme Sorogoyen mais avec un regard plus intimiste et surtout très engagé, mettant le drame de la paysannerie moderne au-devant de tout, Carla Simon signe un drame bouleversant pointant du doigt la mort de l’agriculture traditionnelle et de ses travailleurs acharnés, balayés par les ravages du structuralisme libéral de nos sociétés actuelles. Un déclin progressif engagé par une grande distribution qui asphyxie en faisant continuellement baisser les prix et par un capitalisme qui ne résonne qu’en rentabilité maximale. Pour Quimet et les siens, la culture de leurs vergers n’est pas qu’un métier, c’est un mode de vie, une vie, une passion, une tradition. Mais ils ne pèsent pas bien lourd devant le profit, pas plus que la morale ou la parole donnée à un aïeul ne pèsent face à un contrat notarial et une loi. Leur combat est probablement perdu d’avance mais qu’importe, cette « dernière récolte », ils la feront avec les tripes, comme ils l’ont toujours fait. En famille, comme ils l’ont toujours fait.

Carla Simon aurait pu dessiner tout ça avec une noirceur plombante. Mais plutôt que d’enfermer son film dans le carcan du drame misérabiliste, elle préfère lui donner une saveur tout autre. Une saveur de pêche bien mûre. Aux côtés d’une forme de mélancolie qui habite subtilement les pores de son long-métrage, évolue une lumière brillante. Une lumière qui amène du respect et surtout une profonde tendresse pour ces agriculteurs dévoués. A l’image de Quimet dont le corps porte les stigmates d’années de dur labeur. A l’image de sa famille volontaire.

Plus qu’un film, Nos Soleils est un témoignage pour la postérité. Il écrit l’histoire d’un basculement. Celui où l’humanité est en train de dire au revoir aux anciennes traditions, à un ancien mode de vie où la paysannerie s’écrivait dans ces familles réunies autour de grandes tablées après l’effort. Celui d’une paysannerie aimant le travail bien fait, le respect des produits. Bientôt, elle ne sera plus. Et avec elle, le souvenir de ces étés à la campagne, de ces traditions, du goût des choses simples, d’un fruit mangé sur l’arbre, d’une cabane faite dans une vieille voiture à l’abandon, d’un grand repas familial intergénérationnel. Au-delà du regard sur la disparition de l’agriculture traditionnelle, Carla Simon livre une chronique très universelle parlant finalement de la fin d’une époque qui concerne tout le monde.

Par Nicolas Rieux

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