Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Wrong
Parents : Quentin Dupieux
Livret de famille : Jack Plotnick (Dolph), Eric Judor (Victor), William Fichtner (Chang), Alexis Dziena (Emma), Steve Little (Détective Ronnie), Marc Burnham (le policier), Arden Myrin (Gabrielle)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : France
Taille/Poids : 1h34 – 1 million €
Signes particuliers (+) : Du barré façon Dupieux, s’inscrivant donc dans un surréalisme étonnant, inventif et parfois drôlissime.
Signes particuliers (-) : Un sentiment de redite stylistique. Peu passionnant avec son personnage guère attachant. Du loufoque pour du loufoque dans un assemblage d’idées un peu vain.
WRONG WAY
Résumé : Dolph Springer se lève un matin, comme tous les matins. Son chien, Paul, a disparu. Inquiet, Dolph va croiser ou parler à tout un tas de gens, du mystérieux Maître Chang à son détective privé Ronnie, de Victor le jardinier à Emma la vendeuse de pizza…
On vous le concède, le résumé de Wrong, nouvel ovni signé du français Quentin Dupieux (alias Mr Oizo pour les amateurs de musique) est très énigmatique et l’on n’est pas plus avancé après sa lecture qu’avant. En même temps, difficile de faire mieux puisque le film est, pour être franc, totalement in-résumable si ce n’est de dire qu’il parle d’un homme qui a perdu son chien et qui croise des gens, le tout dans un grand n’importe-quoi placé sous les cieux de l’absurde le plus complet.
Quentin Dupieux nous avait impressionné jusque-là, notamment après son dernier Rubber, récit décalé de la croisade d’un pneu meurtrier, que le cinéaste avait traité avec beaucoup d’originalité et d’inventivité pour parvenir, au final, à l’une des œuvres les plus étranges et les plus rafraichissantes à la fois, de l’année 2010. Et forcément, après un tel coup brillant, on avait hâte de le retrouver, le Dupieux, lui et son univers irréel, sorte de mélange convoquant Kusturica, Gondry, Jarmush, les Frères Coen, les Monty Python ou encore David Lynch. Un amas de références pour un cinéma de la référenciation mais sans que celles-ci ne soient aussi appuyées ou visibles que chez Tarantino, qui fonctionne plus à la régurgitation d’une culture personnelle, d’ailleurs. Dans le cinéma de Quentin Dupieux, elles sont plutôt stylistiques, comme des emprunts homogènes lui permettant de construire son cinéma personnel, singulier, son œuvre.
Mais avec Wrong, le metteur en scène montre aussi les limites de son cinéma en tant qu’auteur, cinéma qui se contente de créer de l’absurde forcé et artificiel en permanence, comme finalité à son entreprise sans que cela ne tende vers quelque chose d’autre. A l’inverse de Rubber, délicieuse relecture hommage d’un genre soudainement rafraichi par une pépite innovante, courageuse, à la fois respectueuse et totalement cintrée et marginale, Wrong se range en apparence dans la catégorie des comédies dramatiques à l’américaine dont il reprend l’esprit doux-amer, mais se traverse sans substance, sans direction. Dupieux aligne les unes à la suite des autres, des scènes loufoques, absurdes, nonsensiques, souvent drôles et étonnantes, mais à quelle fin ? De l’absurde pour de l’absurde, voilà comment l’on pourrait résumer un film qui finalement n’apporte pas grand-chose de plus au cinéma de son auteur qui se contente de faire ce qu’il sait faire mais en l’érigeant en finalité ultime recherchée, ce qui paraît bien facile au demeurant. On ne peut lui ôter qu’il est très talentueux pour inventer des séquences surprenantes. Les conservations entre Dolph et son voisin, son lieu de travail, l’étrange Maître Chang, l’ingénue Emma persuadée de voir des changements de visage, le détective Ronnie… Dupieux multiplie les scènes placées sous le signe de l’étrangement comique, de l’irréel presque fantasmagorique, comme si son personnage vivait un cauchemar décousu, empruntant des points à la réalité mais retravaillés par un subconscient les mélangeant et livrant un tout qui n’aurait ni queue ni tête où une continuité narrative se dégagerait mais truffée d’incohérences. En fait, Wrong est ainsi, une sorte de rêve mis en scène. Une histoire qui a un vague sens général mais qui ne tient pas debout dans des détails qui trahissent l’impression de réalité car fruit d’un subconscient qui fait un mélange d’idées improbable. L’idée générale était intéressante, la tentative aussi courageuse qu’atypique. Mais le résultat manque trop de consistance, malheureusement affaibli par un trop grand vide structurel. Dupieux compile des moments, compile des idées semi-gagesques, sous le ton du tragi-comique absurde, mises bout-à-bout mais ne va nulle part avec. Wrong s’égare dans le no man’s land des œuvres qui n’ont pas grand-chose à dire mais que l’on ne peut détester non plus. Plusieurs plans ou séquences amusent autant qu’elles ne déroutent. Mais ce n’est là qu’une façade masquant le véritable problème qui est que l’on ressort de là avec comme seule question : « Et ? ». Dupieux semble tourner en rond dans un cinéma dont il a déjà exploré les quatre recoins et ne sait plus où aller désormais. Incapable de se renouveler, il refait donc le tour de la pièce et recommence ce qu’il a déjà fait faute de pouvoir proposer autre chose en forçant le trait sans le naturel revigorant d’antan. Quand l’absurde de ses œuvres était nouveau, frais, quand on a découvert un Rubber (ou un Steak pour les amateurs) peut-être moins abouti stylistiquement mais bien supérieur dans l’entreprise idéologique, Dupieux était parti pour être un nouveau petit génie s’attirant les feux de la rampe. Aujourd’hui, il peine à montrer qu’il est un véritable auteur au-delà d’un style se limitant à empiler des idées absurdes à la chaîne sans qu’il n’y ait quoi que ce soit derrière. Certes, c’est amusant mais c’est aussi bien peu en substance. Dommage. Wrong se regarde avec l’œil qui frise mais sent aussi l’œuvre d’un metteur en scène qui cherche comment décliner encore et encore un coup de génie en mettant l’accent sur les qualités louées au moment. Sauf que le projet sonne faux, artificiel, sans sincérité voire un brin prétentieux dans la démarche. Dupieux, le début de la fin ?
Bande-annonce :
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