Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Elysium
Père : Neill Blomkamp
Livret de famille : Matt Damon (Max), Alice Braga (Frey), Jodie Foster (Rhodes), Sharlto Copley (Kruger), Diego Luna (Julio), William Fichtner (Carlyle), Wagner Moura (Spider)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 14 août 2013 (en salles)
Nationalité : USA
Taille/Poids : 1h50 – 100 millions $
Signes particuliers (+) : Une ambitieuse série B de luxe réussissant le délicat mélange du grand divertissement SF intense et efficace et de la métaphore sociétale militante intégrée à un élégant actionner d’anticipation sociale. Blomkamp confirme qu’il est un pur prodige pour ce qui est d’illustrer les maux de notre monde dans des spectacles haletants et spectaculaires sans céder à la bouillie hollywoodienne pataude. L’univers déployé est malin, crédible, réaliste et le plaisir palpable.
Signes particuliers (-) : Un cran en-dessous en terme de subversif et d’innovation par rapport au frais District 9, le propos s’abaissant à un récit plus manichéen sans toutefois fauter irrémédiablement. On s’interroge aussi sur l’utilité d’une violence excessive qui paraissait dispensable.
LA SF INTELLIGENTE
Résumé : 2154. La Terre a été victime de la pollution, de la surpopulation, de ses excès. Les riches habitent désormais dans une luxueuse station orbitale ultra-technologique baptisée Elysium. Le reste, essaie de survivre dans une planète en ruine, exploité pour le confort de ceux d’au-dessus. Max Da Costa, ex-voleur de voitures désormais ouvrier ordinaire rangé, travaillant à la chaîne de l’usine d’une grosse compagnie, va bouleverser cet équilibre à la suite d’un accident ne lui laissant plus que quelques jours à vivre…
Quatre ans après s’être fait un nom avec la claque à petit budget District 9, le jeune prodige parrainé dans le métier par Peter Jackson, Neill Blomkamp, vole désormais de ses propres ailes et signe son second long-métrage sous l’égide de Sony Pictures, qui lui accorde un budget trois fois supérieur à celui dont il disposait pour son remarqué premier film en 2009. Le cinéaste sud-africain, passionné par les univers animés et futuristes, par le graphisme, les effets visuels et les trucages, avait surpris le monde entier par un film de SF d’un nouveau genre, sorte de fausse docu-fiction de SF intelligente et allégoriquement sociale et c’est presque logiquement qu’il rempile dans le genre où tout le monde espérait le revoir. Fort de 100 millions de dollars (contre 30 pour District 9) et d’une belle galerie de stars au casting (Matt Damon, Jodie Foster, Alice Braga, William Fitchner et son fidèle ami qu’il avait lancé, Sharlto Copley), le risque était doublement grand pour Blomkamp qui se savait attendu au tournant. Il devait à la fois prouver qu’il n’était pas qu’un feu de paille, le génie d’un seul film, et dans le même temps, réussir à trouver à nouveau le juste équilibre entre divertissement et finesse du discours, pour éviter de sombrer dans la fadeur du blockbuster ultra-spectaculaire artificiel, lui qui avait su avec beaucoup de ruse et d’intelligence, relancer un registre aux abois.
Blomkamp aura pris son temps entre ses deux premiers long-métrages, esquivant le piège de la précipitation facile post-succès alors que tous les feux des projecteurs sont braqués sur vous. D’abord, un long travail d’écriture pour créer une nouvelle histoire forte assimilant les thématiques qu’il souhaitait aborder. Puis, un fastidieux travail de conception pour composer puis bâtir un imaginaire puissant, crédible et réaliste, le cinéaste se refusant à céder à la mode du tout numérique factice. A l’été 2011, la production débute, avec un tournage entre le Mexique et Vancouver où d’impressionnants décors ont été recréés (comme la station spatiale Elysium) en s’inspirant de l’univers de Syd Mead, le designer américain célèbre pour son travail sur des classiques comme Aliens ou Blade Runner. Deux ans après, Elysium est prêt et sort en salles, globalement bien reçu aux Etats-Unis même si le film n’est pas un carton au box office, peut-être un effet de son classement « R » l’interdisant aux moins de 16 ans, doublé de son statut d’œuvre certes ludique mais pas estampillée pop-cornerie décérébrée.
Avec Elysium, Neill Blomkamp reproduit la recette qui a fait son succès sur District 9. Si le style est plus classique, plus commercial et moins frais, ne reprenant d’ailleurs pas le concept du docu-guérilla mais s’amarrant à un scénario plus conventionnel et linéaire, le film cherche une fois de plus et avant toute chose, au-delà de la distraction spectaculaire, à s’ancrer au registre de la science fiction intelligente et métaphorique, illustrant un regard porté sur notre monde actuel que Blomkamp se plaît à retranscrire au détour d’histoires qui en appellent à l’intelligence du spectateur au lieu de le prendre bêtement pour un âne incapable de s’élever en-deça du mangeur de divertissement simpliste et bourrin. La singularité de District 9 est certes adoucie pour une facture ici plus linéaire et grand public mais le metteur en scène ne trahit pas pour autant ses idéaux et sa façon de travailler, alliant un impressionnant actionner avec une foule de thématiques imagées par un récit dense relevant de la pure et grande SF exaltante. Par son histoire de monde divisé en deux classes, ceux (les pauvres) résidant sur une Terre miséreuse et désolée et ceux (les riches) vivant dans une luxueuse station spatiale en orbite, Blomkamp poursuit son travail d’illustration du monde qui l’entoure et qu’il contemple avec mélancolie et colère. Un monde scindé où les barrières sociales érigées sont infranchissables, où les pauvres sont condamnés à rester pauvres, où les riches se complaisent dans leurs richesses jalousement gardées et inatteignables, où une population majoritaire doit se contenter de regarder et de rêver de loin au luxe d’une minorité dédaigneuse. Un monde cynique qui sert de base à l’élaboration de ce Elysium, nouvelle parabole futuriste mordante qui parlera de fracture sociale, de division et d’opposition entre les puissants exploitants et le Tiers-Monde exploité, d’immigration clandestine forcée par le désespoir, d’exploitation inhumaine de la misère d’autrui, d’impuissance et impossibilité fataliste à changer sa condition sociale, de barrière à la réinsertion (avec un subtil message discret envoyé au traitement réservé aux militaires ayant servi leur pays, souvent remerciés comme des malpropres)… La mise en images allégorique de l’Apartheid dans District 9 cède ici sa place à un constat terrifiant extrapolant le fonctionnement de notre civilisation mondialiste actuelle pour le transposer dans un univers science fictionnel à peine retouché, crédible et réaliste, gardant les mêmes principes essentiels et la même mécanique pour amplifier la critique puissante déployée une nouvelle fois avec génie par Blomkamp.
Le cinéaste fait confiance à l’intelligence de son auditoire et livre un film riche en sens, une prodigieuse métaphore qui n’en oublie pas toutefois d’être divertissante et ludique. Sur un rythme parfaitement maîtrisé et tenant en haleine de bout en bout sur ses presque deux heures de spectacle, Elysium réussit le pari d’être dans le même temps une grosse machine intense et emballante, une distraction efficace et généreuse en action et en effets visuels somptueux nourrissant son histoire forte et bien ficelée. Régal d’entertainment conjuguant à merveille le blockbuster mainstream et la fable sociétale, Elysium n’échappe pas à quelques facilités et un léger abaissement du propos assujetti à un certain manichéisme. L’effet de caricature amplifié est certes présent mais il n’est au final que le reflet de constats cruellement réels même si parfois le film les résume d’une façon un peu naïve par souci d’accessibilité au plus grand nombre (restreint seulement par la violence graphique parfois un brin outrancière et dispensable). Toujours est-il que Blomkamp prouve encore une fois son excellence dès qu’il s’agit d’illustrer les maux de notre monde dans de foisonnants spectacles d’anticipation sociale viscéraux, dénonciateurs et militants, Elysium fonctionnant parfaitement comme une version plus élaborée et moins mièvre du récent franco-canadien Upside Down. Le cinéaste ne s’est pas laissé dévorer tout cru par la toute puissante machine hollywoodienne et ses sirènes clignotantes et se sert au contraire intelligemment de ses outils pour poursuivre son audacieux et intelligent travail subversif, même si l’acidité d’un District 9 y est légèrement atténuée. Elysium est un cran en-dessous dans l’innovation mais il joue habilement des coudes pour se hisser dans le haut du panier du grand divertissement efficace de série B virtuose, touchant le plus grand nombre pour y faire passer son malin propos pas forcément fin mais bien structuré, abouti et clair comme de l’eau de… riche !
Bande-annonce :