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22 MILES : Rencontre avec le réalisateur Peter Berg

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A l’occasion de la sortie du film d’action 22 Miles avec Mark Wahlberg, nous avons pu rencontrer le réalisateur Peter Berg.

Synopsis : Un officier d’élite du renseignement américain tente d’exfiltrer un policier qui détient des informations compromettantes. Ils vont être traqués par une armée d’assassins tout au long des 22 miles les séparant de l’avion qui leur permettra de quitter le pays.

LE 29 AOÛT AU CINÉMA

Peter Berg et Iko Uwais

Peter Berg : Bonjour et merci d’être venu à ma rencontre, je sais que c’est un très grand jour pour la France (l’entretien a été réalisé le jour du quart de finale de Coupe du Monde – ndlr).

Vous retrouvez une fois de plus Mark Wahlberg après Du Sang et des Larmes, Deepwater et Traque à Boston. Qu’est-ce que vous trouvez chez cet acteur que vous ne trouvez pas chez d’autres ?

Peter Berg : Je pense que la vraie raison pour laquelle je travaille aussi souvent avec Mark Wahlberg, c’est que nous avons tout simplement une amitié très solide. On est presque comme des frères. On se chamaille parfois, on peut avoir des échanges très animés mais ce n’est jamais un problème. Et puis j’ai totalement confiance en lui. On s’éclate en travaillant ensemble et tant que cela durera, je continuerai à bosser avec lui.

Vous avez évoqué par le passé le fait d’avoir grandi dans un environnement militaire et qu’aujourd’hui, vous êtes quelqu’un de patriote. Est-ce que cela guide vos choix de films ?

Peter Berg : J’aimerai faire un film romantique un jour… Du genre dans le sud de la France, avec un homme et une femme qui boiraient du vin et s’embrasseraient… Et ça se terminerait avec Mark Wahlberg qui déboulerait avec une mitraillette ! (rires). Mon père était un militaire professionnel et il aimait étudier les guerres. J’ai grandi en apprenant à connaître les grandes batailles militaires, comme celles de la Deuxième Guerre Mondiale par exemple. J’ai toujours été fasciné par les hommes et les femmes qui partent affronter le danger pour nous aider. Dans ce film, comme dans mes précédents, je m’intéresse à la psychologie de la violence. C’est pour cela que je reviens toujours à ce genre de sujets. Mais un jour, je ferai un film d’amour en France ! (rires)

Vos derniers films étaient tous basés sur des histoires vraies. Cette fois, c’est une pure fiction mais toujours avec ce style très réaliste. On sent une volonté de toujours rendre une certaine vérité à l’écran. C’est quelque-chose qui vous motive ?

Peter Berg : Je viens de faire trois films basés sur des histoires vraies. Ce sont trois films qui ont été émotionnellement difficiles et stressants à faire car beaucoup de gens sont réellement morts et par respect, on est dans l’obligation morale de rencontrer et de parler avec leurs familles. On parle avec les survivants, avec les femmes et les enfants des victimes, on est confronté à leurs réactions après la découverte du film. À chaque fois, ce sont des moments déchirants pour moi. Pour ce film-là, j’ai voulu une pure fiction pour m’amuser un peu, mais sans perdre de vue le réalisme des situations et de l’organisation dont on parle, qui existe vraiment. C’est un film proche de la vérité, mais ce n’est pas non plus la vérité.

Comment vous est venue l’idée de confronter Mark Wahlberg et Iko Uwais, la star de la saga The Raid ?

Peter Berg : Je suis un grand fan d’Iko Uwais depuis que je l’ai découvert dans The Raid. J’ai le sentiment qu’il pourrait devenir le nouveau Bruce Lee. Je l’ai rencontré et c’est un jeune homme vraiment talentueux. C’est un grand artiste martial mais il a aussi un grand sens de la chorégraphie des combats. Sur le tournage, il a presque réalisé toutes ses scènes d’action avec moi. Iko est arrivé en premier sur le film, avant même Mark Wahlberg, et j’ai bâti le film autour de lui. Je pense qu’il va devenir une grosse star du cinéma d’action, peut-être même le numéro un. Il est de la trempe des Bruce Lee, Jet Li, Jackie Chan… Maintenant, il y aura aussi Iko.

Vous êtes très porté sur le cinéma d’action. Quelles sont vos références en la matière ?

Peter Berg : Il y a eu Die Hard évidemment. Avant lui, je citerai French Connection. Terminator m’a marqué, surtout pour la manière dont James Cameron construisait ses scènes d’action. Ce sont les trois films que je citerai en premier. En dehors d’eux, un film français m’a beaucoup influencé : C’était un rendez-vous. C’est un film où un homme conduit un bolide à fond dans Paris au petit matin, filmé en caméra subjective [il s’agit en réalité d’un court-métrage de Claude Lelouch où le cinéaste traverse Paris en voiture avec une caméra installée sur le devant – ndlr). Malgré les effets spéciaux et tout les technologies, ça reste la meilleure scène de poursuite. On a tourné 22 Miles à Bogota en Colombie et pour une scène de course-poursuite à travers la ville, on a dû avoir l’autorisation du Président et des généraux ! On a dû bloquer des centaines de rues pour que personne ne soit blessé ! On communiquait avec des talkies-walkies et c’était un sacré bordel !

Quel type de réalisateur êtes-vous quand vous tournez des scènes d’action très complexes  ? Vous êtes plutôt du genre calme et serein ou comme votre personnage dans la série Entourage, hyper-stressé et stressant ?

Peter Berg : Quand j’ai commencé à faire des films, j’étais très nerveux, toujours très tendu. Si quelqu’un venait vers moi pour me dire bonjour, je répondais sans réfléchir « va te faire foutre ! ». Tout était un combat, je pensais que tout le monde voulait ma peau donc je me prenais la tête tout seul et je finissais mes journées totalement épuisé. Heureusement, maintenant, j’ai davantage d’expérience acquise au fil des films et je suis beaucoup plus calme. Je suis très détendu aujourd’hui quand il s’agit de parler avec l’équipe ou de préparer le tournage des scènes. Mais dès qu’il s’agit de filmer de l’action, je ne veux pas que vous vous asseyez dans votre fauteuil et que vous regardiez tranquillement. Je veux que le spectateur soit dans l’action, je veux que son cœur batte à pleine vitesse, je veux qu’il oublie son téléphone, je veux toute son attention. Donc quand que je filme des scènes d’action, j’essaye de mettre tout le monde dans un véritable état d’intensité. Les scènes d’action, ça prend des jours et des jours à être filmées, donc si je passe trois mois à hurler comme un taré sur le plateau, ça ne va pas le faire. J’essaye de me montrer excité quand c’est nécessaire, mais le reste du temps je suis calme aujourd’hui.

Trouvez-vous que le style de votre mise en scène a évolué depuis vos débuts ?

Peter Berg : De manière générale, je tourne avec des caméras portatives et avec trois caméras. Je laisse les acteurs assez libres de faire ce qu’ils veulent, je n’essaye pas de les contrôler et je les laisse faire leurs propositions pour rendre leurs personnages crédibles. En fait, j’essaye de faire un peu comme John Cassavetes dans ma recherche du réalisme. C’est l’un des premiers cinéastes que j’ai aimé. Même dans l’action, je préfère avoir une scène qui a l’air réaliste plutôt qu’un plan parfaitement soigné. Je ne veux pas être très démonstratif, je préfère que les images ne soient pas forcément évidentes, je veux que le spectateur cherche à voir ce qu’il se passe plutôt qu’il ne le voit directement. Bon, parfois l’action a quand même besoin d’être bien préparée parce qu’il faut de l’impact. Ça arrive qu’une scène soit bien huilée du côté de l’action mais qu’il manque ce petit coup de punch supplémentaire. Il faut que ce soit préparé mais j’aime bien rendre les choses un peu chaotiques voire imprévisibles.

Comment imaginez-vous les chorégraphies des scènes de combat ? Cette fois, Iko vous a aidé, mais de manière générale ?

Peter Berg : Vous connaissez le maître Yuen Woo-ping ? (réalisateur chinois et chorégraphe de films comme Matrix, Tigre et Dragon, Kill Bill – ndlr). J’ai eu l’occasion de le rencontrer à l’époque où il a tourné le remake de Tigre et Dragon. C’était il y a trois ans. Il a 92 ans et j’ai pu passer du temps avec son équipe. Ils m’ont montré des scènes de combat de centaine de films d’arts martiaux qu’ils utilisent régulièrement comme références. C’est là que j’ai compris comment fonctionnaient les arts martiaux et leurs chorégraphies à l’écran. C’est à ce moment là que j’ai commencé à m’inspirer des arts martiaux. Puis j’ai vu The Raid. Ça ne ressemblait pas aux vieux films martiaux chinois, les combats n’y étaient pas élégants mais plus brutaux, avec des mecs qui traversaient les murs etc… On retrouve un peu ça dans les Jason Bourne avec Matt Damon. J’aime ce genre de combats, cette brutalité, quand le spectateur ressent la force des coups.

Votre univers est très masculin alors qu’aujourd’hui, Hollywood accorde de plus en plus de place aux femmes dans les films d’actions. Que pensez-vous de cela ?

Peter Berg : Les femmes dominent le monde maintenant ! (rires) J’ai réalisé un film qui s’appelait Le Royaume en 2007 et Jennifer Garner avait un gros rôle dedans, avec beaucoup de scènes d’action. Pour moi, voir une femme se battre pour sa vie est aussi fort émortionnellement que de voir un homme se battre pour sa vie. Dans 22 Miles, je suis content d’avoir des femmes de caractère. Lauren Cohan est très badass par exemple ! Elle a une super scène de combat dans le film, très forte émotionnellement. Peut-être même la meilleure du film. On a aussi Ronda Rousey qui est une femme forte, mais elle ne se bat pas dans le film. Tout le monde s’attend à la voir se battre mais je trouvais plus intéressant de lui proposer autre chose. En tout cas, il y a effectivement un vrai mouvement actuellement à Hollywood, qui ouvre de plus en plus ses portes à des femmes, notamment à la télévision avec des séries Netflix comme Killing Eve ou The Handmaid’s Tale.

Vous considérez-vous plus comme un réalisateur d’action ou un réalisateur d’acteurs ?

Peter Berg : Il y a beaucoup d’action dans mes films donc je pense être d’abord un réalisateur de films d’action. Mais je travaille dur pour aller chercher l’émotion des personnages impliqués dans l’action. J’essaie aussi d’aller chercher l’âme des scènes d’action. Je suis un grand fan de boxe, je suis propriétaire d’une salle de boxe en Californie et j’adore voir des combats. Tous les combats ont une vraie narration, c’est passionnant de s’y attarder. Un match, c’est presque comme un film, avec une histoire dramatique. L’un peut être en train de gagner et puis l’autre reprend le dessus, il y a des moments de répit puis des explosions de violence. Quand je filme une course-poursuite par exemple, je veux connaître l’histoire autour, l’histoire des personnages, les émotions qui les motivent. Quand deux types sont en train de se tirer dessus, j’aime aller chercher l’émotion derrière, je ne veux pas juste un « bang bang bang », je veux saisir l’âme de la scène. Je ne sais pas si j’y arrive, mais j’essaye en tout cas de faire que l’on comprenne le pourquoi du comment.

On sent que le film est très dense, très compact, très resserré…

Peter Berg : Mes films sont toujours construits en deux actes. Le premier acte est plus posé et après on lâche la vitesse. Une fois que l’action commence, elle ne s’arrête plus mais on a un bon twist de fin aussi.

Qu’est-ce qui a poussé le jeune homme que l’on avait découvert en tant qu’acteur chez Wes Craven en 1989 dans Shocker, à devenir réalisateur aujourd’hui ?

Peter Berg : Je n’ai jamais aimé être acteur en fait, je m’ennuyais sur les plateaux à attendre que l’on me dise ce que je devais faire. Je passais mon temps à observer les réalisateurs au travail, à poser des questions sur les caméras, la lumière etc…. Sur Shoker, je regardais Wes Craven travailler. Déjà à l ‘époque où j’étais acteur, j’étais plus concentré sur la réalisation. Pour moi être réalisateur, c’était l’objectif, le job numéro un à décrocher. Je suis vraiment heureux d’avoir fait Shoker, mais je préfère réaliser.

Propos traduits par Nicolas Rieux

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