Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Au Bout du Conte
Père : Agnès Jaoui
Livret de famille : Agnès Jaoui (Marianne), Jean-Pierre Bacri (Pierre), Agathe Bonitzer (Laura), Arthur Dupont (Sandro), Benjamin Biolay (Wolf), Valérie Crouzet (Eleanore), Dominique Valadié (Jacqueline), Laurent Poitrenaux (Eric), Beatrice Rosen (Fanfan), Nina Meurisse (Clémence), Clément Roussier (Julien)…
Date de naissance : 2013
Nationalité : France
Taille/Poids : 1h52 – 8 millions €
Signes particuliers (+) : Les quelques apparitions de Bacri (éventuellement) qui, même caricature de lui-même, arrive à faire rire.
Signes particuliers (-) : Mauvais du début à la fin, un essai lourd et présomptueux, ni drôle, ni tendre, marqué par un cynisme aigri premier degré à fuir. Le duo est à bout de souffle et fait dans le recyclage sans inspiration et limite prétentieux. Un cauchemar vain et vide.
AU BOUT DU COMPTE ?
Résumé : Laura fait un rêve où elle est enlevée par un Prince Charmant. Son rêve s’avère prémonitoire quand elle rencontre Sandro, un compositeur de musique timide. Puis arrive Maxime Wolf, un mystérieux critique musical qui aime la musique de Sandro. Marianne, la tante de Laura, est une quadragénaire séparée incapable de rien faire par elle-même. Elle prodigue à sa nièce conseils et soutien moral. Pierre, le père de Sandro, est perturbé par une vieille prophétie d’une voyante tordue qui lui avait donné la date de sa mort il y a quarante ans. C’est dans quelques semaines. Il refuse d’y croire mais ça l’obsède…
Pour son quatrième film en tant que metteur en scène, Agnès Jaoui, une fois de plus associée à Jean-Pierre Bacri à l’écriture (pour la huitième fois) malgré leur séparation à la ville l’an passé, confirme la tendance constatée depuis son premier et formidable Le Goût des Autres, l’incursion dans un chemin en pente fortement descendante, qui vient trouver ici son « bout du chemin », avec ce qui est (et on espère restera) son plus mauvais film à ce jour. Les deux auteurs abordent leur dernière œuvre en parlant de film sur l’amour, sur le couple, sur la croyance, sur la foi, sur les contes de fées et leur « après », sur la mort et la peur de mourir, bref, sur plein de sujets et ça se sent dans un long-métrage qui est surtout « long » et finalement pas très « métrage ».
Le dernier film estampillé « Bacri/Jaoui » datait de 2008, c’était Parlez-moi de la Pluie. Depuis, pas grand-chose pour Jaoui jusqu’à Du Vent dans mes Mollets de Carine Tardieu en 2012 et un peu plus en revanche pour Bacri avec trois films dont Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer. Le tandem, presque une marque de fabrique, avait, semble t-il, besoin de revenir ensemble sur le devant de la scène. Peut-être attendait-il aussi l’inspiration. Après une séparation mouvementée mais qui les a laissé « bons amis », ils font un retour en 2013 avec Au Bout du Conte, un film prenant l’armature du conte pour enfants avec tous les rêves et les espoirs qu’il trimballe, pour mieux le brocarder vu depuis un point de vue adulte et mature, avec toutes bosses laissées par la vie et qui témoignent souvent de l’arnaque faite aux enfants à qui l’on vend éhontément de la magie qui s’effrite vite devant les réalités de l’existence et de ses coups de poignards. Ensemble, Bacri/Jaoui vont donc rédiger un script régi par les codes du conte qui vont constituer l’épine dorsale d’un film qui va également, indirectement, beaucoup emprunter à leur vie personnelle si l’on met en exergue leur récent « fait de couple » et les non-dits que la rumeur (et la presse qui va avec) a bien voulu répandre. Au Bout du Conte va donc se complaire à régulièrement citer des histoires ou s’en servir pour bâtir son canevas, faisant appel entre autre, au Petit Chaperon Rouge, à Blanche-Neige, à La Belle au Bois Dormant, à Cendrillon ou encore à Peau d’Ane (le bien, le mal, le rêve, le drame, la pomme, la forêt, le prince, la princesse, la tentation, la vieille sorcière, la douce innocente, l’amour contrarié, les alliés confidents aidants et ceux qui se mettent en travers du chemin des héros…). Pourquoi pas, dans l’idée, cela pourrait amener beaucoup de tendresse et un peu de magie à ce film choral où des personnages se croisent et s’entrecroisent alors que l’amour et ses illusions restent le sujet fil-rouge. Pourquoi pas en effet… Mais pour cela, il aurait peut-être fallu un peu de finesse pour mettre en abîme cet exercice de style narratif, ce dont manque cruellement une œuvre qui respire le cynisme par toutes les pores de sa pellicule.
Sauf qu’en parlant d’illusions vendues, il serait grand temps que Madame Jaoui et sieur Bacri regardent la réalité en face et cessent de toute urgence de se prendre pour un Woody Allen français. La prétention de leur tentative éventée ne trompe personne, bien au contraire, et laisse place à la colère de voir une fois de plus le cinéma français se regarder le nombril avec cette soi-disant fable moderne grinçante ouvrant les yeux sur le couple, sur l’amour et la réalité des choses, mais qui n’est en réalité qu’un produit de deux misanthropes aigris d’une lourdeur pachydermique. L’armature du conte ? Au Bout du Conte patauge dans l’emprunt et le clin d’œil appuyés avec une lourdeur stylistique indigeste évacuant toute finesse dans sa construction ni faite ni à faire et qui multiplie les angles de vue au point d’agacer un spectateur médusé par cette foire bordélique sans queue ni tête où même le personnage interprété par Jean-Pierre Bacri est d’une inutilité criante, bien qu’on serait presque tenté de pousser un ouf de soulagement à chacune de ses apparitions tant il est la seule caution un tant soit peu drôle (même s’il se borne à faire du Bacri forcé et caricatural, sans aucune once de naturel dans l’écriture de son rôle). Un Bacri qui n’est ceci dit, que le morceau d’iceberg qui dépasse de la surface de l’océan de personnages inutiles qui se noient sous l’eau. La mère tenancière du bar, la copine et le copain d’orchestre, la petite-amie de Bacri, le père riche, sa femme sorcière… Autant de personnages secondaires qui parasitent le film et le fil conducteur d’une pseudo-histoire d’amour digne d’un conte de fée (au départ) mais qui vient s’entrechoquer avec la réalité d’un monde dur personnifié par le « grand méchant » loup (alias Benjamin Biolay) cher au conte, qui viendra s’interposer entre le « gentil prince » et sa « belle princesse ». De l’esbroufe scénaristique cousue de fil blanc sans imagination de la part d’un duo à bout de souffle qui intègre donc à leur récit les éléments constitutifs du conte avec des moufles là où une fine plume gracieuse et délectable eut été souhaitée.
Au Bout du Conte est une purge, une terrible épreuve prétentieuse d’une longueur assommante, aussi mal jouée qu’elle n’est mal écrite et mal construite. On s’ennuie fermement devant ce capharnaüm de pacotille qui part dans tous les sens et énerve plus qu’il ne charme, quand il n’endort pas. La vacuité de cette métaphore sans grâce dénonçant la crédulité et l’absurdité de la croyance (en l’amour passionnel vendu par les contes mais aussi en des tas d’autres choses qui n’entretiennent aucun rapport avec la choucroute comme le personnage de Bacri obsédé par sa mort annoncée par une voyante voilà quarante ans) nous pousse rapidement dans nos retranchements les plus primaires avec cette envie de détester cette ignominie dès le passage du cap de sa première demi-heure pompeuse. Le cynisme second degré d’antan a laissé place à un vrai cynisme premier degré, le niveau auquel se situe le film, condamnant d’avance tout sentiment de jubilation et de légèreté alors que l’indélicatesse artistique prend le dessus sur tout le reste. Et dans tout ça, émerge dans l’énervement, la mise en scène d’une Jaoui toujours à contretemps quand elle ne met pas son énergie à nous sortir du placard de vieux effets « joliment rétro » puants d’inutilité pour soutenir des scènes qui le sont tout autant. L’effort d’un ton doux-amer dans un Paris filmé féériquement au service de ce conte moderne lucide réinjectant la vie et ses petits tracas dans l’univers du conte classique traditionnellement embelli par son final dogmatique refermant sa porte sur « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » sans discussion possible sur l’au-delà, ne prend pas, la faute à une forme de facilité paresseuse doublé d’un égarement dans l’inspiration fatal, ne soutenant aucunement la satire (jamais drolatique) mise en place. On aurait aimé se contenter de dire que le film n’a seulement que quelques longueurs mais le réel problème est qu’il est une longueur à lui-seul. Et Au Bout du Conte ? Bah, en toute honnêteté : l’ennui, l’inintérêt et la nullité.
Bande-annonce :
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