EN EAUX TRES TROUBLES de Ben Wheatley : la critique du film

Que Warner ait décidé de pondre une suite merdique au déjà pas terrible Meg, on peut comprendre. Le premier avait été un beau succès avec plus de 500 millions de dollars de recettes dans le monde. Que Jason Statham ait accepté de rempiler pour se bastonner à nouveau contre des super-requins, on peut comprendre aussi. Le chèque et l’envie d’affirmer encore sa badassitude ont sans doute résonné avec le fait que sa carrière patine un peu en dehors de la saga Fast & Furious. Que le public réponde présent, à la limite on peut piger aussi. Sur le papier, Meg 2 envoyait des gros signaux de fun grotesquement débile avec ses gros bras qui affrontent des créatures préhistoriques sur les océans. Parfait pour un blockbuster estival débrancheur de cerveau. Mais que Ben Wheatley ait plongé dans ces eaux troubles… pourquoi ?! Le père de l’excellent Kill List, mais aussi des sympathiques Touristes ou Free Fire, mérite quand même mieux que de commander ce genre de nanar thermonucléaire à la nullité en fusion. Cela dit, c’était un peu ce qu’on attendait de En Eaux Très Troubles, vivre un spectacle bisseux au grotesque si radicalement con qu’il en deviendrait terriblement amusant. Malheureusement, Statham et ses p’tits copains ont manqué leur cible et leur harpon a coulé à pic dans le grand large.

« Plus c’est con, plus c’est bon » dit le père Adage. « Ouais, ben pas toujours » rappelle mère Réalité. Le problème de En Eaux Très Troubles, c’est qu’il n’arrive jamais à faire ce qu’il souhaitait manifestement faire, à savoir rendre jouissive cette gigantesque connerie maritime croisant Jurassic Park et Les Dents de la Mer. Pourtant, tout est là. Un acteur au charisme iconique, des super-monstres, une intrigue neuneu, de l’humour et de l’action. Mais tous ces ingrédients sont mélangés dans le désordre le plus absolu en espérant que cela suffise pour créer la recette du succès. Et quand la mayonnaise ne monte pas, le repas est mal barré. Malgré ses efforts, En Eaux Très Troubles demeure trop plat, pas assez fun, pas assez spectaculaire, pas assez délirant. Incapable de créer du « culte nanardesque » truffé de plans magistralement crétins, Ben Wheatley tombe dans le panneau de la conduite routinière. Cette suite n’arrive jamais à cristalliser son postulat au débile XXL pour produire une excitation coupable. Peut-être parce qu’elle semble constamment le cul entre deux chaises, désireuse d’être peu sérieuse mais freinant sans cesse son abandon au second degré assumé. Trop souvent, le film donne l’impression de céder au syndrome Fast & Furious à savoir une superproduction schyzophrène qui essaie de ne pas se prendre au sérieux tout en se prenant trop au sérieux. Les injections d’humour sont ainsi balancées à mauvais escient, pas toujours là où elles auraient dû intervenir pour réellement décupler la dérision fendarde d’un objet qui, du coup, passe pour un film d’action lambda sans saveur ni ton propre. Comble de l’ironie, le résultat en est presque ennuyeux alors que le rythme et l’amusement aurait du être ses qualités premières.