Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Il Grande Racket
Père : Enzo Castellari
Date de naissance : 1976
Majorité : 05 mai 2015
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Artus Films)
Nationalité : Italie
Taille : 1h59 / Poids : NC
Genre : Polar
Livret de famille : Fabio Testi (Nico), Vincent Gardenia (Pepe), Renzo Palmer (Giulti), Orso Maria Guerrini (Rossetti), Glauco Onorato (Mazzarelli), Marcella Michelangeli (Marcy), Romano Puppo (Doringo), Antonio Marsina (Giuni), Salvatore Borghese (Velasci), Joshua Sinclair (Rudy), Anna Zinnemann (Anna) …
Signes particuliers : Dans la vague des néo-polars violents et de « revenge vigilante » à l’italienne, Big Racket fait figure de classique à piocher dans le haut du panier.
LE BIS AU SERVICE D’UN PORTRAIT TERRIFIANT DE L’ITALIE
LA CRITIQUE
Résumé : A Rome, une organisation mafieuse dirigée par Rudy le marseillais rackette les commerçants avec une violence inouïe. Chargé de l’enquête, l’inspecteur Nico Palmieri (Fabio Testi) manque de se faire tuer et fait un bref séjour à l’hôpital. Il décide alors de combattre cette bande criminelle par tous les moyens. Avec l’aide de citoyens, il forme une milice armée qui entreprend de nettoyer la ville par la violence. L’INTRO :
Toujours influencé par ce qui se faisait ailleurs et prêt à récupérer la moindre tendance qui se dessinait notamment du côté de la production américaine ou anglo-saxonne, le cinéma d’exploitation italien de la grande époque ne pouvait passer à côté de la vague de polars violents qui secouait le cinéma yankee du début des années 70 sous l’impulsion d’une nouvelle vague de jeunes cinéastes modernes. Dans la foulée de L’Inspecteur Harry ou de French Connection, la machine transalpine s’est rapidement mise en marche, au point de griller la priorité à la Grande-Bretagne. En 1972, un an avant que Michael Winner ne lance la saga des Un Justicier dans la Ville avec Charles Bronson, naissait le néo-polar (également appelé poliziottesco). Le genre prendra vite son envol avec une première vague de polars urbains notamment par Alberto de Martino ou Fernando Di Leo. Rapidement, les bases du genre sont jetées, avec une prédominance pour l’action et la violence radicale. Alors que des dizaines de bisseries seront produites les unes à la suite des autres avec le concours des Umberto Lenzi, Sergio Martino ou Sollima, l’illustre faiseur touche-à-tout Enzo G. Castellari entrera dans la danse en 1973 avec Le Témoin à Abattre, un must avec Franco Nero. Rois ans plus tard, il signera Big Racket, l’une des œuvres les plus emblématiques du genre. Une sorte de croisement entre le polar hard-boiled et le vigilante movie, porté par la belle gueule de Fabio Testi. Censuré à l’époque pour sa violence graphique et morale et victime de nombreuses coupes, le film ressort aujourd’hui sous la bannière des spécialistes du bis de chez Artus Films.
L’AVIS :
S’il était avant tout récupérateur d’une mouvance qui connaissait un fort succès populaire à l’époque, Big Racket (et le néo-polar italien en général) n’en est pas moins pour autant le résultat d’une production bisseuse née d’une logique implacable. Le film de Castellari profitait d’un contexte spécifique qui lui donnait presque des allures d’exutoire cinématographique, le cinéaste portant avec fracas à l’écran, un quotidien devenu banalement insoutenable. Violence, insécurité, pègre locale se livrant au racket et aux trafics en tout genre, crime organisé venu des quatre coins du monde, drogue, corruption policière, morale jetée en pâture aux cochons, justice entravée par l’inertie de la bureaucratie… Avec Big Racket, Castellari livre finalement plus qu’un simple polar « vigilantesque » violent. Il signe un film-témoin et cathartique, certes d’exploitation et cédant aux viles pulsions du registre, mais dont les fondations sont à piocher dans les maux qui scarifiaient la société italienne de son temps. Marqué par les nombreux faits divers sur la criminalité romaine et les commerçants dépouillés par des gangs organisés, le cinéaste aura su tirer une œuvre finalement plus ambitieuse qu’il n’y paraît au premier coup d’œil, brassant tout ce climat terrifiant dans un film-miroir à l’efficace sans faille.
Big Racket conjugue en réalité plusieurs branches, d’une part ce que le cinéma italien faisait frénétiquement à l’époque, mais en l’additionnant d’un côté aux œuvres politisées d’Elio Petri ou de Francesco Rossi, et de l’autre, au phénomène britannique du Justicier dans la Ville. Le résultat donne lieu à une œuvre nihiliste et implacable, à la fois enquête policière contrariée, film d’action musclé, exorcisation d’un climat politico-social, vigilante et revenge movie ultra-violent, marqué par un amoncellement de fusillades, de bagarres sèches, de meurtres ou de viols dérangeants. La solide générosité à la Castellari, en somme, mêlée à des intentions plus nobles et à une écriture brillante découpant le film en trois distincts symbolisant chacun le degré d’implication du héros face à ce qui le révolte. D’abord, l’enquête officielle, puis l’enquête officieuse, et enfin le basculement du côté de l’auto-justice. Si l’on pourra tiquer sur son discours sécuritaire qui manque clairement de finesse et de nuance, Big Racket bénéficie au moins du talent de son metteur en scène qui, comme à son habitude en faiseur honnête, témoigne de son sens du rythme pour porter ses œuvres au-dessus de la masse dominante souvent engluée dans la médiocrité opportuniste d’une production massive visant l’abondance et non la qualité. Big Racket n’est pas exempt de défauts, se cherchant parfois entre le trop excessif ou le pas assez assumé pour déjouer certaines critiques pas si loin de la vérité (il fut taxé d’idiotie abjecte et fascisante), mais il a le mérite de tenir en haleine, de dresser un portrait noir et glaçant de la néo-société italienne défigurée par la criminalité, et se permet quelques séquences d’un génie fou (l’impressionnante séquence filmée de l’intérieur où la voiture du héros dévale une pente, le lynchage public d’un jeune homme, l’agression des Rossetti, la fusillade finale) qui font vite oublier les quelques pointes de kitsch (les impacts de sang) le renvoyant à son grand âge, 40 ans déjà.
LE TEST & LES SUPPLÉMENTS
L’édition proposée par Artus Films est calquée sur le même moule que tous les précédents efforts de l’éditeur spécialisé dans le cinéma Bis. En somme, un vrai respect de l’œuvre proposée (d’où la version intégrale non-censurée) et un complément explicatif par la voix d’un intervenant pertinent. Pour Big Racket, c’est encore le dessinateur passionné par le cinéma d’exploitation italien Curd Ridel, qui se colle à l’exercice, faisant coup double avec le western Mort ou Vif… De Préférence Mort. Durant 35 minutes, il s’étend essentiellement sur le casting du film, retraçant la carrière des principaux comédiens. Ridel commence logiquement avec Fabio Testi, avec toujours cette érudition admirable et ce même sens de l’anecdote savoureuse. On apprend par exemple que l’acteur deviendra également par la suite, producteur de kiwi en Italie ?! Suivront le portrait de Salvatore Borghese, Vincent Gardenia, Renzo Palmer, Orso Maria Guerrini etc… 35 minutes encore une fois passionnantes.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux