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TATAMI de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv : la critique du film

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Nom : Tatami
Parents : Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv
Date de naissance : 04 septembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : Géorgie, USA
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Arienne Mandi, Zar Amir EbrahimiJaime Ray NewmanNadine Marshall

Signes particuliers : L’un des meilleurs films de l’année !

Synopsis : La judoka iranienne Leila et son entraîneuse Maryam se rendent au championnat du monde de judo avec l’intention de ramener la première médaille d’or de l’Iran. Au milieu de la compétition, elles reçoivent un ultimatum de la République islamique ordonnant à Leila de simuler une blessure et de perdre. Sa liberté et celle de sa famille étant en jeu, Leila est confrontée à un choix impossible : feindre une blessure et se plier au régime iranien, comme Maryam l’implore de le faire, ou les défier tous les deux et continuer à se battre pour remporter l’or.

IPPON !

NOTRE AVIS SUR TATAMI

Un drame américano-géorgien filmé en noir et blanc sur les coulisses d’une compétition de judo. Dis comme ça, il fallait dénicher en soi une sacrée motivation pour avoir envie de se diriger vers le sobrement nommé Tatami. Et pourtant, rangez tout préjugé sur les films d’auteurs ou politiques au placard, on tient là l’un des plus grands films de l’année ! Prois, juré, craché (et merde, le clavier…).

A l’heure où le conflit israélo-palestinien fait toutes les unes et s’invite dans tous les débats, à l’heure où la guerre en Ukraine n’en finit plus, à l’heure où les tensions entre les peuples sont exacerbées au maximum, à l’heure où la haine se répand comme une traînée de poudre et où les positions s’arqueboutent à dans des visions binaires et polarisées, un réalisateur israélien s’associe à une actrice iranienne pour promouvoir la paix. Sans faire de la morale facile, sans s’empêtrer dans un débat géopolitique à n’en plus finir. Il était une fois une histoire fictive (mais inspirée d’histoires réelles) où une judokate iranienne participe à des championnats du monde de judo, chaperonnée de près par la fédération iranienne. Elle y retrouve des consœurs judokates venues de Hongrie, de France, du Canada, du Japon… d’Israël. Une victoire, deux victoires, trois victoires et voilà que le tableau final se dégage vers une possible médaille. Sauf que sur son chemin, il peut potentiellement y avoir un combat contre son homologue israélienne, qu’elle apprécie et respecte au demeurant. Et ça, pour la République islamique d’Iran, c’est inenvisageable ni de près ni loin. Débute alors un jeu de pressions sous-entendues et d’ordres directs pour la faire abandonner afin d’éviter l’inacceptable, que soient brandis côte à côte les drapeaux des deux Nations « ennemies ».

Brillant. Tout simplement brillant. Corealisé par Guy Nattiv (le film Skin avec Jamie Bell sur les néo-nazis) et l’actrice Zar Amir Ebrahami (la star du polar Les Nuits de Mashhad), Tatami est un petit chef-d’œuvre dont l’intelligence s’infiltre partout, sur le fond comme sur la forme. Resserrant son action sur une seule et unique journée, le film navigue entre le tatami où se jouent les haletants combats de judo et les couloirs des lieux où se jouent des tractations politiques sourdes au regard de la situation sous tension extrême. Et tout cela de s’articuler avec une virtuosité sidérante, la forme follement palpitante répondant au propos d’une immense sagacité et vice versa.

Sur le tatami, Guy Nattiv et Zar Amir Ebrahami signent un grand film de sport, captant toute l’énergie et le suspense d’un combat sportif et des étapes séparant un athlète d’une médaille rêvée. Qu’on aime ou non le judo, le tandem injecte une puissance folle dans le parcours de cette judokate ultra-concentrée pour gagner. Les combats se vivent le souffle coupé par une réalisation au plus près des corps qui s’agrippent, qui travaillent, qui bougent, qui tentent de se déstabiliser, qui s’emportent, qui s’étourdissent, qui se mettent au tapis. Et Tatami d’entrer au panthéon des meilleurs films de sport qui soit grâce à une mise en scène au cordeau, hargneuse et très immersive.
Mais le plus passionnant est bien évidemment en dehors. Tatami est avant tout un geste politique fort, un film qui va se servir d’un fait divers sportif pour s’indigner, pour dénoncer, pour témoigner aux oreilles de l’humanité toute entière. De base, voir un artiste israélien s’associer à une artiste iranienne est en soi un geste déjà fort en ces temps de rivalité chaotique. Deux représentants de Nations politiquement ennemies jurées qui, main dans la main, s’expriment ensemble au cinéma, le geste témoigne d’un acte d’une grande puissance. Surtout pour, à l’écran, balayer cette haine fabriquée et instrumentalisée par des gouvernements, et non partagée par une grande partie des peuples. Dans ce petit microcosme sportif présenté, judokate iranienne et israélienne se croisent, se retrouvent, se respectent et échangent quelques nouvelles avec plaisir. Elles ne sont pas deux ennemies mais deux consœurs partageant la même passion, le même sport dépolitisé, et qui n’ont aucune raison de se haïr personnellement. Et plus généralement, d’y voir un propos plus global sur les peuples israéliens et iraniens qui sont « voisins » (ou presque) et qui n’ont aucune raison raison de se haïr si intensément. A travers cette violente critique du régime autocratico-dictatorial iranien qui ne recule devant aucun moyen pour faire plier ses citoyens à ses règles et désirs, Tatami est un appel. Un appel à la fraternité, un appel à l’arrêt des actions dictatoriales d’un régime autoritaire, un appel à la liberté, un appel à la résistance à l’image de celle de cette judokate qui refuse de se plier aux diktats et aux commandements aberrants de ses dirigeants. Sauf que comme tout grand acte de résistance, les conséquences peuvent être terribles et la pression imposée sur les épaules de Leila va devenir insoutenable, transformant Tatami d’un film de sport vers un thriller politique sous tension exacerbée.

Prenant, bouleversant, révoltant, Tatami est un coup de maître, un film important dans le contexte actuel, qui a l’intelligence d’allier son discours à un récit d’une extrême efficacité. On ne parlera pas décemment de « spectacle » mais l’une des principales forces du film est de parvenir à tenir de main de maître un propos majeur articulé à une histoire intense et palpitante qui s’agite sous double tension (celle du tatami et celle des coulisses). Et pour couronner le tout, ou sublimer cette association d’intelligence, Guy Nattiv et Zar Amir Ebrahami déploient une mise en scène dont la virtuosité n’a d’égale que le génie. On n’y compte plus les scènes impressionnantes propulsées par une réalisation prodigieuse, millimétrée, inspirée dans le regard, les cadrages, le montage nerveux, la gestion du son, des jeux de lumières avec ce magnifique noir et blanc aux contrastes puissants. De même qu’on n’y compte plus les instants de grâce ou les mécanismes narratifs ingénieusement pensés.

Incarné avec rage et conviction par une bouleversante Arienne Mandi dont la performance sidérante n’est pas étrangère à la réussite du film (tout comme celle époumonée de Zar Amir Ebrahami qui incarne son entraîneuse), Tatami n’est pas qu’un coup de coeur personnel, c’est indéniablement un très grand film au courage XXL, qui a l’intelligence d’éviter tous les clichés et toutes les facilités d’écriture, pour foncer droit et avec une force tranchante en direction de ses objectifs. La résistance individuelle face à l’autoritarisme oppressant est l’un des enjeux majeurs de ce long-métrage combattif pourvoyeur d’un message de paix et d’appel au courage contre les privations de liberté. Passionnant sur la fond, somptueux et tendu comme un grand thriller sur la forme, Tatami expédie le spectateur au tapis d’un O-soto-gari létal. Quelle claque !

 

Par Nicolas Rieux

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