Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Journal d’une femme de chambre
Père : Benoît Jacquot
Date de naissance : 2015
Majorité : 1er avril 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France, Belgique
Taille : 1h35 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Léa Seydoux (Célestine), Vincent Lindon (Joseph), Clotilde Mollet (Madame Lanlaire), Hervé Pierre (Mr Lanlaire), Mélodie Valemberg (Marianne), Patrick d’Assumçao (le capitaine), Vincent Lacoste (George)…
Signes particuliers : Benoît Jacquot adapte Mirbeau et offre un nouveau rôle de femme passionnante à la talentueuse Léa Seydoux, dans un film historique…
JOURNAL (ENNUYEUX) D’UNE FEMME DE CHAMBRE
LA CRITIQUE
Résumé : Début du XXème siècle, en province. Très courtisée pour sa beauté, Célestine est une jeune femme de chambre nouvellement arrivée de Paris au service de la famille Lanlaire. Repoussant les avances de Monsieur, Célestine doit également faire face à la très stricte Madame Lanlaire qui régit la maison d’une main de fer. Elle y fait la rencontre de Joseph, l’énigmatique jardinier de la propriété, pour lequel elle éprouve une véritable fascination. L’INTRO :
Une œuvre littéraire marquante, le registre du film d’époque, une histoire de domestique, une héroïne contrastée et cinématographiquement forte, Léa Seydoux au centre de l’image… Avec Journal d’une Femme de Chambre, 22eme long-métrage du cinéaste Benoît Jacquot, c’est un parfum des Adieux à la Reine qui planait dans l’air. Trois ans après sa somptueuse œuvre historique, le metteur en scène français retrouve sa nouvelle muse (ainsi que Vincent Lindon, qu’il dirige pour la quatrième fois) et adapte un roman de Octave Mirbeau, déjà porté à l’écran par le passé, entre autres par Jean Renoir (en 1946 via une adaptation américain très infidèle) ou Luis Buñuel (en 1964). Journal d’une Femme de Chambre avait tout pour plaire au réalisateur, que ce soit par son ancrage entre historicité et modernité, les thématiques en présence, l’univers et les personnages qui l’animent, ou les possibilités offertes par l’histoire dans le langage cinématographique…L’AVIS :
Comme à son habitude, Benoît Jacquot s’est emparé d’une histoire en costumes pour la retravailler avec son style identifiable, en appelant autant à Bresson qu’à Dreyer ou Buñuel (voire au Renoir de La Bête Humaine), et naviguant entre classicisme et contemporanéité à la force d’une modernité de fond acérée. Le but était de formuler un drame à la violence contenue et filtrant seulement en filigrane, entre les lignes d’une œuvre sous tension sourde, véritable fable sociale à poigne, proposant une illustration subtilement dure et cruelle, de la servitude, de la lutte des classes, de la discrimination sexuelle, des rapports de pouvoir de dominants à dominés, avec en prime, un arrière-plan résonnant d’actualité sur l’antisémitisme. Voulu âpre, brûlante, tout en désir, en frustration et en affrontement, la nouvelle composition formelle, narrative et thématique du cinéaste, était au moins aussi ambitieuse, qu’elle n’affiche quelques fulgurances vibrantes alors qu’elle se charge d’un érotisme sous-jacent, d’un esprit de manipulation pervers opérant à tous les niveaux, et d’une étrange forme de violence discrète et émotionnelle.Pourtant, malgré la noblesse de ses intentions, Journal d’une Femme de Chambre est un échec artistique doublé d’une œuvre sacrément ennuyeuse au-delà de ce qu’elle s’efforce de raconter dans le fond. De la construction fragmentée du récit qui ôte au film une bonne partie de sa densité glaçante, aux dérives expérimentalistes (pour ne pas dire nombrilistes) qui n’ont raison d’être, en passant par une photographie engluée dans une luminosité agaçante et un jeu des comédiens proprement insupportable de cabotinage théâtral (rarement Léa Seydoux aura été si scolaire et de fait dissonante, dans un rôle pourtant à la portée de son talent), Journal d’une Femme de Chambre semble être le film où Benoît Jacquot perd sa maîtrise sur son sujet, ne parvenant pas à nous attacher à son récit, conduit sans rythme, avec une monotonie littéraire qui manque de prise de risque impétueuse et qui surtout, est bien incapable de raconter quelque-chose de fort sur la forme, afin d’y rattacher son discours de fond. On traverse cette œuvre figée, sans âme et étrangement fade de premier abord, plus qu’on ne la vit, et jamais s’y opère une quelconque cristallisation vibrante venant nous tirer de notre sommeil léthargique. Et si l’on veut bien percevoir ce qu’elle peut avoir d’attrayant en substance, ses défauts paraissent bien insurmontables pour qu’on puisse l’apprécier à sa juste valeur. Benoît Jacquot évoque « un assemblage de petites histoires qui ont chacune leur morale. » Certes, mais c’est peut-être ce qui empêche ce Journal d’une Femme de Chambre de former un tout cohérent et passionné, où l’on serait happé par le tourbillon de on drame élégiaque.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux