Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Im Labyrinth des Schweigens
Père : Guilio Ricciarelli
Date de naissance : 2014
Majorité : 03 novembre 2015
Type : Sortie vidéo
(Éditeur : Blaq Out)
Nationalité : Allemagne
Taille : 2h03 / Poids : NC
Genre : Historique
Livret de famille : Alexander Fehling (Radmann), André Szymanski (Gnielka), Friederike Becht (Marlene), Hansi Jochmann (Erika), Johann von Bülow (Otto), Robert Hunger-Bühler (Friedberg), Gert Voss (Fritz Bauer)…
Signes particuliers : Une fresque historique passionnante relatant l’un des plus importants procès d’après-guerre en Allemagne.
UNE PAGE MAJEURE DE L’HISTOIRE DE L’ALLEMAGNE
LA CRITIQUE
Résumé : Allemagne 1958 : un jeune procureur découvre des pièces essentielles permettant l’ouverture d’un procès contre d’anciens SS ayant servi à Auschwitz. Mais il doit faire face à de nombreuses hostilités dans cette Allemagne d’après-guerre. Déterminé, il fera tout pour que les allemands ne fuient pas leur passé.L’INTRO :
Réalité, réalisme, véracité, authenticité… Des termes qui ont été brandis comme les intentions premières de toutes les strates du projet qu’était Le Labyrinthe du Silence. Souci de véracité historique dans l’écriture du scénario, qui s’inspire du combat de trois procureurs allemands réunis en seul personnage au centre du film de Guilio Ricciarelli. Souci d’authenticité dans le jeu des comédiens, alors que l’un des trois procureurs de l’époque (Gerhard Wiese) était présent en permanence sur le plateau pour conseiller l’acteur Alexander Fehling. Souci de réalisme alors que tout le processus d’écriture a été supervisé par l’historien Werner Renz, alors que phrases exactes prononcées à l’époque ont été reprises mot pour mot… Le Labyrinthe du Silence retrace une période trouble de l’Allemagne d’après-guerre, lorsque dans les années 60, s’organisa l’heure de la mise en route du travail de justice au nom de la mémoire des victimes de la barbarie nazie. Passé 39-45, les années d’horreur suprême, le peuple allemand n’a pas tardé à poser une chape de plomb sur les évènements honteux qui ont terni à jamais l’image du pays. Mais comme tout le monde le sait, le silence d’or n’est qu’une forme de refoulement et tôt ou tard, l’heure de l’exorcisation des traumas et du réveil des fantômes ignorés sonnera. C’est ce qui arrivera dans les années 60, lorsque la nouvelle génération allemande s’interrogera sur les actes de leurs aïeux. Et en 1963, le plus grand procès de l’histoire de la RFA éclatera avec le passage en jugement de criminels nazis traînés en justice par leur propre pays au nom de l’humanité.L’AVIS :
Difficile de trouver plus passionnant sur la question que ce grand film signé Guilio Ricciarelli. Le cinéaste n’avait jusqu’alors tourné que des courts-métrages. Pour un premier long, il s’attaque à un travail aussi titanesque que courageux, un drame historique sur un sujet lourd et encore difficile, plus de 75 ans après les faits. L’intelligence remarquée et remarquable de ce Labyrinthe du Silence, est de parvenir à se saisir de son histoire et de son sujet, avec une richesse substantielle dans les nombreux angles par lesquels il l’approche. Et c’est à n’en pas douter, ce qui fait la différence d’avec quantité de films à la narration plus « classique ». Ricciarelli ne se contente pas de dérouler de façon scolaire, le fil de son récit et le combat d’un procureur contre l’injustice de ses pairs. Le cinéaste va plus loin, il rend compte, étudie, décrypte, interroge (et s’interroge). Il ne se contente pas de rendre un beau devoir d’histoire, il essaie de le questionner. Comment juger les actes de son propre peuple ? Comment conjuguer devoir de justice et réveil des traumas d’un pays pas encore remis de ce qui a été commis ? Comment faire le nécessaire sans entraver la marche en avant d’une nation en quête de reconstruction ? Comment ne pas oublier sans toutefois accabler ? Comment discerner le condamnable dans la situation impossible de l’époque ? Mais surtout, Ricciarelli va jusqu’à se demander, qui est coupable ? Untel, untel, untel… Lui était impliqué, lui savait et n’a rien fait. Et que faire de lui, ce spectateur silencieux des atrocités ? Et c’est finalement là que Le Labyrinthe du Silence trouve sa plus noble portée. Le combat juste de ce procureur qui finit par se heurter à l’évidence du tous coupable et de l’impossibilité de traîner en justice la totalité du peuple allemand pour leur implication directe ou indirecte. Où s’arrête donc la véritable culpabilité condamnable et où commence la seule honte de n’avoir été qu’un spectateur impuissant d’une page tragique de l’histoire ?
Solidement documenté, construit avec pertinence, façonné avec conviction, brillamment reconstitué, et mis en scène avec habileté à la force d’un classicisme alliant élégance et discrétion, Le Labyrinthe du Silence est une véritable réussite qui, aujourd’hui, s’exprime contre l’oubli. A la fois prenant comme un thriller, tétanisant comme le drame historique qu’il est, et révoltant pour nombre de ces facettes, le film de Guilio Ricciarelli s’en sort surtout par son refus du pathos appuyé facile dès que l’on aborde la question de la Shoah, préférant se diriger vers d’autres voies moins explorées jusqu’ici. Le visage terrifiant des évènements s’exprime par quelques récits de rescapés d’Auschwitz traités avec pudeur, émaillant surtout ce portrait du scandale que fut la tentative de rejet d’une époque, rejet qui risquait de conduire à l’oubli. Car en effet, il est presque incroyable d’apprendre que la jeunesse d’après-guerre n’était quasiment pas au courant des atrocités commises par leurs ancêtres, tant le puissant silence imposé par leurs pères, s’était appliqué à tenter d’étouffer l’histoire pourtant récente pour cacher la honte nationale. Captivant de bout en bout, en plus d’être une leçon d’histoire et un acte interrogateur pertinent, Le Labyrinthe du Silence est un film édifiant, mettant en lumière à quel point une nation toute entière a voulu fermer les yeux avant que les démons ne remontent à la surface, pour le bien de son avenir, de la justice, et des victimes de la barbarie humaine.
L’ÉDITION BLU-RAY
Après la « fiction », place à l’histoire pure. C’est ce que propose la deuxième galette renfermant les suppléments qui accompagnent le film de Guilio Ricciarelli. Ils sont quantitatifs mais surtout qualitatifs, et se divisent en deux catégories. La première, celle autour du film avec un entretien d’environ 13 minutes avec le cinéaste, qui revient sur son œuvre et ce dont elle témoigne. Ensuite, puisque l’on parle de « témoignage », ce premier interview est suivi de près par un second extrêmement précieux (18 min.), une rencontre avec Gerhard Wiese, ancien procureur de Frankfort impliqué dans le vaste procès qui s’est tenu en 1963 aux côté de Fritz Bauer, dont le Le Labyrinthe du Silence relate l’histoire. Gerhard Wiese partage ainsi son vécu de ce tournant dans l’histoire allemande. La seconde partie de ces suppléments, se tournera davantage vers l’histoire avec un grand « H » grâce à deux documentaires tristement passionnants. D’abord, Le Procès d’Auschwitz (45 min.) qui relate à la force de nombreuses archives saisissantes, l’histoire de cet acte de justice majeur pour l’humanité. Suit un deuxième documentaire de près de 27 minutes, extrait de la célèbre émission de 5 Colonnes à la Une du 08/05/1964, soit contemporaine du procès qui se jouait alors outre-Rhin. « Les Bourreaux et les Victimes » montre non sans horreur, à quel point les responsables d’Auschwitz ont pu faire preuve de culot, déniant leurs actes, déniant avoir été au courant, alors qu’ils étaient en première ligne et que les preuves étaient accablantes. Finalement, des suppléments au moins aussi intéressants que le film lui-même.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux