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AU COEUR DE L’OCÉAN de Ron Howard : la critique du film

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au_coeur_de_l_oceanMondo-mètre
note 6 -10
Carte d’identité :
Nom : In the Heart of the Sea
Père : Ron Howard
Date de naissance : 2015
Majorité : 09 décembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h02 / Poids : 40 M$
Genre : Drame, Aventure

Livret de famille : Chris Hemsworth (Owen Chase), Benjamin Walker (Pollard), Cillian Murphy (Joy), Brendan Gleeson (Thomas âgé), Ben Whishaw (Herman Melville), Tom Holland (Thomas jeune), Frank Dillane (Coffin)…

Signes particuliers : Ron Howard plonge au cœur et dans les origines du mythe Moby Dick.

RON HOWARD, CET HONNÊTE MINI-SPIELBERG

LA CRITIQUE

Résumé : Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l’embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…au-coeur-de-l-oceanL’INTRO :

Quelle semble loin aujourd’hui cette époque où Ron Howard était ce sympathique rouquin de la série Happy Days. Le « Richie » des années 70 qui trouvait que Fonzy était si cool, s’est depuis transformé en bon cinéaste à la filmographie aussi conséquente qu’éclectique. Au travers d’une œuvre de plus d’une vingtaine de longs-métrages, Ron Howard s’est bâti une solide réputation d’honnête faiseur, capable même d’excellence dans ses meilleurs exercices. Surtout, il a su s’imposer comme un beau conteur d’histoire, rappelant lointainement (sur certains aspects), un certain Steven Spielberg, dans le sillage duquel il s’inscrit par intermittence, sans en avoir l’immensité du talent mais essayant sans cesse, avec cœur, conviction et parfois réussite. De Splash à Un Homme d’exception, de Willow à Apollo 13 en passant par Backdraft ou Cocoon, Ron Howard est un cinéaste que l’on se plaît à suivre, entre ses gros succès tel que Da Vinci Code ou ses efforts plus mineurs mais hautement passionnants comme Frost/Nixon. Aujourd’hui, Ron Howard plonge au cœur du mythe Moby Dick, racontant non pas le livre culte d’Herman Melville, mais une histoire autour de lui.IN THE HEART OF THE SEAL’AVIS :

« Mon livre sera une fiction seulement inspirée des faits réels. Je n’aurai pas besoin de raconter toutes les parties de l’histoire. » Voilà en somme ce que déclare Herman Melville (Ben Whishaw) à son interlocuteur (Brendan Glesson), qui vient de lui narrer la véritable histoire cachée du naufrage du baleinier L’Essex, au terme de Au Cœur de L’Océan, de sorte à ce qu’il puisse écrire son Moby Dick. Par cette petite phrase anodine, Ron Howard résume toute l’essence de son nouveau long-métrage, et quelque-part même, du cinéma en général. Au Cœur de L’Océan ne sera pas l’illustration ultra-fidèle d’un récit religieusement authentique, mais un grand divertissement inspiré de certains éléments de vérité. Ces éléments, ce sont l’histoire derrière le célèbre roman de l’auteur ou encore la véritable tragédie du naufrage du baleinier en question, coulé par un grand cachalot au large des côtes sud-américaines en 1820. Ron Howard réinterprète Moby Dick, remonte aux sources, manipule un peu la réalité, et signe avant tout, un film d’aventure en mer pas loin de l’épopée mettant aux prises un groupe de marins rompus et la nature dans tout son gigantisme à la fois fascinant et terrifiant.IN THE HEART OF THE SEA

Une fois n’est pas coutume, Ron Howard montre son amour des beaux récits sur fond de courage, trouvant leur plus parfaite incarnation sur grand écran. Au Cœur de L’Océan nous emporte, comme ses marins, sur son majestueux galion de bois armé pour la pêche au gros, avec cet objectif généreux, de nous faire vibrer devant le spectacle d’un affrontement titanesque entre de « petits hommes » face à l’échelle de l’immensité des mers et une créature incroyablement géante et destructrice. Une bataille déséquilibrée au cœur d’un environnement hostile, que Ron Howard va s’appliquer à rendre avec son sens aiguisé du suspense et de l’intensité, alors que le film se charge d’éléments dramatiques nouant davantage les enjeux en présence, avec les luttes intestines à bord du navire, les doutes, les peurs, l’isolement. Quelque part entre Orca, Les Dents de la Mer, Les Révoltés du Bounty, Master & Commander et L’Odyssée de Pi, Au Cœur de L’Océan prend ses distances d’avec Moby Dick, sans doute car Howard ne voyait pas l’intérêt de repasser derrière le chef-d’œuvre de John Huston avec Gregory Peck, daté de 1956. On attendait une lutte en mer acharnée déversant un lot d’action notable, on se retrouve à l’arrivée avec un thriller d’aventure, un drame catastrophe, un survival, le tout doublé d’un remarquable portrait décrivant avec précision les techniques d’époque de pêche au gros en haute-mer. A ce titre, la précision du détail et du langage marin est telle, que l’on aurait presque l’impression de voir entre les lignes, du Jules Verne mis en image. Un régal !au-coeur-de-l-ocean_3

Immersif, parfois virtuose, formidablement prenant et visuellement très maîtrisé (en partie grâce à ce sens de la mise en scène et du montage véloce cher à Howard et déjà entrevu dans son précèdent Rush), Au Cœur de L’Océan nous embarque sans peine dans sa folle histoire, tient en haleine et captive, jusqu’à son moment de bravoure ultime, ce combat épique redouté avec le « monstro », ce Moby Dick tout en proportions démesurées. On en est alors aux deux tiers du film et le spectacle est largement à la hauteur des attentes. Mais c’est là aussi, que survient l’un des problèmes du film de Ron Howard, qui l’amène au final à descendre d’un cran sur le piédestal où l’on était en train de le porter. Passé ce premier climax choc, puis un second guère après, le dernier tiers du film verse davantage dans le survival en mer. Et malheureusement, le cinéaste brille moins dans cette nouvelle direction, plus convenue, moins stupéfiante, narrant un arc dramatique que l’on a déjà moult fois ces derniers temps, souvent en mieux (All is Lost, L’odyssée de Pi, Kon-Tiki, Invincible). Au Cœur de L’Océan passe du très bon au moins palpitant, et s’essouffle un peu en cherchant à tenir le spectateur avec de nouveaux enjeux alors que le meilleur est derrière lui. De fait, le dernier tiers se traînera un peu en longueur et ternit un peu une entreprise qui jusque-là, nous avait sacrément régalé.au-coeur-de-l-ocean_2

Malgré quelques limites budgétaires visibles notamment au niveau des effets spéciaux, malgré des interprétations pas toujours à la hauteur (on a connu Chris Hemsworth plus inspiré) ou un scénario souffrant d’un déséquilibre dans son arc général -clairement meilleur dans sa première moitié- Au Cœur de L’Océan reste néanmoins un solide divertissement, capable de convoquer une certaine puissance quand il s’illustre en beauté, capable d’apporter de la magie à ses images et de l’angoisse à ses situations les plus tendues, capable d’émouvoir aussi, notamment au détour des échanges intimistes entre les personnages de Ben Whishaw et Brendan Gleeson (formidable au passage) ponctuant le récit. Et à la baguette, Ron Howard prouve encore une fois ses aptitudes de créateur de spectacle fantastique, supporté par une superbe bande-originale, par une photo soignée (quoique parfois un brin sur-éclairée aux yeux de ceux qui le découvriront en 2D, chose explicable sans doute pour les besoins de la 3D) ou encore par une belle maîtrise de la reconstitution de son univers. A défaut d’être grandiose, du bel ouvrage, certes perfectible, mais globalement plaisant et par moments époustouflant, auquel on regrettera peut-être l’absence d’un beau scope magnifiant l’immensité de son panorama pendant une bonne majorité du métrage, même si choix servira finalement l’illustration de l’étroitesse étouffante du cadre davantage exigu, au cœur de son troisième acte plus statique.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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