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SUBURRA de Stefano Sollima : la critique du film

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suburraMondo-mètre
note 8 -10
Carte d’identité :
Nom : Suburra
Père : Stefano Sollima
Date de naissance : 2015
Majorité : 09 décembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 2h15 / Poids : 7 M€
Genre : Drame, Polar

Livret de famille : Pierfrancesco Favino (Malgradi), Elio Germano (Sebastiano), Claudio Amendola (le samouraï), Alessandro Borghi (Numéro 8), Greta Scarano (Viola), Giulia Gorietti (Sabrina), Jean-Hugues Anglade (Cardinal Berchet), Adamo Dionisi (Manfredi), Giacomo Ferrara (Spadino)…

Signes particuliers : Stefano Sollima s’intéresse une nouvelle fois à la pègre et à ses liens après la série Gomorra mais change de cadre et s’immerge dans les dessous de Rome. L’un des films de ce mois de décembre !

LES LIENS DU SANG

LA CRITIQUE

Résumé : La Suburra, quartier malfamé de Rome, est le théâtre d’un ambitieux projet immobilier. L’État, le Vatican et la Mafia sont impliqués. En sept jours, la mécanique va s’enrayer : la Suburra va sombrer, et renaître.dsc_6757L’INTRO :

Un peu plus de trois ans après son premier long-métrage (l’excellent et frontal All Cops Are Basterds), le metteur en scène transalpin Stefano Sollima, fils du grand Sergio, est de retour avec sa seconde réalisation, le film de mafia Suburra. Adapté d’un roman coécrit à quatre mains par Giancarlo de Cataldo et Carlo Borini, deux auteurs qu’il connaît bien pour avoir travaillé avec le premier sur la série Romanzo Criminale et avec le second sur son premier film tiré de son livre éponyme, Suburra s’inscrit dans la continuité des sujets déjà développés par Sollima, tout confirmant que l’on tient là, un grand artisan du paysage cinématographique italien actuel.suburra_4L’AVIS :

Le cinéma de Sergio Sollima est un cinéma qui aime à mettre les mains et brasser la « merde » de l’Italie. Après la violence des unités d’intervention policières corrompues souvent pointées du doigt outre-Alpes, Sollima reste sur ce terrain de la corruption gangrénante qui a tissé sa toile dans le pays, en s’infiltrant dans toutes les strates du pouvoir. Politiciens véreux, mafia ultra-violente terrorisant les faibles et ayant la mainmise sur tout, petits minables évoluant non loin de ces deux mondes, les réseaux de prostitution de luxe, Vatican loin d’être un saint… Sollima associe tout ce « sale monde » dans un polar dramatique noir et désespéré, à la construction brillante. Toutes les couches de l’Italie sont régies par la manipulation, les malversations, la violence des manœuvres et la trahison, et Sollima le montre avec un sombre panache dans ce portrait anti-carte postale terrifiant et agité, sillonnant les dessous décadents d’une Rome loin de se résumer à sa beauté de l’apparence, mais au contraire tout proche d’un précipice instable.suburra_3Pendant longtemps, Suburra fonctionne au mystère. Sollima ne dévoile pas toutes ses cartes dès le début, déploie une multiplicité d’intrigues tortueuses, dont on a du mal à cerner la portée globale, d’autant qu’elles font coexister plusieurs univers radicalement différents, des coulisses du pouvoir en place au luxe du Vatican en passant par les banlieues mal famées ou les abords de la Promenade d’Ostie. De même, Suburra s’attache à plusieurs personnages évoluant dans des mondes censés être non-connectés en apparence, les politiciens du Parlement, les différentes branches de la mafia, le clergé, les prostituées, le gérant d’un villa hype… Le cinéaste suit plusieurs histoires éparses, que l’on sent pourtant évoluer pas loin les unes des autres. Puis l’intelligente de la mécanique, associée à un scénario malin, fera le reste en liant tout cela dans une peinture aussi magistrale qu’effrayante. Comme si Nicolas Winding Refn rencontrait Coppola ou le Sorrentino de Il Divo, Suburra nage dans les eaux boueuses de l’occulte, s’immisce derrière le miroir, et montre un visage de l’Italie pas beau à voir, médiocre et glaçant d’horreur et de violence, où personne ne semble propre sur lui.suburra_2Fascinant, parfois même envoûtant, Suburra est le récit nihiliste de quelques jours qui vont tout changer pour une poignée de personnages abandonnés à une descente aux enfers tragique, où la boue va jaillir en giclant en même temps que le sang. Et en grand esthète, Sollima illustre sa traînée de poudre féroce à travers une maîtrise formelle ahurissante. Soin apporté à la photographie et aux couleurs, cadrages millimétrés, subtilité de la mise en scène, mouvements de caméra intelligents, superbe bande originale renforçant le pouvoir de tension permanent, acteurs formidables (à commencer par Pierfrancesco Favino), Suburra sidère par sa splendeur de chaque instant, en plus de captiver par son dédale plongeant dans les dessous menaçants d’une Rome dans laquelle on ne peut plus croire en rien, ce qu’illustre cette micro-histoire métaphorique évoquant un Pape au bord de la renonciation, comme si même le plus absolu des symboles de stabilité, était en passe de s’effondrer.suburra_5Suburra, c’est l’histoire d’une apocalypse imminente, c’est la violence qui appelle la violence, ce sont des personnages qui vont récolter le produit de leurs agissements malveillants, et c’est surtout une société italienne décadente et coupable aux méandres sordides entre ambition, malhonnêteté et lâcheté. Tout en évoluant dans les codes du film de mafia, Sollima signe un grand film loin des clichés du genre, et Suburra s’impose comme une charge envers une Italie du pouvoir répugnante.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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