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OPPENHEIMER de Christopher Nolan : la critique du film

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Spectateurs

 

Nom : Oppenheimer
Pères : Christopher Nolan
Date de naissance : 2023
Majorité : 19 juillet 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 3h01 / Poids : 100 M$
Genre : Biopic, Drame, Guerre

Livret de Famille : Cillian MurphyEmily BluntMatt Damon, Florence Pugh, Robert Downey Jr, Rami Malek, Gary Oldman, Jason Clarke, Josh Hartnett, Casey Affleck, Kenneth Branagh, Matthew Modine…

Signes particuliers : Long, beau, passionnant, assommant.

Synopsis : L’univers palpitant de l‘homme complexe qui a mis en jeu la vie du monde entier pour mieux le sauver.

 

UN BIOPIC 100% NOLAN

NOTRE AVIS SUR OPPENHEIMER

Parce qu’il a une communauté de fans copieuse, un style impactant, des ambitions très affirmées et un talent certain, chaque nouveau long-métrage de Christopher Nolan est très attendu, parfois comme le Messi comme quand en 2020 il devait « sauver le cinéma covidé » avec son Tenet. Justement, trois ans après la réussite en demi-teinte de son thriller high tech, le paternel d’Interstellar est de retour avec un nouveau « blockbuster cérébral », le biopic Oppenheimer. Basé sur la vie du père de la bombe atomique, Oppenheimer est un très long-métrage profondément « nolanien » au casting XXL tant il regorge de nombreux noms cachés derrière la distribution principale elle-même composée de Cillian Murphy, Matt Damon, Robert Downey Jr et Emily Blunt. Excusez du peu.
Du pur Nolan disait-il. On se doutait bien qu’avec son style personnel, sa capacité à déconstruire les schémas narratifs classiques et son amour des expériences immersives, Nolan ne ferait pas d’Oppenheimer une biographie linéaire à l’hollywoodienne. Bingo, c’était trop facile. Le cinéaste confectionne son film à la manière de ses travaux précédents, comme une cathédrale vertigineuse et conceptuelle. Une édifice dédaleux visant à mettre tous les sens en éveil pour non pas nous « montrer » l’histoire mais pour nous la « faire vivre ». Et ressentir. On avouera que de ce côté là, Nolan réussit son coup. Oppenheimer est déstabilisant, immersif, viscéral. Toujours habité par ses énormes ambitions cinématographiques, Christopher Nolan ne livre pas un simple produit spectatoriel mais une véritable expérience engageant le spectateur, réclamant son attention de chaque instant, convoquant son implication totale quitte à l’essorer au bout de trois heures. L’effet se joue sur plusieurs niveaux, la narration et le montage notamment, complexes, orchestrés comme un puzzle éclaté dont les pièces vont s’emboîter sur le long cours. Le son aussi, extrêmement fort et vibrant, de la musique puissante et omniprésente signée Ludwig Göransson aux effets sonores très marqués jouant avec les sens. Très incarné, Oppenheimer est une longue odyssée parfois mal-aimable qui se positionne dans l’inconfort pour mieux faire travailler le spectateur en l’obligeant à s’engager pleinement dans l’œuvre pour la suivre, la vivre et la comprendre. Comme on le dit souvent avec Nolan, du pur blockbuster d’auteur loin des canons traditionnels, mais en revanche très proche voire moulé dans les canons de son cinéma habituel.
Durée XXL (plus de 3 heures), densité extrême, musique lourde et incessante, expérimentations formelles (plans abstraits, alternance couleurs et noir & blanc, ruptures sonores), écriture complexe avec toujours en point d’orgue ces fins où toutes pièces du puzzle s’emboîtent pour dévoiler l’idée générale, volonté de couper le spectateur de l’extérieur et d’hypnotiser son attention, mise en scène millimétrée, Oppenheimer coche toutes les cases du néo-cinéma de Nolan. Avec cette volonté de formuler du spectacle qui se veut intelligent, supérieur, articulant fond et forme dans un exercice se voulant différent. Le fond ici, c’est une critique acide d’une Amérique omnipotente qui crée et détruit ses propres héros, couplée à une démonstration historique expliquant que la Guerre Froide trouve ses origines dès la Deuxième Guerre Mondiale. Le problème, c’est que toutes les qualités que l’on pourra trouver à Oppenheimer peuvent aussi servir de matière pour en formuler les défauts. Comme d’habitude, Nolan est clivant. Génie ou arnaque ? La question se décline. Comme d’autres avant lui, Oppenheimer est-il intelligent ou se croit-il intelligent ? Est-il vraiment virtuose ou de l’esbroufe ? Claque formelle ou démonstration assommante ?

Nolan est un l’amoureux des récits qui se retournent sur eux-mêmes. Il est aussi un cinéaste dont les principales caractéristiques stylistiques peuvent se retourner contre lui.

– La durée. L’histoire d’Oppenheimer s’étale sur plusieurs décennies. Plusieurs décennies, c’est aussi la durée ressentie devant le film. Mastodonte interminable, l’effet de pesanteur est d’autant plus fort au regard du volumineux contenu inséré au burin au chausse-pieds.

– La densité. Oppenheimer a un effet « foie gras ». Le spectateur est comme une oie le bec ouvert, et que l’on gave en continu pendant 3 heures sans se soucier de si son estomac peut encore en accepter. Nolan revendique cet état de fait, le spectateur étant censé savoir dans quoi il s’engage. Soit. Reste que le flux d’informations balancées sur 180 minutes témoigne d’un réel problème d’écriture. Le cinéaste veut tellement soumettre le spectateur à ses expériences totales qu’il ne canalise rien et certainement pas la fluidité de son récit, trop occupé à asséner, à surcharger, à superposer.  Et Oppenheimer est trop tout, trop long, trop dense, trop frénétique…

– L’écriture. Si le film impose une telle densité lourde, c’est en grosse partie car Nolan a choisi un angle qui ne semble pas le meilleur pour son film. Peut-on discuter du choix d’un sujet par un cinéaste ? Certains diront oui, d’autres non. Toujours est-il qu’Oppenheimer a le sien : les rapports entre l’homme et le communisme, qui ont dicté sa destinée. Sauf qu’on s’en fout un peu. Ou disons plutôt que c’était loin d’être la chose la plus pertinente à dire. Le doute moral quant à sa création, l’idée de vivre avec les conséquences sur sa conscience, voilà ce qui était passionnant à explorer. Et si Nolan l’aborde, il n’en fait jamais son axe principal, seulement l’un des très nombreux fils gravitant autour de l’angle premier. De là à dire que le cinéaste passe à côté de son sujet, il n’y a qu’un pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il passe beaucoup de trop tard sur un angle moins passionnant.

– Et puis il y a la forme visuelle. Ce noir et blanc qui fait plus gadget qu’autre chose, cette musique assourdissante qui ne laisse aucun répit, ces grigris de mise en scène si démonstratifs…

Oppenheimer est loin d’être un mauvais film. Il a ses qualités indéniables. Mais ces mêmes qualités deviennent ses défauts quand on perçoit le film comme un objet théorique, comme la volonté d’un cinéaste de signer à tout prix un chef-d’œuvre poseur en s’enfermant dans ses fantasmes obsessionnels d’un anti-cinéma classique qui veut bousculer au détriment du plaisir et de l’émotion. A de nombreux égards, Oppenheimer est un long objet filmique insupportable qui se perd dans sa conceptualisation. Comme trop souvent, Nolan veut faire intelligent et radical mais la puissance outrancière de son oeuvre se dilue dans une démarche si lourde, si pompeuse, si démonstrative.

 

Par Nicolas Rieux

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