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WALL CINÉ PICTURES – escale n°15 : trois idées de films à voir ou à revoir

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Quinzième numéro du Wall Ciné Pictures, notre rendez-vous « ciné-club » du samedi et ses trois idées de films à voir ou à revoir. Au programme de cette nouvelle escale dans la belle histoire du cinéma, focus sur les débuts de John Ford, sur une douceur japonaise sur fond de fin du monde, et sur un chef-d’oeuvre de Brian De Palma, qui ressort au cinéma en version restaurée.

Bucking_broadwaynote 3.5 -5

A L’ASSAUT DU BOULEVARD
De John Ford – 1917 – 53 minutes
Genre : Western, Romance – USA
Avec : Harry Carey, Molly Malone, Vester Pegg, L. M. Wells, William Steele

Synopsis : Le cow-boy Cheyenne Harry travaille dans le ranch de Ben Clayton. Il tombe amoureux de la fille du propriétaire et décide de lui construire une maison. Pendant ce temps, Helen Clayton, elle, tombe amoureuse de Thornton, un marchand de chevaux de passage dans la ville.

John Ford et le western, c’est une grande et belle histoire d’amour qui aura accouché de pas mal de chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma. Une histoire qui n’a pas du tout commencé en compagnie de son incontournable acolyte John Wayne, mais bien avant, dès ses débuts dans l’effervescence du cinéma muet alors qu’il était un jeune réalisateur pistonné par son grand frère pour entrer dans la maison Universal. Si la majorité des films « silencieux » tournés par le futur maître sont aujourd’hui perdus, certains ont réussi à survivre aux filets meurtriers du temps. C’est le cas par exemple de A l’Assaut du Boulevard, moyen-métrage de 53 minutes tourné en 1917 et longtemps considéré comme perdu avant d’être retrouvé en 2004 et restauré. John Ford a réalisé beaucoup de petits westerns au cours de cette première année en tant que metteur en scène et si A l’Assaut du Boulevard n’est clairement pas un grand film, plutôt une sympathique comédie romantique inoffensive croisée avec le genre, il n’en demeure pas moins très intéressant sur bien des points, notamment parce qu’il témoigne déjà du sens du spectacle fordien et la capacité de son auteur à emballer des scènes incroyablement marquantes. Comment ne pas être abasourdi devant cette fantastique chevauchée de cowboys en plein Broadway au milieu des voitures ! Anecdotique et reposant sur une histoire assez limitée, A l’Assaut du Boulevard vaut néanmoins le coup d’œil pour ce qu’il représente dans l’histoire du cinéma : la naissance d’un cinéaste qui va marquer son art, et au passage, les débuts de sa collaboration avec un acteur de légende, Harry Carey, un copain avec qui Ford tournera quasiment tous ses films pendant trois ans à venir. Libre de droits, le film est visionnable et d’ailleurs, le voici…

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fish-story-poster1note 3.5 -5

FISH STORY
De Yoshihiro Nakamura – 2009 – 1h52
Genre : Comédie dramatique – Japon
Avec : Kengo Kôra, Kenjirô Ishimaru, Mirai Moriyama…

Synopsis : 2012, cinq heures avant la destruction de la Terre par une comète. La population nippone s’est réfugiée pour éviter l’annihilation, mais un homme erre seul dans les rues. Dans un magasin de disques encore ouvert, il tombe sur un duo d’inconscients, qui discutent du groupe punk Gekirin et de leur morceau culte Fish Story. Insouciant du danger, le patron de la boutique est affirmatif : cette chanson peut sauver le monde. Mais comment ? Débute alors une série de flashbacks, retraçant la création et les conséquences incroyables de ce titre…

Une comète fonce sur la Terre, la fin du monde est proche, l’humanité est résignée et attend… Melancholia de Lars von Trier ? Perdu, on veut parler de Fish Story, petite pépite japonaise écrite par le scénariste du Dark Water d’Hideo Nakata. S’ouvrant sur un climat quasi post-apocalyptique avec rues désertes et ambiance de désolation, Fish Story est un film puzzle à tendance existentielle voire philosophique, une espèce de jolie fable acidulée au charme irrésistible. Dans cette réalisation de Yoshihiro Nakamura, plusieurs récits sans liens apparents se côtoient en parallèle. Des amateurs de musique qui dissertent sur le pouvoir salutaire d’une chanson, un jeune homme chétif et brimé qui essaie de se révéler, un groupe de rock tiraillé entre sa volonté de rester fidèle à leur musique et celle d’en vivre, un petit restaurateur qui s’avère être un prodige en art martiaux doublé d’un justicier des temps modernes, une jeune lycéenne tête en l’air qui a raté l’escale de son ferry à Tokyo… Plein de poésie, de subtilité et de profondeur, Fish Story agence avec cohérence et intelligence toutes ces histoires de héros confrontés à des choix cornéliens ayant le pouvoir de transformer leur vie. Pas de sensationnalisme, seulement de l’extraordinaire qui vient se mêler à l’ordinaire, Fish Story est un film de personnages, un film loufoque, décalé, qui imprègne le spectateur d’un délicieux parfum de douce folie, d’enchantement féérique à la magie touchante. Une pépite originale, savoureuse et cinéphile.

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6 l'impassenote 4.5 -5

L’IMPASSE
De Brian de Palma – 1993 – 2h20
Genre : Drame, Polar – USA
Avec : Al Pacino, Sean Penn, Penelope Ann Miller, John Leguizamo, Luis Guzman, James Rebhorn, Viggo Mortensen, Ingrid Rogers…

Synopsis : New-York, 1975. Libéré après 5 années de prison grâce à son avocat véreux, Carlito Brigante, ancienne figure du milieu, rentre chez lui dans le quartier espagnol de Harlem. Il souhaite se réinsérer dans la vie et monter aux Bahamas une affaire honnête avec la femme de sa vie. Mais son passé le rattrape, et ce qui a fait de lui un caïd autrefois risque bien de lui coûter la vie aujourd’hui…

Accueilli tièdement à sa sortie, L’Impasse s’est imposé au fil du temps comme un chef-d’œuvre des années 90 et l’un des plus grands films de Brian De Palma (et dieu sait qu’il en a pourtant réalisé des grands films). Retrouvant Al Pacino quelques années après le monument Scarface, De Palma signe une œuvre magistrale et transversale, convoquant autant le film de gangster, que le polar, le film noir ou le drame pur. L’histoire d’un ancien malfrat fraîchement sorti de prison et désireux de se ranger avant d’être rattrapé par son passé. Carlito Brigante est une figure forte de cinéma, un homme à la lutte avec un déterminisme tragique, un homme piégé par son inexorable destin plein de fatalité. Il n’y a aucun suspens dans L’Impasse, dont le déroulé est presque déjà résumé dans son titre (français du moins). Empruntant à certains classiques du film noir américain, L’Impasse, scénarisé par David Koepp (Jurassic Park) fonctionne par flashbacks après nous avoir annoncé sa fin dès le début. Un procédé très (trop) souvent utilisé depuis, et qui n’avait rien de follement nouveau à l’époque (voir Assurance sur la Mort, Les Tueurs et d’autres). Mais un procédé que De Palma travaille de manière fascinante, crépusculaire et profondément sombre, l’abordant avec génie en tournant le dos à des années de maîtrise du suspens, tel l’enfant d’Hitchcock qu’il était. La mort préprogrammée de cet anti-héros fantastiquement incarné par Pacino fait du personnage de Carlito Brigante, une sorte de cadavre en sursis le temps du film, et son parcours désespéré vers sa fin se suit avec une profonde émotion teintée de noirceur. Loin de son style habituel tout en fulgurances visuelles et loin de sa mise en scène (outrancièrement justifiée) sur Scarface, De Palma privilégie un certain classicisme cette fois-ci, classicisme au service de cette histoire de fantôme en attente, dans l’impossibilité d’échapper à une issue mélangeant ironiquement mort et naissance, fin et délivrance. Fabuleux, L’Impasse vient de ressortir au cinéma en version restaurée dans quelques salles en France. Foncez si vous le pouvez !


A samedi prochain !

Par Nicolas Rieux

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