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ENZO de Bruno Campillo : la critique du film

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Spectateurs

Nom : Enzo
Père : Bruno Campillo
Date de naissance : 18 juin 2025
Type : sortie en salle
Nationalité : France
Taille : 1h42 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Eloy PohuPierfrancesco FavinoÉlodie Bouchez

Signes particuliers : Cantet-Campillo, la belle rencontre de deux univers.

Synopsis : Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon.

CANTET-CAMPILLO : LA BELLE RENCONTRE

NOTRE AVIS SUR ENZO

« Un film de Laurent Cantet réalisé par Bruno Campillo ». L’accroche quant à la paternité du film est peu banale voire perturbante. Un film de qui du coup ? Des deux mon capitaine. A l’origine, Laurent Cantet et Bruno Campillo ont coécrit le scénario d’Enzo. Laurent Cantet devait le réaliser. Mais le décès brutal du cinéaste a forcé Bruno Campillo à conduire le projet jusqu’au bout et à en reprendre la réalisation. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Enzo est un récit d’apprentissage bouleversant dressant le portrait d’un adolescent de 16 ans qui rejette sa condition. Fils d’une ingénieure et d’un universitaire, Enzo grandit dans l’aisance d’une belle villa avec piscine, avec des parents équilibrés pour l’élever. Aucun nuage particulier ne semble en mesure de troubler son évolution. Pourtant, il sent étranger à ce tissu social qui ne lui convient pas. Déscolarisé, Enzo se forme à la maçonnerie et travaille comme apprenti sur des chantiers. Une simple phase, espèrent ses parents. Pas certain, surtout quand Enzo se rapproche de Vlad, un ouvrier ukrainien qu’il admire dans un mélange d’attirance et de fascination.

Le cinéma de Laurent Cantet a souvent remis en question les sentiments d’appartenance et de place dans la société. Celui de Bruno Campillo s’est souvent tourné vers le désir homosexuel et la jeunesse en quête de sens. Enzo est la fusion de deux univers, et le mariage est idyllique. Rarement une rencontre artistique n’a accouché d’un film aussi parfaitement équilibré. Enzo ne force rien, tout y coule de manière fluide et naturelle. Alors que le film ne semble jamais se reposer sur une écriture ou sur une formule d’écriture, sa finesse et sa justesse sont les moteurs d’un portrait délicat déconstruisant des archétypes narratifs usités. Le cinéma a souvent été avide d’histoire de rejet d’une condition sociale, généralement pour montrer une volonté de dépasser sa condition, de quitter la classe pauvre ou moyenne pour accéder à mieux. C’est le contraire qui anime Enzo. Il n’a pas une enfance malheureuse, ses parents sont doux et aimants, son cadre de vie pourrait paraître agréable aux yeux de beaucoup. Mais ce n’est pas lui. Sans être un garçon spécialement rebelle ou foncièrement mal dans sa peau, Enzo se sent juste étranger au monde bourgeois qui l’entoure. Pas de raison particulière à cela, c’est ainsi. Refusant de reproduire un modèle social tout tracé, il cherche sa propre voie, même si elle est difficile, même si elle s’écrit aux antipodes des siens. Apprentissage, initiation, coming out ou affirmation pavent les pas de ce jeune homme de bonne famille qui n’est qu’en quête de lui-même et de ce qu’il veut être.

Entre séquences poignantes et douceur du regard posé sur un cheminement, Enzo est un film puissamment humain, existentiel voire philosophique. Alors qu’il flirte à la lisière du drame introspectif et de la tragédie intimiste, Campillo ne bascule jamais dans un quelconque excès, il ne surligne pas, n’appuie pas, privilégie parfois l’esquisse, la pudeur et les non-dits, et reste à distance en diffusant plus qu’il n’affirme. Quitte à être un peu trop sage parfois, un peu trop théorique dans son propos. Beaucoup de choses se bousculent autour de ce gamin paumé et l’on manque par moments de chair et d’intensité. Pour une confusion identitaire ou un érotisme par exemple bien captés, des seconds rôles un peu trop didactiques ou une incorporation pousive du conflit ukrainien. Des maladresses mais qui n’écorent pas complètement un film réussi.

 

Par Nicolas Rieux

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