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SINISTER (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Sinister
Père : Scott Derrickson
Livret de famille : Ethan Hawke (Ellison), Juliet Rylance (Tracy), Fred Thompson (le shérif), James Ransone (shérif adjoint), Clare Foley (Ashley), Michael Hall D’Addario (Trevor), Vincent D’Onofrio (Pr Jonas)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h50 – 3 millions $

Signes particuliers (+) : Flippant, suffocant, tendu, malsain et sans concession, un bon cru horrifique très bien huilé et ne s’effondrant pas dans sa fin./p>

Signes particuliers (-) : Une très mauvaise gestion de la musique. La très forte attente a un peu nui au film en lui mettant trop de pression.

 

LA PEUR EST SI DOUCE…

Résumé : Un auteur de romans écrivant des bouquins sur des crimes sordides commis aux États-Unis, emménage avec toute sa petite famille dans une maison à la campagne. Une maison dans laquelle une famille entière a été retrouvée pendue. En rangeant le grenier, il découvre une boîte contenant de mystérieux films super 8. Sur chacun, des suicides/crimes tous plus horribles les uns que les autres…

Ah on pourra dire qu’on l’aura attendu ce Sinister, nouveau film d’horreur du cinéaste Scott Derrickson, réalisateur il y a sept ans du pas si mal mais souvent décrié L’Exorcisme d’Emily Rose. Depuis, seulement le catastrophique Jour où la Terre s’arrêta, remake d’il y a déjà quatre ans et nanar de luxe avec cette endive de Keanu Reeves en extraterrestre moralisateur. Sinister débarque enfin chez nous, précédé d’une aura aussi monstrueuse que lourde à porter, annoncé souvent non seulement comme LE film d’horreur de l’année mais voire même de la décennie. Rien que ça ! Et tout a participé de faire monter la sauce et l’excitation à vitesse grand V, d’une bande-annonce scotchante qui circulait depuis plusieurs mois sur la toile à des retours outre-Atlantique sensationnels. C’est donc avec une côte énorme qu’il sort en salles en plein dans un automne qui commence à être un peu froid, quelques jours seulement après le passage de la comète minable Paranormal Activity 4. On compte donc sur le film Scott Derrickson pour relever le niveau du film de frisson, son seul handicap étant de devoir du coup parer aux énormes attentes placées en lui.

(Et puisqu’on parle de Paranormal Activity 4, l’occasion d’un petit aparté rapide, avant de parler du film même, sur le navrant spectacle que nous proposent nos chers exploitants qui viennent se la jouer donneurs de leçons de service sans avoir trouvé meilleure solution que de prendre le public en otage. Sinister essuiera une déprogrammation de dernière minute dans plus de 40 salles pour une raison totalement aberrante. Lors des projections du quatrième volet de la franchise aux portes qui claquent (Paranormal Activity pour ceux qui suivent pas), plusieurs exploitants auraient constaté des actes d’incivilité : comptoirs de confiserie pillés, caissiers insultés, troubles et « mictions » dans les salles. En riposte, Sinister, autre film de genre qui suit de près dans le calendrier des sorties, en fera les frais pour éviter que cela ne se reproduise… Et les exploitants de réclamer pour envisager de reprogrammer le film, plus de civilité dans les salles de la part des spectateurs !??! On aurait juste envie de se contenter d’un « what the fuck ! » si la situation n’était pas aussi révoltante qu’handicapante. Un, c’est quoi ce chantage minable qui pénalise tout le monde pour quelques crétins que l’on voit généralement venir à 20.000. Deux, les incivilités n’ont jamais été l’apanage du seul cinéma d’horreur mais un problème touchant le cinéma tout entier depuis l’apparition des cartes illimitées qui drague un public qui se fout parfois de ce qu’il regarde. Mais c’est pas forcément mieux du côté d’un bon gros film d’action bourrin ricain attirant en masse un public lui-aussi, jeune. Pour autant doit-on interdire le prochain Michael Bay parce qu’il risque d’y avoir du bruit de popcorn dans la salle ? Doit-on interdire le prochain Twilight parce que les minettes pré-pubères risquent de foutre le bordel en hurlant devant à la « beauté » du livide Robert Pattinson ? (Pour ce dernier exemple, ça pourrait être une idée cela dit, mais plus pour libérer des salles qui pourraient être utilisées à de meilleures fins qu’à la diffusion de cette daube mais bon…). Plus sérieusement, de qui se moque t-on ? Messieurs les exploitants, vos comptoirs à confiserie sont pillés… Plaignez-vous tiens, c’est du fric qui rentre ! Cela dit, pas de problème au contraire : virez-les !!! Au moins, ça réglera dans le même temps une bonne partie des fameuses « mictions » évoquées dans les salles. Car généralement, un demeuré avec un énorme pot de pop-corn triple XXL pas loin, ce sont effectivement des envies de tartes dans la gueule qui se perdent… Bref, dégagez les confiseries de vos halls, foutez des vigiles qui passent dans les salles, des solutions il y en a des tas, certainement bien moins débiles que celle de flinguer la sortie d’un film qui n’a rien demandé à personne et qui n’a aucune raison d’attirer plus ou moins d’incivilités et de crétins qu’un autre. Incroyable mais vrai comme disait Jacques Martin…)

Passée cette parenthèse énervée, revenons-en à nos moutons : Sinister. Né soi-disant (ça forge la légende) d’un rêve vécu par le co-scénariste de l’affaire après avoir regardé The Ring, cette histoire tendue de drame familial à enquête dérapant dans le fantastique oppressant est une habile façon de retourner le concept très à la mode du found footage à son avantage. Alors que le sous-genre commence à gonfler les amateurs par sa redondance généralement peu inspirée, Scott Derrickson a la bonne idée de passer de l’autre côté du miroir pour vaguement utiliser le concept sans y jamais y entrer. Au lieu que l’on soit, comme traditionnellement, convié au cauchemar vécu par les personnages de ces « films amateurs retrouvés » par une immersion en caméra subjective, le cinéaste les délaisse pour se concentrer sur celui qui regarde ces films devant son moniteur. Pas question de pondre du coup un énième found footage movie facile mais un film d’horreur plus classique ayant seulement recours au concept de départ pour bâtir son postulat d’intention : faire un film d’horreur à l’ancienne, installant son cadre, développant une ambiance et une atmosphère de terreur pure où l’horreur ne va être inscrite dans quelques climax éparpillés tout au long du récit mais plutôt être une constante croissante participant à la construction de l’histoire.

Sinister prend son temps, pose ses personnages, sa situation, ses enjeux avant d’entrer dans le vif de son sujet avec un sens très maîtrisé de la progression scénaristique. Débutant comme un thriller ou un film d’enquête, il glisse très lentement et progressivement vers le fantastique puis l’horreur tout en passant par le film de terreur psychologique. Plus le temps passe, plus les rapports s’inversent, plus le thriller s’efface à la mesure que l’horreur se développe. Scott Derrickson a toujours aimé les mélanges de genres (voir L’Exorcisme d’Emily Rose qui croisait film de tribunal et film d’horreur) et le prouve une fois de plus. De même qu’il prouve aussi (malheureusement) qu’il a toujours un peu de mal à gérer le rythme de ses films et Sinister de souffrir de quelques redondances, de quelques longueurs (1h50 pour un film de genre, c’est pas courant) qui ralentissent son efficacité, comme c’était déjà le cas pour Emily Rose. Mais même s’il est imparfait, même s’il aurait gagné à être plus concis pour gagner aussi bien en efficacité qu’en densité et en immersion du spectateur dans l’atmosphère horrifique suffocante qu’il essaie de déployer, Sinister se révèle quand même être le haut du panier de ce que le cinéma de genre nous montre sur grand écran. Il faut bien avouer que l’on est pas gâté à ce niveau-là, le cinéma d’horreur étant souvent réduit à des productions à petit budget, conséquence logique d’une production artistique articulé à des impératifs commerciaux qui régissent chaque entreprise de création. L’horreur est un genre qui fonctionne sur une catégorie de public si précise et peu élargie qu’il a forcément du mal à réaliser de fortes retombées économiques. Logiquement, il devient suicidaire d’investir de très gros moyens dans des films à la rentabilité aussi limitée. On savoure du coup d’autant plus quand Hollywood nous fait l’honneur (c’est rare mais ça arrive) de nous offrir une belle grosse prod correctement financée et soignée.

Sinister n’est finalement pas la claque attendue, le film que l’on traversera deux heures durant recroquevillé en position fœtale au rythme des gouttes de sueur coulant de notre front en surchauffe à force de contenir un cerveau entièrement dévoué à maintenir nos yeux ouverts. On y a cru et c’est peut-être ça le problème, Sinister capitalisait de trop fortes attentes, trop lourdes pour ses épaules. Mais malgré ça, Derrickson nous gâte avec une œuvre à la fois élégante, soignée et excellente ! Si Sinister n’enterrera pas tous ses concurrents de ces dernières années, il mérite quand même un grand coup de chapeau. Flippant, sans concession (les petits films super 8 en found footage sont redoutables), limite amoral dans sa conduite narrative, il s’offre un crédit reluisant par son intrigue bien fichue, sa tension horrifique qui monte crescendo vers un final magistral, son ambition formelle qui fait plaisir à voir mais surtout par son ambiance entre le malsain et le psychologiquement trouble. La terreur n’est peut-être pas permanente mais quand elle s’invite, elle a le mérite de ne pas le faire à moitié au grand dam d’un Ethan Hawke parfait dans le rôle d’un écrivain de bouquin attrayant aux meurtres sordides et qui se penche sur la mauvaise affaire. De l’épouvante comme ça, aussi belle, stylisée et aussi envoutante, on en redemande ! Sinister a ses défauts, certains plus mineurs que d’autres (comme une gestion de la musique de suspens pas toujours maligne) mais ses qualités ont vite fait de le faire pencher du bon côté de la balance pour un must de l’année question film de genre.

Bande-annonce :

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