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MAKING OF de Cédric Kahn : la critique du film

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Nom : Making Of
Père : Cédric Kahn
Date de naissance : 10 janvier 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h54 / Poids : NC
Genre : Comédie 

Livret de Famille : Denis PodalydèsJonathan CohenStefan Crepon, Souleiha Yacoub, Emmanuelle Bercot, Xavier Beauvois, Valérie Donzelli…

Signes particuliers : Malin, hilarant, jubilatoire. 

Synopsis : Simon, réalisateur aguerri, débute le tournage d’un film racontant le combat d’ouvriers pour sauver leur usine. Mais entre les magouilles de son producteur, des acteurs incontrôlables et des techniciens à cran, il est vite dépassé par les événements. Abandonné par ses financiers, Simon doit affronter un conflit social avec sa propre équipe. Dans ce tournage infernal, son seul allié est le jeune figurant à qui il a confié la réalisation du making of.

PLONGEE DANS LES COULISSES DU CINEMA

NOTRE AVIS SUR MAKING OF

A peine Le Procès Goldman sorti et digéré que Cédric Khan embraye déjà avec son film d’après. Un enchaînement coup-sur-coup digne d’un Quentin Dupieux. Cette fois, le cinéaste s’attaque à un sujet qu’il connaît plus que bien : le cinéma. Un réalisateur fatigué par des années de métier (Denis Podalydès) démarre le tournage de son nouveau long-métrage, un drame social sur l’histoire vraie d’ouvriers d’une usine prochainement délocalisée qui se sont battus pour sauver leurs emplois. Presque du Stephane Brizé sur le papier, avec Jonathan Cohen en pseudo Vincent Lindon. Mais dès le premier jour, une scène gâchée par l’irruption inopinée dans le champ du réalisateur du making of, va donner le ton. Ce tournage sera une galère sans nom. Et c’est peu de le dire. Entre un comédien insupportable à égo surdimensionné, un producteur peu fiable et menteur, des investisseurs qui veulent tout changer pour être certains de tenir un succès, et une équipe dévouée mais qu’il faut gérer quand le plan de bord part en vrille, Simon va vivre un calvaire avec l’espoir de sauver son œuvre et de ne pas se faire bouffer par le métier. Et Making Of de virer non pas au drame social mais plutôt vers la comédie, comme un écho français au coréen Ca Tourne à Séoul de Kim Jee-Won.

C’est un film sacrément malin que signe là Cédric Khan. Un film malin et surtout très drôle, qui dresse un état des lieux de l’état de la création cinématographique en France aujourd’hui, entre des créateurs qui veulent porter des projets forts, des financiers qui veulent décider de ce que le public aimera ou n’aimera pas, des gens passionnés qui travaillent par amour du métier mais aussi pour gagner leur pain (et ça on l’oublie trop souvent), des acteurs bons ou mauvais qu’il faut tenir, des rêveurs et toute une nuée de visages que l’on ne remarque pas mais qui sont essentiels sur un plateau. Avec une verve jubilatoire, Cédric Kahn démystifie le petit monde du cinéma tel qu il est vu de l’extérieur. Non, ce n’est pas qu’un monde de nantis-branleurs qui se paient du bon temps en gagnant des millions. Un plateau de cinéma, c’est un peu comme une usine, avec des responsables, des sous-responsables, des machines et des ouvriers. Tant de mains qui, ensemble, travaillent, galèrent, s’amusent, s’affrontent, se rapprochent, s’entraident, s’éloignent…

Du réalisateur qui a mille choses à gérer (formidable Podalydès) au petit figurant qui rêve un jour d’être à sa place (excellent Stefan Crepon) en passant par celle qui gère toutes les galères (Emmanuelle Bercot) ou des comédiens au talent aléatoire (Jonathan Cohen et la géniale Souheila Yacoub), Making Of multiplie les portraits de personnages passionnants avec une fluidité remarquable. Des liens qui se créent et d’autres qui se défont, Making Of est aussi une histoire de pression, d’amour, de révolte, de conviction, d’arnaque, de solidarité, de désillusion, de courage, de valeurs à défendre. Cédric Kahn nous montre qu’un plateau de cinéma, c’est finalement une représentation de la vie et de la société en version accélérée, concentrée en l’espace de quelques semaines où un microcosme se construit, vit ensemble puis se dit au revoir.

Mais plus qu’une simple chronique plate, c’est le dispositif qui est génial. Le réalisateur tourne ce qu’il dénonce et son film devient ce qu’il tourne… et ce qu’il dénonce. Compliqué ? Pas tellement en réalité. Kahn montre simplement que le cinéma, c’est ni plus ni moins qu’une chaîne de fabrication industrielle comme les autres, avec des gens tout en haut et des gens tout en bas. Simon (Podalydès) tourne un film social sur des ouvriers en grève. Mais quand son tournage dérape, il se retrouve à gérer dans la réalité ce qu’il racontait dans sa fiction. Reprendre le film ? Aller au bout ? Comment sans argent ? Kahn irait-il jusqu’à oser comparer le travail dans le cinéma avec un grand C et le travail à la chaîne en usine ? Oui et non. Oui car dans un sens, c’est pareil et sa démonstration le traduit de manière édifiante sans prétention ni supériorité aucune. Non car il a quand même la décence de reconnaître que travailler dans ce milieu est une chance… même s’il faut se méfier car il y a une frontière importante entre chance et travail.

Porté par une distribution de haute volée, Making Of c’est le cinéma qui rencontre la vie, c’est la fiction qui sort du cadre et se confronte à la réalité, c’est le mythe d’un monde qui enlève ses paillettes pour montrer son triste vrai visage. Intelligemment, avec pertinence, avec un humour féroce qui n’écarte pas certains sujets de fond dépassant le seul microcosme évoqué. Un régal.

 

Par Nicolas Rieux

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