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ARGO (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Argo
Père : Ben Affleck
Livret de famille : Ben Affleck (Tony Mendez), Bryan Cranston (Jack), John Goodman (John), Alan Arkin (Lester), Kyle Chandler (Hamilton), Chris Messina (Malinov), Clea DuVall (Cora), Zeljko Ivanek (Adam), Victor Garber (Ken), Adrienne Barbeau (Nina), Rory Cochrane (Lee)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h59 – 44,5 millions $

Signes particuliers (+) : Une interprétation juste, une reconstitution impeccable. Un bon thriller politique d’excellente facture.

Signes particuliers (-) : Même si Affleck s’applique, son film aurait pu être encore plus tendu qu’il ne l’est, et plus virtuose.

 

ARGOCHEZ-VOUS, CETTE HISTOIRE EST SURRÉALISTE…

Résumé : 1979, en pleine crise et révolution iranienne, les manifestants forcent et envahissent l’ambassade américaine à Téhéran, prenant en otage ses 52 occupants dont les vies sont désormais menacées. Mais six diplomates réussissent à s’échapper de justesse et trouvent secrètement refuge dans l’ambassade du Canada qui les accueillent et les cachent en secret. A distance, la CIA et le gouvernement des États-Unis cherchent un moyen de les exfiltrer sans qu’ils ne soient découverts, leur vie étant en jeu comme celle de tout américain débusqué par les militants et la nouvelle police/milice tyrannique. Tony Mendez, spécialiste de l’exfiltration à la CIA échafaude un plan aussi saugrenu que risqué mais potentiellement exécutable : faire passer ses six ressortissants coincés sur place pour une équipe de tournage canadienne effectuant des repérages pour une série B de science-fiction…

La passe de trois pour l’acteur/réalisateur Ben Affleck qui signe ici son troisième long-métrage de cinéma en cinq ans, deux ans seulement après son excellent polar The Town. S’il a souvent été critiqué pour la qualité de son jeu de comédien discutable, Affleck a au moins le mérite de mettre globalement tout le monde d’accord sur ses aptitudes de metteur en scène. Troisième film, troisième succès d’estime. Gone Baby Gone, son premier en 2007 était un thriller dramatique puissant et intense, The Town était l’un des meilleurs représentants de son genre depuis des lustres et Argo vient relancer le thriller politique avec classe et panache, genre qui avait le vent en poupe dans les années 70, période post-Watergate, mais qui était tombé un peu en désuétude aujourd’hui. Il faut dire qu’Affleck a eu le nez fin sur ce coup là puisqu’il s’attarde sur un micro-événement méconnu qui lui, s’insérait dans un pan de l’histoire politique récente plus reconnu et très intéressant vu d’aujourd’hui pour l’écho qu’il fait à l’actualité géopolitique troublée (les relations américano-iraniennes n’ont jamais été bonnes depuis cet épisode, avec un regain de tension général ces derniers temps). Mais surtout, l’affaire Argo, restée longtemps classée top-secrète avant d’être révélée par Clinton, avait l’avantage de receler un gros potentiel cinématographique, à la fois un potentiel politisé mais aussi, de pouvoir se vivre comme un thriller intense, dense, tendu, à la limite du film à suspens avec un soupçon discrètement comique par l’improbabilité de la chose narrée. Car comme l’affirme Ben Affleck régulièrement en interview, les évènements relatés n’auraient eu aucune crédibilité s’ils n’étaient des évènements… réels. Plus clairement, le postulat de départ de Argo est gros comme une maison, a tout l’air d’un beau n’importe grotesque hollywoodien. Et pourtant… Et pourtant, non seulement le film relate des faits réels avérés mais par ailleurs, il se double d’une jolie mise en abîme car effectivement, l’idée est improbablement ubuesque, proche d’un énième script délirant hollywoodien, mais c’est peut-être justement car tout ce scénario d’exfiltration a été mené avec la complicité de quelques appuis d’un Hollywood qui a joué de sa grandiloquence et de ce qu’il fait le mieux : raconter et faire dans le n’importe quoi aussi discret qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Mais après tout, ne dit-on pas souvent que ce sont les plus gros mensonges qui passent le mieux ? Pour peu qu’ils soient crédibles et qu’ils tiennent la route…

Direction donc « Istanbul en Iran ». Impossible de tourner sur les terres de l’ennemi juré de l’Amérique, c’est en Turquie que Ben Affleck et son équipe posent leurs bagages pour mettre en scène ce segment qui forge la petite histoire derrière la grande. Et pour la troisième fois consécutive, le cinéaste (également acteur pour le coup) va réussir son coup. Acclamé à sa première au… Canada (!) dans le cadre du festival de Toronto, c’est une pluie de bons retours qu’enregistre depuis Argo, cité parfois même comme l’un des meilleurs films de l’année. Produit par le tandem Grant Hestoy-George Clooney (pas étonnant de retrouver cet autre acteur/réalisateur passionné par le thriller politique qu’il essaie de finir vivre depuis quelques années lui-aussi), Argo est en effet une incroyable histoire, presque drôle sur le papier tant elle est cocasse. Mêler Hollywood, SF cheap et crise internationale complexe, il fallait oser. La CIA l’a fait.

Argo vient confirmer les qualités déjà découvertes dans le cinéma d’un Ben Affleck qui affiche une maturité impressionnante en seulement trois long-métrages. Tiré d’un article de presse découvert par Hestoy et Clooney et à partir duquel un script va être rédigé par Chris Terrio (réalisateur du très côté Heights dont il avait écrit le scénario et d’un épisode de la série Damages), Argo repose sur un construction carré, solide qui rappelle justement les thrillers des seventies à l’enveloppe dessinée avec force et épuration. Même s’il aurait pu être allégé de quelques scènes et redondances pour gagner en rythme et en concision, le travail de Terrio va être un beau morceau de choix pour qu’Affleck se mette au travail. Avec l’aide de spécialistes de talent, il va réussir à récréer habilement une époque. Impressionnant dans le travail du détail, Argo se pare des habits de la décennie dans laquelle son action se déroule avec un réalisme bluffant accroissant la crédibilité de l’incroyable histoire contée. Comme on a pu le découvrir auparavant sur ses deux précédentes œuvres, Ben Affleck rejoue ensuite ses gammes, capitalisant sur ce sur quoi il est doué : Argo est solide, parfois virtuose, tendu voire stressant, remarquablement interprété. Le cinéaste affiche toujours autant de maîtrise, se montre toujours aussi doué dans la direction d’acteur et livre un beau moment de cinéma captivant qui monte crescendo en tension dramatique haletante. Bien orchestré, construit, narré, Argo fonctionne avec beaucoup d’habileté et témoigne du doigté de son auteur pour immerger le spectateur dans ses histoires. Une histoire qui ne prend aucun parti politique cette fois et qui se contente de montrer les évènements tels quels sans chercher à aiguiller l’audience dans un sens ou dans l’autre.

Si l’on peut s’interroger sur la pertinence de ce travail maintenant, à l’heure où il pourrait presque passer comme une légère provocation dans un climat géopolitique déjà très tendu, Argo essaie de répondre à sa manière en n’affichant aucune méchanceté, en ne caricaturant pas, en n’attaquant pas. Affleck met de côté toute considération politisée, toute opinion, tout point de vue, et se contente de signer un thriller sobre, en retrait, se contentant de souligner une histoire presque anecdotique mais extraordinaire, cachée derrière celle générale et sur-médiatisée. Sobre mais peut-être trop justement, à l’excès même en regard de son académisme figé qui ne tâche pas, ne déborde pas sur les côtés. Argo est propre comme un sou neuf, léché, millimétré et manque du coup un peu de caractère, de personnalité pour atteindre le niveau du précédent (dans un tout autre genre bien sûr) The Town, à ce jour le meilleur film d’Affleck. Toujours est-il qu’au-delà de cette précision chirurgicale qui confère à l’abstraction monacale et de quelques longueurs ralentissant le rythme d’un film qui ne tient pas en haleine de bout en bout, Argo est quand même un bon film, ambitieux, quelque fois prodigieux, notamment dans son superbe final à l’intensité terrible bien que légèrement atténuée par son (malheureusement pour lui) inévitable prévisibilité. Argo est bien du Ben Affleck dans l’âme, un divertissement accessible qui sait être également intelligent. Il fallait le faire d’arriver à traiter une quasi farce picaresque avec le sérieux implacable que son déroulement dramatique requerrait où l’amusement n’est simplement qu’un réflexe mental présent mais caché derrière la lourdeur de la situation. Affleck ne transcende pas ce bel exercice au rang de chef d’œuvre mais signe néanmoins une réussite notable.

Bande-annonce :

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