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MAY DECEMBER de Todd Haynes : la critique du film

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Nom : May December
Père : Todd Haynes
Date de naissance : 24 janvier 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h57 / Poids : NC
Genre : Drame, Comédie noire, Thriller

Livret de Famille : Natalie PortmanJulianne MooreCharles Melton

Signes particuliers : Audacieux ou ridicule, telle est la question. 

Synopsis : Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt.

FACE A FACE

NOTRE AVIS SUR MAY DECEMBER

Pour ce que son nom inspire, Todd Haynes était l’un des grands attendus de la dernière compétition officielle cannoise. Alors qu’approchait la présentation de son alléchant May December au casting hautement séduisant, les images de I’m Not There ou de Carol résonnaient en tête. Le cinéaste allait-il retrouver un peu de sa superbe après une paire de films moins mémorables ? Il y avait d’abord eu son insignifiant Musée des Merveilles (l’un des gros points faibles de la sélection cannoise 2017), puis son plus solide Dark Waters, thriller carré qui valait surtout pour son sujet engagé. L’idée de le retrouver orchestrant un face à face troublant entre Julianne Moore et Natalie Portman ne pouvait que faire saliver. Dans May December, une actrice de renom vient rencontrer une femme qu’elle va prochainement incarner à l’écran dans un drame revenant sur le scandale qu’elle a provoqué dans une affaire de moeurs il y a 20 ans quand, elle professeure d’histoire, était tombée amoureuse de lui, son élève au collège.
C’est presque devenu une habitude, chaque année à Cannes, il y a ce grand nom qui déçoit terriblement. En 2023, c’est tombé sur Todd Haynes. Il en a fallu du courage pour venir à bout de son May December, aussi excitant sur le papier que pénible à l’écran. D’un bout à l’autre, on perçoit bien mal les intentions du cinéaste cherchant à rendre ce face à face intense, dérangeant et fiévreux, tout en lui acoquinant un ton comique et une imagerie rétro rappelant les soap des années 80. Todd Haynes avait tout entre les mains pour signer un grand thriller psychologique frissonnant d »ambiguïté : un sujet fort, une histoire passionnante, des thématiques qui ne demandaient qu’à être cristallisées, deux immenses comédiennes… A cela pouvaient s’ajouter son amour des images lancinantes disant plus qu’elles n’en ont l’air de prime abord, une tension sourde déployée dans les veines du récit et patientant sagement pour mieux le faire imploser, un mélange troublant de fascination magnétique et de perversion feutrée qui s’infiltrerait et se distillerait dans ce jeu de miroir entre une figure à la fois douce et névrosée et une imitatrice qui essaie de capter sa complexité en masquant sa réelle nature…

Sauf que voilà, quand on s’aventure sur les terres du thriller dramatique où il est question de transgression, de mensonges, de jeux de faux semblants, il ne s’agit pas d’avoir peur d’y aller vraiment. Et Todd Haynes est passé complètement à côté de son affaire, comme s’il prenait les devants pour anticiper un possible raté en jouant une carte humoristique désamorçant les risques. Une manière de ne rien assumer ? Toujours est-il que le cinéaste livre une copie au mieux bancale, au pire d’une grande fadeur, une copie souvent agaçante et pas loin de la bêtise. Trop timide, Haynes semble être constamment sur une retenue qui sied mal à son film, lequel flanche sous le poids de cette trop grande sagesse. Alors qu’on l’attendait charnel et enivrant, May December est plat et barbant, sombrant dans l’exercice de style rongé par un dispositif ampoulé qui ne parvient jamais à susciter de l’émotion, bien au contraire. On se retrouve totalement à distance d’un objet cinématographique qui peut défendre quelques qualités mais lesquelles sont mises en péril par ces choix artistiques douteux et surtout ce ton ancré dans un entre-deux qui ne fonctionne pas.

Volontairement, May December plante sa balise à mi-chemin entre le pastiche amusé des drama-soap et le thriller psychologique sinueusement inquiétant. Sauf qu’il y a des mariages qui ne prennent pas et c’est le cas ici. May December n’est ni ensorcelant ou malaisant au premier degré, ni drôle au second. Cette volonté (assumée) de donner dans le drama téléfilmesque avec une imagerie couchée sur papier glacé bon marché, des motifs de mise en scène vintage et un gimmick musical caricatural, étouffe complètement le pouvoir magnétique et provocateur d’une œuvre qui tape complètement à côté de sa cible, ou de ses cibles. C’est dommage, on aurait aimé se délecter de ce duo de fabuleuses comédiennes dont les numéros d’actrices auraient dû tout sublimer, mais May December est au-delà du déceptif. Tour à tour grotesque, ennuyeux ou contreproductif, il donne l’ironique impression de tourner à vide et de finalement rien raconter de passionnant sur rien… alors que plusieurs thématiques fortes l’habitent.

 

Par Nicolas Rieux

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