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MANIAC (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Maniac
Père : Franck Khalfoun
Livret de famille : Elijah Wood (Frank), Nora Arnezeder (Ana), America Olivo (la mère de Frank), Liane Balaban (Judy), Sammi Rotibi (Jason), Morgane Slemp (Jenna), Sal Landi (le détective), Megan Duffy (Lucie)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : France
Taille/Poids : 1h29 – 6 millions $

Signes particuliers (+) : Hargneux, douloureux, immersif et dérangeant, Maniac réussit son pari de retrouver les fondatements de l’original. Un Wood impressionnant dans un film brutal et remuant.

Signes particuliers (-) : La fin tombe un peu dans la grandiloquence démonstrative.

 

89 MIN. INSIDE : VOYAGE AU COEUR D’UN MANIAC

Résumé : Frank, propriétaire d’un magasin de réfection de mannequin est timide maladif. Frank est aussi très malade psychologiquement. Tapi dans l’ombre des rues new-yorkaises, il tue des femmes avec une violence insoutenable, les scalpant la plupart du temps…

Maniac est un film culte. Réalisé par William Lustig en 1980, ce classique de l’horreur est aujourd’hui considéré comme un monument du genre et une référence dans son registre, entrant avec un effet d’immersion troublant, dans l’esprit d’un authentique maniaque perturbé. Frank Zito (interprété par le colossal Joe Spinell) était un tueur impitoyable, arpentant les sombres rues new-yorkaises pour y traquer ses victimes, des femmes qu’il scalpait dans un délire où se confondait son passé et ses névroses. Le spectateur assistait alors impuissant à un carnage glauque et malsain, d’autant que le film était tourné du point de vue du psychopathe, nous plaçant ainsi dans sa peau voire presque dans sa tête ! Inspiré par une synthèse de plusieurs serial killers dont le redouté Ed Gein, Maniac fait partie de ces grands films dérangeants, interdit dans plusieurs pays ou fortement censuré.

Trois décennies plus tard, le brillant français Alexandre Aja, immense passionné de cinéma de genre et grand admirateur du film de Lustig, décide d’exhumer ce chef d’œuvre fou et de le faire sortir de sa retraite. Celui qui semble s’être spécialisé dans les remakes (mais de qualité) après ceux de La Colline a des Yeux et Piranha, laisse pourtant de côté la mise en scène et se contente d’écrire le script et de produire cette relecture moderne qui va être à la fois très fidèle à son modèle tout en prenant quelques libertés étonnantes. A commencer par le casting. Joe Spinell avait immortalisé Frank Zito, difficile donc de repasser derrière. Aja choisit alors le contrepied total et opte pour son opposé. D’un mastodonte imposant et bestial, le scénariste-producteur passe à un interprète au contraire chétif, presque maigrichon, en apparence inoffensif : Elijah Frodon Wood. Il faut rappeler que le comédien avait déjà campé un personnage vaguement similaire puisqu’il avait prêté déjà ses traits à un tueur en série dans le Sin City de Roberto Rodriguez. D’une brute épaisse tombant comme une massue sur ses proies, Maniac version 2012 offre une vision encore plus sournoise avec un sadique avançant masqué, fondant sur ses victimes en les mettant en confiance par ses allures d’ange abîmé et de timide maladif inoffensif. Un choix original pour un film qui ensuite, essaiera de respecter humblement son prédécesseur, notamment en gardant le parti pris de mise en scène de suivre le tueur de l’intérieur. Filmé en caméra subjective, du point de vue de ce nouveau Frank Zito, Maniac 2012 nous immerge dans la peau, dans la vie, dans le quotidien de ce malade fortement déséquilibré, traumatisé par un passé qui l’a rendu instable et passablement torturé.

C’est à son ami Frank Khalfoun qu’Aja laisse le soin donc de réaliser cette nouvelle version de Maniac. Ensemble, les deux hommes avait pondu en 2007, le sympathique thriller horrifique 2ème Sous-Sol, sorte de survival en huis clos dans un immeuble où une jeune femme était prise au piège d’un (déjà) dangereux psychopathe, le gardien du building qui avait un béguin un peu trop appuyé pour elle. Aja au script et à la production, Khalfoun à la réal, on refait donc la même ici, le tout sous la bienveillance de l’un des rares producteurs courageux de notre chère et frigide France : Thomas Langmann. Corproduction franco-américaine, Maniac s’annonce comme au moins aussi choquant et terrible que son modèle et on compte bien sur Aja pour veiller à ce que le résultat évite toute édulcoration ou sagesse excessive trahissant  l’original. Et c’est pas peu dire que l’on va être servi.

Khalfoun montre, comme Aja avant lui, qu’il connaît et respecte ses classiques et le cinéma en général. Ses inspirations et références sont légion mais ce n’est pas pour autant que le cinéaste fait dans le remix « hommageux » façon Quentin Tarantino. On pense au Baiser du Tueur de Kubrick, on pense au Cabinet du Dr Caligari (qui tient une place symbolique importante ici), à Ferrara dans la façon de filmer les sordides bas-fonds new-yorkais voire même au récent Drive de Winding Refn, avec cette façon de styliser les virées véhiculées dans les rues sur fond de musique électro. Des inspirations seulement car Khalfoun est maître de son film et non pas un expert en collage.

S’il n’évite pas la redondance dans un récit un peu schématique qui peine à construire un arc narratif ample entre un point de départ et un point d’arrivée, Maniac est quand même un sacré bon représentant de sa caste. Un horrible représentant même. Le film de Lustig était déjà sacrément difficile à soutenir du regard. Khalfoun, sans pour autant faire dans la surenchère voyeuriste inutilement efficace, franchit encore un palier dans l’horreur viscérale. Rien ne nous sera épargné de la tragique virée meurtrière de son héros et pour être honnête, il faut avoir le cœur solidement accroché pour assister à la projection de ce Maniac, monstrueuse plongée doublement horrifique dans un cerveau malade. Doublement car le film de Khalfoun fonctionne d’une part sur un niveau psychologique avec la douloureuse introspection dans les névroses de son personnage à l’esprit méandreux et ravagé par un passé glauque qui se révèle progressivement au gré de ses visions et cauchemars, expliquant son devenir actuel, et d’autre part sur un niveau graphique et visuel, nous conviant « sadiquement » à partager l’exutoire de Frank à la première personne. Meurtres ou massacres d’une violence inouïe, victimes scalpées, tout cela est déroulé sous nos yeux horrifiés avec un réalisme (parfois accentué par des scènes en plan-séquence) terrible et brutal rendant chaque coup de couteau de chasse infligé aussi douloureux pour la pauvre femme-victime que pour nous inconfortablement installé dans notre fauteuil. Khalfoun ne ménage pas le spectateur et lui dévoile une horreur comme rarement on aura eu l’occasion d’en voir au cinéma. Inconfort, malaise, mal-être, des émotions qui défilent dans un film qui manque peut-être de génie pour être transcendé mais qui est à la fois une élégante réussite esthétique, une relecture inspirée broyant les tripes et un immense moment d’interprétation avec un Elijah Wood totalement hallucinant.

Maniac atteint son objectif. Sans dépasser l’œuvre étalon de Lustig, elle parvient néanmoins à ne pas passer pour le remake opportuniste foireux et inutile. La volonté d’immersion est bien là, voire même au-delà de ce que l’on pouvait fantasmer des promesses faites, et l’aspect choc qui avait forgé la légende du classique de 1980 n’a jamais été évacué au nom de la sacro-sainte morale ou du besoin commercial. On se retrouve bien face à une œuvre rentre-dedans, à la limite parfois de l’insoutenable mais dont les fulgurances gores ne passent jamais pour seulement gratuites et efficaces. Le caractère assez basique de la psychologie sommaire soutenant l’arc dramatique du script, finit du coup par s’évaporer pour laisser place seulement à une vision plus sophistiquée d’un original cradingue et craspec, mais réservant quelques-uns des plus grands moments d’anthologie de l’horreur absolue faite homme, vue ces dernières années sur grand écran. Paradoxal tant il est bourré de qualités mais peine à atteindre un aura intouchable, Maniac alterne le meilleur et le moins bien, illustré par un final décevant versant dans un grotesque dont il s’était jusque-là préservé. Dommage et dans le même, quelle rude gifle nous poussant dans nos plus profonds retranchements.

Bande-annonce :

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