A l’occasion de la ressortie au cinéma de son mythique The Blues Brothers par Splendor Films (le 18 novembre) et de sa venue au festival d’Amiens qui lui rendra un vibrant hommage (le festival se tiendra du 13 au 21 novembre : voir tous les détails de la programmation ici), nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec John Landis pour une interview-carrière au sein du magnifique cinéma Les Fauvettes, spécialisé dans les ressorties de classiques du cinéma, et qui vient d’ouvrir ses portes à Paris.
John Landis, c’est un grand artiste, et des chefs-d’oeuvre à la pelle comme The Blues Brothers, Le Loup-Garou de Londres, Un Fauteuil pour Deux etc… Une rencontre passionnante, cinéphile et riche en anecdotes.
Qu’est-ce que l’on ressent quand on est un artiste et que l’on voit que son travail est reconnu, admiré, et entré dans l’histoire du cinéma. Votre œuvre est jalonnée de films cultes que des générations entières ont retenus, retiennent et retiendront…
John Landis : Je ne sais pas trop… Quels films par exemple, Les Blues Brothers ?
The Blues Brothers, Le Loup-Garou de Londres, Un Fauteuil pour Deux… Il y en a tellement !
John Landis : C’est fantastique, je me sens reconnaissant. Mais vous savez, tout réalisateur a un problème qui est que la façon dont les films sont jugés dépend du business et de leur efficacité commerciale. L’art a toujours été une question de business. Toujours. Il a toujours été soutenu financièrement, les mécènes, l’Église, les rois… Et que vous soyez Michelangelo ou Da Vinci, vous peignez ce que l’on a envie que vous peignez ! Quelque part, on vous dit quoi peindre. Quand on fait des films, on a un peu plus de libertés que ces personnes-là car les temps ont un peu changé. Mais au fond, qu’est-ce qu’un bon film ? Selon la perspective du business du cinéma, un bon film, c’est un film qui rapporte beaucoup d’argent. Mais vous savez et je sais, que c’est complètement ridicule. Parce que beaucoup de grands films ont été des échecs. Et beaucoup de très mauvais films ont été des succès énormes. Les réalisateurs en deviennent un peu schizophrènes parce que vous devez vous battre avec les studios pour vos idées etc… Peter Bogdanovich était un critique de cinéma avant de devenir un très bon réalisateur. Il avait écrit un truc dans les années 60. « Le seul vrai test pour un film, c’est le temps. » Parmi les vrais classiques du cinéma américain, on compte La Vie est Belle de Frank Capra et Le Magicien d’Oz. Deux échecs énormes. Deux films qui ont commencé à rapporter de l’argent grâce à leurs rediffusions à la télévision ! Et pourtant, deux films excellents.
L’histoire de La Vie est Belle est incroyable. Après la Deuxième Guerre Mondiale, un agent a réuni dans une même compagnie, Liberty Films, les meilleurs réalisateurs du moment. William Wyler, George Stevens, Frank Capra, Howard Hawks et John Huston. Cinq réalisateurs. Et ces cinq réalisateurs allaient pouvoir faire des films indépendants. Le premier à se lancer fut Capra. James Stewart, qui était dans l’armée pendant la guerre et qui s’est battu sur le front, n’avait plus été à l’écran depuis trois ans, ce qui est énorme. Donc son premier film à son retour allait être quelque-chose d’important. Capra lui a dit qu’il allait faire ce film sans salaire et lui a demandé de faire pareil. Stewart a accepté et ils ont fait La Vie est Belle. Si vous l’avez vu, c’est un film très sombre, avec une histoire très noire. Le problème, c’est que juste après la guerre, les gens voulaient rire. Ils ne voulaient pas d’histoires sombres, ils ne voulaient pas voir Jimmy Stewart courir dans les rues en essayant de se suicider ! Le public a rejeté le film qui engendra de grosses pertes. Liberty Films a fermé après seulement un film. Quand l’échéance du copyright est arrivée à terme vers 1966, il n’y avait plus de société pour le reconduire. Et le film est tombé dans le domaine public ! Il était donc gratuit et il s’est mis à passer à la télévision en permanence ! Ce n’est que dans les années 70 que la Columbia a fait un remake pour la télévision avec Marlo Thomas et Orson Welles. Ils ont fait ce remake juste pour pouvoir relancer le copyright sur le film de Capra. Résultat, le film est aujourd’hui un classique. Pensez à cela, c’est très intéressant. Comment je ressens tout ça ? Je suis heureux que les gens aiment mes films mais c’est impossible pour moi de penser à l’histoire etc… Je ne peux pas penser dans ce sens mais je suis reconnaissant.
Pour prendre votre immense filmographie dans un ordre un peu plus chronologique, en 1977, vous avez réalisé Hamburger Film Sandwich. Comme Shlock, votre premier film, le ton était burlesque avec une critique très drôle des médias, du système de consommation, de la religion, du conformisme, de l’American way of life. American College qui suivra, avait aussi ce style drôle, féroce, un peu anarchique. C’était important pour vous à cette époque, d’être un jeune réalisateur avec un certain engagement idéologique ?
John Landis : Il y a beaucoup de temps entre tous ces films, six ans entre les deux premiers déjà. Il y a toujours un fond derrière tout ce que vous faites. Et c’est valable quand vous faites un film. Des raisons politiques, des raisons morales, des raisons financières. J’ai fait des films pour des tas de raisons différentes. Mais je ne pense pas que ce soit mon rôle de parler de tout cela, du sens de mes films. Je pense que ça appartient au public, la façon dont il les reçoit et les appréhende. Parfois même, le public y voit des choses que je n’avais pas réfléchi et ça me convient très bien. Il y a deux films pour lesquels je peux vraiment parler des raisons pour lesquelles je les ai fait, The Blues Brothers et Un Prince à New-York. C’était deux films qui ont connu un gros succès.
Alors justement, Les Blues Brothers est le film qui suivra cette période « initiale ». C’est assez drôle, à l’époque, le monde entier était en plein dans la mode du disco, il vivait le disco, il écoutait du disco, il respirait le disco. Et vous êtes arrivé avec un film sur… le Blues ! Qui était en plus considéré comme un genre passé de mode.
John Landis : Je dois The Blues Brothers à la passion de Dan Aykroyd et Jim Belushi pour le Blues. En 1977, c’était en effet la mode du disco, des Bee Gees etc… Le Rhythm and Blues était mort. A cette époque, Dan Aykroyd et Jim Belushi étaient d’énormes stars et ils se sont servis de leur énorme célébrité pour attirer l’attention sur un autre axe. Et ce fut un succès incroyable. Il y a des films que j’aime, d’autres que j’aime moins dans mes succès, mais celui-ci était fantastique. Ce fut une véritable renaissance pour ce courant musical. C’est difficile à concevoir, pour les gens d’aujourd’hui, ce que faire ce film a pu être en 1977. Les gens me demandent parfois comment j’ai pu avoir Aretha Franklin, James Brown ou Ray Charles. Mais ils étaient au chômage à cette époque ! C’était facile de les avoir ! C’est incroyable l’impact qu’a pu avoir ce film et j’en suis très fier. Bien sûr qu’il y a quelque-chose de politique dans cette démarche.
En 1981, dans un genre radicalement différent, vous signez l’un des plus célèbres films d’horreur de la décennie avec Le Loup-Garou de Londres. Le film a deux visages, un côté assez drôle, et un côté assez terrifiant. Quelles étaient vos intentions avec celui-ci, vous souhaitiez vous essayer à quelque-chose de très différent ?
John Landis : Alors, tout d’abord, il faut savoir que j’ai écrit le scénario en 1969, donc avant mon premier film. A l’époque, j’étais assistant de production sur De L’Or pour les Braves de Brian G. Hutton (Kelly’s Heroes – ndlr). J’ai réécrit le script en 1980 mais il est resté quasiment identique à celui que j’avais écrit en 1969. Une petite chose avait changé. Quand j’étais allé à Londres en 1969, il y avait plein de petits cinémas qui passaient des cartoons comme Les Looney Tunes, ce genre de choses. Quand j’y suis retourné en 1980, ces cinémas avaient disparu et avaient été remplacés par des cinémas pornos. J’ai modifié ça dans le script pour rester fidèle à l’ambiance londonienne. Mais sinon, le script est resté le même. J’avais donc ce scénario et j’ai essayé de le faire pendant des années mais on me disait sans arrêt que « c’était trop effrayant pour être drôle » ou que « c’était trop drôle pour être effrayant« . Ma véritable intention était de faire un vrai film d’horreur qui soit sérieux. La raison qui fait que le film est « drôle », c’est que j’ai voulu rendre très réaliste quelque-chose qui ne l’était pas. Les loups-garous n’existent pas. Le personnage dans le film ne prend pas les loups-garous au sérieux. Il est tellement intelligent et sophistiqué, que pour lui, c’est drôle. Si l’on vous prend comme exemple. Imaginez, ce soir, vous allez au cinéma avec un ami. A un moment en y allant, votre ami se penche et vous chuchote à l’oreille « Regarde là-bas. » Et là, vous voyez un mec avec du rouge à lèvre, un visage blafard et une cape. (rires). Vous voyez, vous riez déjà ! Et là, vous traversez la rue et le mec s’approche de vous et vous dit (prenant avec un accent de pays de l’Est – ndlr) « Je vais boirrre ton saaang ! » (rires) Vous riez encore, vous voyez ! Vous vous retournez et là, il se jette sur vous et plante ses dents dans votre coup. Vous avez mal, vous avez peur. Mais à aucun moment, il vous traverse l’esprit que c’est vraiment un vampire. Vous n’allez pas vous dire sérieusement que c’est un type mort-vivant qui boit votre sang. Non, vous allez hurler que c’est un taré. En tout cas, votre première réaction à mon histoire, c’est que vous avez ri. Parce que vous êtes quelqu’un d’intelligent et sophistiqué et que vous ne croyez pas à ces trucs surnaturels. C’est pour ça que Le Loup-Garou de Londres est drôle. Mais ça n’a rien d’une comédie, c’est un film d’horreur avec des morts et tout. Des années plus tard, j’ai fait un autre film, Innocent Blood, qui était plus tourné vers la comédie.
J’y reviendrai justement. Juste après Le Loup-Garou de Londres, vous avez réalisé l’un des clips les plus célèbres de l’histoire. C’était Thriller avec Michael Jackson. Comment êtes-vous arrivé sur ce projet et comment cela s’est passé ?
John Landis : J’étais à Londres, je bossais sur une publicité. J’ai reçu un coup de fil de Michael Jackson, que je ne connaissais pas personnellement. Il m’a dit qu’il était un fan du Loup-Garou de Londres et il était surtout un grand fan du travail qu’avait fait Rick Baker (responsable des effets spéciaux de maquillage, derrière la célèbre séquence de transformation en loup-garou – ndlr) sur la scène de métamorphose. Il voulait que je le transforme en monstre. Je lui ai répondu que j’étais partant mais à une condition. Je ne voulais pas faire un clip de rock. Je lui ai proposé de faire carrément un court-métrage et de le diffuser au cinéma. Il a trouvé l’idée géniale donc j’ai écrit le script. On a donc cherché un budget. Et c’était cher, il fallait un demi-million de dollars. A l’époque, un clip coûtait en moyenne 50.000 $. La maison de disque a refusé. D’autant que l’album tournait déjà depuis un an et était déjà un succès monumental. C’est une longue histoire mais on a trouvé l’argent et on a réussi à faire le clip, qui est devenu un succès lui-aussi. Mais finalement, ce n’était pas le fruit d’une idée brillante, Michael voulait juste qu’on le transforme en monstre, en fait.
Le succès fut incroyable. D’ailleurs, il a même inspiré l’une des plus célèbres chanteuses françaises, Mylène Farmer, qui a illustré deux de ses chansons (Libertine et Pourvu Qu’elle Soit Douce – ndlr) avec des clips de 10 et 18 minutes, avec un vrai scénario, une mise en scène de film etc…
John Landis : Et les clips étaient bien ?
Oui, très bien.
John Landis : Ah, c’est bien ça, je ne savais pas du tout. Il faudrait que je vois ça.
J’ai grandi dans les années 80 et pour moi, Un Fauteuil pour Deux et Un Prince à New-York sont deux de mes comédies favorites qui ont bercé mon enfance. Pourriez-vous nous en parler un peu ?
John Landis : Oh oui, surtout Un Prince à New-York. Un jour Eddie Murphy est venu me voir en me disant qu’il avait une idée pour un film. Son idée, c’était juste Cendrillon ! Il n’y avait rien d’original là-dedans ! Un prince qui vient aux États-Unis et qui tombe amoureux d’une jeune femme d’un milieu plus modeste… Je suis rentré chez moi et j’ai demandé à ma femme Deborah (Nadoolman, costumière de cinéma qui a très souvent travaillé avec son mari sur ses films – ndlr) ce qu’elle pensait de cette idée. A ma grande surprise, elle s’est montrée très excitée par l’idée. Elle m’a dit « Tu sais, les bases sont celles d’un conte de fée. Mais ce n’est pas un conte de fée. On n’est pas en Bavière et ce n’est pas un univers à la Disney avec un beau château féérique etc… C’est en Afrique ! Il y a la possibilité d’inventer un conte de fée africain. » Elle était très excitée en tant que costumière bien sûr. Et là, j’ai réalisé que ce n’était pas un simple conte de fée. C’était une vraie comédie romantique. Le scénario n’était pas encore écrit mais l’idée était déjà là, celle de faire un film avec Eddie Murphy, qui était une énorme star, avec pour essence les populations afro-américaines. Il faut penser qu’avant, à Hollywood, la couleur de peau était un « sujet d’histoire ». Prenez Un fauteuil pour Deux, Eddie Murphy était « le back » de l’histoire. Pareil avant avec Sidney Poitier etc… La couleur de peau était un ressort de l’histoire racontée. Dans Un Prince à New-York, la couleur de peau n’avait strictement rien à voir avec l’histoire. Ça arrive à des gens noirs mais c’est juste une comédie romantique. Et j’adore cette idée parce que personne ne se rendait compte que l’on faisait un pur film afro-américain. On a donc fait Un Prince à New-York et c’est devenu un hit mondial. Même à sa sortie, je crois que les gens ne se rendaient pas compte que c’était un film à propos des afro-américains. Parce que dans le film, ils sont juste traités comme des « personnes » et non comme des « noirs ». Et je suis très fier de cela. Il y a des blagues sur la culture afro-américaine mais au fond, c’est juste une comédie romantique. C’est léger, drôle, Eddie Murphy tient plusieurs rôles différents, mais ça reste à propos des afro-américains.
Vous en parliez un peu tout à l’heure. Aux débuts des années 90, vous avez réalisé un film de vampire, Innocent Blood (1992). Quel regard portez-vous sur ce film, aujourd’hui ? Ce n’est pas le plus connu dans votre filmographie…
John Landis : J’aime bien Innocent Blood, il a un côté un peu sulfureux. Au début, il avait été écrit pour une actrice américaine. Mais pendant que j’étais en pleine pré-production, j’ai découvert Nikita. Et je me suis dit, cette actrice est fantastique. J’ai voulu m’entretenir avec Anne Parillaud et lui dire qu’elle était remarquable. Elle était très belle, elle avait un corps de danseuse musclé mais elle était magnifique. Dans Nikita, j’ai vu ce mélange de force et de vulnérabilité. Dans Innocent Blood, le personnage fait sans cesse des choses hors normes, elle est super-forte, elle peut voler etc… Et j’ai pensé qu’Anne Parillaud pourrait rendre ça crédible. Et elle a accepté. Elle est remarquable et j’ai été heureux de travailler avec elle. Le film a eu du mal aux États-Unis car elle avait un fort accent français et les américains ne comprenaient pas toujours ce qu’elle disait. Mais si je devais le refaire, je ne changerai rien, j’aime ce film comme il est.
Après ce film, vous retrouvez Eddie Murphy pour Le Flic de Beverly Hills 3. C’est assez drôle car dans beaucoup de franchises un peu similaires, le troisième volet est souvent le plus drôle. Le meilleur exemple est celui de la saga des Arme Fatale. Et vous, votre film est au contraire, le plus violent de la série.
John Landis : Je vais vous dire, Eddie Murphy voulait être un héros de cinéma d’action. Il ne voulait pas être drôle. C’était difficile pour lui car les studios voulaient qu’il soit drôle. Mais Eddie était un peu jaloux des Denzel Washington et autre Wesley Snipes. Ces mecs faisaient des films d’action et Eddie voulait être comme eux, comme Danny Glover etc… Il voulait être un héros de films d’action. C’était assez bizarre comme expérience car vous avez raison, le film n’est pas très drôle. Il est très violent. Je ne l’aime pas trop d’ailleurs, je ne pense pas que ce soit un bon film. Mais ce fut un gros succès. J’essayais de le rendre drôle et il s’exécutait mais ça a rendu le tournage assez bizarre car il ne voulait pas être drôle.
Une chose a piqué ma curiosité. Dans Innocent Blood, il y a une tonne de caméos. On voit Dario Argento, Tom Savini, Frank Oz, Sam Raimi et d’autres. Dans Le Flic de Beverly Hills 3, il y a George Lucas, Barbet Schroeder, Joe Dante, Ray Harryhausen, Arthur Hiller, John Singleton… Et on avait déjà vu des caméos par le passé dans vos films. C’étaient tous des amis ?
John Landis : En fait, dans tous mes films, il y a toujours plein de caméos mais on ne les remarque pas toujours. Certains étaient des amis, oui. En fait, dans la plupart de mes films, il y a toujours plein de réalisateurs qui apparaissent. Dans presque tous, sauf American College. C’est juste un petit délire personnel. Dans certains cas, les gens les remarquent quand c’est George Lucas ou Steven Spielberg (il joue un receveur d’impôts dans The Blues Brothers – ndlr) car ils sont célèbres. Mais j’ai aussi eu Robert Wise, Don Siegel, Roger Vadim, Costa-Gavras, Gillo Pontecorvo, Lazlo Benedek, Lawrence Kasdan, Michael Winner et plein d’autres… J’ai dû en avoir une centaine. C’est juste pour le fun. Souvent, ce sont de piètres acteurs mais parfois, il y en a certains qui se révèlent bons.(Steven Spielberg dans The Blues Brothers)
En 1998, vous retrouvez l’univers des Blues Brothers avec un très sympathique sequel (The Blues Brothers 2000 – ndlr). Pourquoi être revenu vers The Blues Brothers ?
John Landis : Dan Aykroyd voulait désespérément refaire un autre film. On avait écrit un sequel il y a longtemps mais Jim Belushi était mort et ça ne s’était pas fait. A l’époque, les gens du studio nous avaient dit « Ok, vous pouvez faire une suite. » Mais les nouvelles personnes en place ont ri à cette idée. Finalement, ça s’est fait mais on a eu beaucoup d’obligations. Il fallait qu’il y ait un « black blues brothers », il fallait qu’il y ait un enfant, et plein de trucs comme ça. Même John Goodman n’a même pas vraiment de personnage écrit. Il est juste là dans le film ! Mais Dan Aykroyd est quelqu’un de très passionné. Il disait (en imitant l’accent de Dan Aykroyd – ndlr) : « On doit mettre un maximum de gens dans ce film« . C’est incroyable le nombre de personnes qui apparaissent. Et la musique est géniale. Je ne suis pas un grand fan du film mais par contre, j’adore la bande originale. On avait pas un très gros budget donc on a dû faire le film très vite. Mais on a quand même cette scène de crash de voitures totalement surréaliste. C’était la plus incroyable, 56 voitures totalement détruites !
Vous aviez d’ailleurs battu le record à cette époque ! (Battu ensuite par le consternant G.I. Joe en 2009 – ndlr)
John Landis : Oui ! Et on l’a tourné en une seule journée en plus ! C’était une folie. Mais la musique est vraiment sensationnelle sur ce film. En plus, elle avait été enregistrée en live grâce aux nouvelles technologies digitales. Et c’est dingue, les personnes que l’on a eu sur ce film. Eric Clapton, Isaac Hayes, B.B. King etc… Le CD de la bande originale est vraiment génial. Le film est fun mais pas génial, lui.
Après ce film, vous avez fait énormément de choses. Un long-métrage avec Susan a un Plan, vous avez participé aux anthologies Masters of Horror, Fear Itself, vous avez réalisé des épisodes de séries télé, des documentaires… Vous avez même gagné un Emmy Award pour le documentaire Mr Warmth : The Don Rickles Project.
John Landis : Oui, Mr Warmth est un film-documentaire très drôle. Même Clint Easwtood est drôle dedans !
Quel était votre état d’esprit du coup, quand vous êtes revenu au film de cinéma après douze ans d’absence sur grand écran ? C’était avec Cadavres à la Pelle (alias Burke and Hare) en 2010…
John Landis : J’ai aimé le script. J’ai eu un immense plaisir à le tourner mais par contre, j’ai eu une très mauvaise expérience sur sa post-production parce que les producteurs ne comprenaient pas à quel point c’était une comédie noire. Ils n’étaient pas très contents quand ils ont vu le résultat et que j’avais engagé Simon Pegg pour faire ça. Mais c’était Burke and Hare quoi, vous n’aviez pas lu leur histoire !? La post-production fut très compliquée mais je pense que le résultat est merveilleux. On l’a fait avec très peu d’argent. J’en profite pour tirer un coup de chapeau à ma femme car les costumes sont fantastiques. C’est intéressant quand vous faites un film d’époque parce que vous voulez être précis mais si vous êtes trop précis, les gens ne regardent pas le film ! Les costumes, l’époque, l’univers est précis. Mais quand vous regardez la peau des acteurs ou leurs dents, elles sont bonnes ! Et en vrai, à l’époque, tout ça aurait dû être horrible, les dents cassées et noires etc… Mais les gens d’aujourd’hui n’ont pas envie de voir ça ! Donc, au final, on ne peut pas être ultra-précis sur tout. Prenez Barry Lyndon. Le film est magnifique mais vu d’aujourd’hui, c’est un choc. Le maquillage est tellement seventies. Ça n’a rien à voir avec l’époque. Finalement, quand vous faites un film d’époque, vous devez un peu l’adapter au public contemporain.
Pour finir, j’aurai une question un peu bête et facile mais que j’aimerai vous poser. Vous avez une filmographie extraordinaire. De quel film êtes-vous le plus fier ?
John Landis : Oh mon dieu, je n’en ai aucune idée. (long silence). Je ne sais pas. Ce n’est pas du tout une question stupide, c’est une excellente question au contraire, mais je n’ai pas la réponse ! Quand je revois mes films, je revois souvent les erreurs que j’ai pu faire. Je pense que Trois Amigos ! est vraiment très drôle. Il n’a pas eu une carrière facile mais je le trouve vraiment drôle. J’aime ce film et j’adore les westerns en général. C’est une époque que j’aurai aimé connaître. J’ai travaillé sur plein de westerns à mes débuts mais je n’en ai jamais fait un en tant que réalisateur. Cela dit, c’est une comédie mais c’est aussi un western ! Walter Hill a dit une fois à propos des studios : « S’ils savaient à quel point c’est fun de faire un western, ils ne nous laisseraient pas faire ! » C’est vrai ! Vous êtes dehors au grand air, avec des chevaux et tout. C’est tellement fun ! J’aurai adoré faire un vrai western… En tout cas, j’aime vraiment Trois Amigos !. Quelque part, chacun de mes films représente quelque-chose à mes yeux, une période différente. Et pour un réalisateur, c’est difficile de séparer le film de l’expérience que l’on a vécu en le faisant. Le Loup-Garou de Londres a été le film le plus facile à faire. Je signais moi-même les chèques, il n’y a eu aucune lutte, et c’était fun. American College (alias Animal House) aussi a été très fun à faire. En partie parce qu’on était jeunes, on était plein d’énergie, on découvrait. Le film a été emballé en 44 jours, on n’avait pas d’argent, le cast était composé de débutants. C’était drôle de voir que Kevin Bacon était dans ce film (son premier rôle – ndlr). Sérieusement, Kevin Bacon ! Il avait 19 ans.
BANDE-ANNONCE THE BLUES BROTHERS – LE 18 NOVEMBRE AU CINÉMA
Propos recueillis et traduit par Nicolas Rieux
Un immense merci à John Landis, ainsi qu’à Jean-Charles Canu, Nicole Medjeveski, Serge Fendrikoff, Louise, et le cinéma Les Fauvettes pour l’accueil.
« Le succès fut incroyable. D’ailleurs, il a même inspiré l’une des plus célèbres chanteuses françaises, Mylène Farmer, qui a illustré deux de ses chansons (Libertine et Pourvu Qu’elle Soit Douce – ndlr) avec des clips de 10 et 18 minutes, avec un vrai scénario, une mise en scène de film etc…
John Landis : Et les clips étaient bien ?
Oui, très bien. »
Bof…