Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Desperate Hours
Père : Michael Cimino
Date de naissance : 2014
Majorité : 09 mars 2016
(Editeur : Carlotta Filmsl)
Type : Sortie vidéo
Nationalité : USA
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Thriller
Livret de famille : Mickey Rourke, Anthony Hopkins, Mimi Rogers, Lindsay Crouse, Kelly Lynch, Elias Koteas, David Morse…
Signes particuliers : Un des rares actes manqués de l’illustre Michael Cimino.
VOYAGE AU BOUT DE LA GALÈRE
LA CRITIQUE
Résumé : Alors que s’ouvre son procès pour tentative de meurtre, le détenu Michael Bosworth parvient à s’échapper du tribunal et à s’enfuir, accompagné par son frère Wally et son ami Albert. Pendant qu’ils attendent Nancy, l’avocate et maîtresse de Michael également complice de son évasion, les trois hommes décident de se cacher dans une maison cossue, appartenant à la famille Cornell. Commence alors une prise d’otages entre le trio en fuite et les quatre membres de cette famille…L’INTRO :
En 1990, le cinéaste maudit qu’était Michael Cimino tente un nouveau retour sur le devant de la scène avec un sixième long-métrage, Desperate Hours, alias La Maison des Otages. Jadis adulé pour son chef-d’œuvre Voyage au Bout de l’enfer, qui lui avait permis de devenir un auteur très prisé des studios, Cimino avait malheureusement vite perdu son crédit auprès des majors après les flops successifs de ses ambitieux La Porte du Paradis puis L’Année du Dragon. Des classiques aujourd’hui considérés comme des œuvres majeures nées de l’esprit d’un géant du septième art (ce qui est vrai au passage) mais qui auront connu des processus de production tumultueux conduisant le metteur en scène au bord du statut de pestiféré, désormais perçu comme un mégalomane intransigeant coulant les studios qui l’emploient (adieu la United Artist avec La Porte du Paradis). Cimino avait tenté de se relever avec Le Sicilien en 1987 mais l’échec fut encore plus criant. Adaptation d’un roman de Mario Puzzo et sorte de spin-off de la saga Le Parrain de Coppola porté par Christophe Lambert, Le Sicilien s’était non seulement planté en salles, mais était apparu dans le même temps, comme le premier gros raté artistique du réalisateur. Trois ans plus tard, Desperate Hours le voit renouer avec son acteur fétiche, Mickey Rourke. Cimino s’essaie au remake, revisitant le déjà nommé La Maison des Otages, classique de William Wyler tourné en 1955 avec Humphrey Bogart et adapté d’un livre de Joseph Hayes. Un trésor du cinéma américain vieux de 35 ans, que Cimino se voyait bien moderniser. Nouvel échec, Desperate Hours passera inaperçu en salles et sera l’avant-dernier effort du brillant artiste, qui tirera précocement sa révérence après son ultime Sunchaser en 1996 (un nouveau flop).L’AVIS :
Autant Michael Cimino n’avait pas eu de chance avec les studios comme avec son public durant plusieurs années de la première moitié de sa carrière, autant son précédent Le Sicilien avait marqué un tournant. Pour la première fois, l’échec du film était en partie à mettre au crédit de l’auteur tant le résultat s’était avéré artistiquement raté (même si la guerre entamée avec ses producteurs qui réclamaient des coupes, l’avait conduit à lui-même saboter le film). Avec Desperate Hours, c’est un peu la même chose qui se reproduit. Pour la seconde fois de suite, il ne s’agira pas d’un film objectivement bon victime d’une injustice et passé à côté d’une carrière qui aurait dû être meilleure, mais pour le coup, d’un nouveau loupé terrible, comme si Cimino avait soudainement perdu la foi et son talent. Du moins, façon de parler et dans une certaine mesure. Notons toutefois à sa décharge que, comme La Porte du Paradis, comme L’Année du Dragon et comme Le Sicilien, Desperate Hours sera lui aussi accidenté par des coupes exigées par ses producteurs, coupes probablement responsables du montage chaotique de ce nouvel effort.A la toute fin des années 80, le nabab Dino De Laurentiis traversait une période compliquée et venait de fermer sa société pour faillite. Désireux de se relancer, le producteur italien eu l’idée de réunir une équipe tout aussi en délicatesse. Mickey Rourke voyait sa carrière emprunter le chemin redouté du déclin après 9 Semaines ½ et Angel Heart, Michael Cimino était devenu un indésirable à Hollywood suite à ses trop nombreux échecs commerciaux, et Anthony Hopkins rêvait de tourner sous la direction de l’auteur de Voyage au Bout de l’enfer. La réunion de talents en présence et la solide histoire originelle ne pouvait que laisser espérer un thriller sombre, dirigé par un virtuose. La désillusion n’en sera que plus cruelle.Par intermittence, Michael Cimino laisse entrevoir des bribes du talent monstre qu’on lui connaissait. Plusieurs séquences de Desperate Hours auront encore de quoi fasciner par leur formidable puissance évocatrice. Meilleur exemple, cette scène d’anthologie avec un David Morse piégé en pleine nature (on n’en dira pas plus pour préserver le suspens). Souvent baroque et excessif, un peu comme si l’on assistait à une œuvre poussive d’un De Palma en méforme, Desperate Hours va surtout précipiter sa chute par une corrélation de mauvaises idées assujetties à une étrange confusion artistique. Le scénario par exemple, qui perd toute sa saveur et sa qualité avec un traitement naviguant entre l’ennui et le grotesque, produisant une multitude de scènes impensables de ridicule, voire de stupidité, s’empêtrant dans les non-sens les plus surréalistes au niveau des actions et des réactions des personnages face aux évènements (mention à toutes les scènes concernant la police). Un grotesque que l’on retrouve ensuite dans la mise en scène de Cimino, qui illustre son histoire avec une noirceur affichant un sérieux implacable et improbable, ne collant jamais avec un esprit lorgnant du côté de la série B extravaguante, perpétuellement dans l’exagération de tout. Les interprétations tout en cabotinage (Rourke décrochera un razzie award) ou l’omniprésence d’une bande-originale exaspérante ne feront qu’achever cette tentative où Michael Cimino tente pourtant de convoquer son éternel regard terrible sur une Amérique en pleine déliquescence, voyant le mal faire irruption au sein de la chose la plus sacrée qui soit, le foyer et la famille, cette dernière étant elle-même déjà rongée par l’effondrement des valeurs unificatrices.Que ce soit dans la cavale ou dans le huis-clos étouffant qui va se fomenter sur les bases d’une prise d’otage psychologique, Desperate Hours ne parvient jamais à concrétiser ses intentions de thriller haletant et iconique, opposant des figures du Bien et du Mal (une famille désunie vs un Rourke diabolique). Aussi incroyable que cela puisse paraître, Cimino ne parvient surtout jamais à apporter un peu de crédibilité à son récit, et même si le remontage opéré pourra peut-être expliquer certaines faiblesses, il sera en revanche impossible de lui imputer toutes les tares qui traversent ce Desperate Hours, capable d’être tour à tour brillant ou terriblement mauvais. Hollywood se sera un peu servi de Cimino comme d’un bouc-émissaire pour maintenir dans le droit chemin, certains de ses auteurs aux ambitions incontrôlées, rappelant si besoin à ces derniers, la dégringolade invraisemblable de ce génie. Le cinéaste ressortira de tout cela avec une amertume doublée d’un profond dégoût pour une industrie qui aura fini par avoir raison de lui et de son talent.
LE TEST BLU-RAY
Alors que Carlotta propose ce mois-ci le somptueux L’année du Dragon du même Cimino dans sa collection Coffret Ultra-Collector (on vous en parle ici), le distributeur en profite pour également éditer Desperate Hours. Sans doute l’un des films les moins appréciés du cinéaste avec Le Sicilien, Desperate Hours méritait tout de même de connaître une édition digne, de sorte à ce que les cinéphiles puissent compléter leur collection « Cimino ». C’est désormais chose faite avec cette galette concoctée à partir d’un nouveau master restauré. Desperate Hours paraît donc enfin pour la première fois en haute-définition, accompagné d’une présentation par l’auteur-journaliste Jean-Baptiste Thoret.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
Exemple de scène coupée au montage finale par les producteurs. Dans un stade Lindsay Crouse qui joue Chandler , l’inspectrice à la trousse du trio de fugitif, pour convaincre la petite amie de Rourke de coopérer (Breyers jouée, par Kelly Lynch) , l’embrasse sur la bouche. Du montage finale on ne voit que Chandler sortir d’ un stade..
Quelques petites précisions par rapport au film. Contrairement à ce qui est dit dans votre article, le ratage du film (tout relatif, ce qu’il reste du film imaginé et réalisé par Cimino est suffisamment bon pour mériter d’être vu) est dû en grande partie au charcutage qu’a opéré le studio, coupant bon nombres de scènes au montage finale. Certains dialogues semblent tomber de nulle part alors qu’ils font références à des scènes coupées par la production. Le projet a été initié par Mickey Rourke , et Cimino s’est laissé convaincre par ce dernier de faire le projet. Hélas , Rourke durant le tournage semble s’être complètement désintéressé par le film, et il entra même en conflit avec Cimino et Anthony Hopkins. L’échec du film n’est donc pas à mettre au crédit de Cimino mais de la production Laurentis et à Rourke qui n’est pas à la hauteur du rôle tenue par le formidable Bogart dans la version de Wyler.