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CIVIL WAR d’Alex Garland : la critique du film

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Spectateurs

 

Nom : Civil War
Père : Alex Garland
Date de naissance : 17 avril 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h49 / Poids : NC
Genre : Thriller

Livret de Famille : Kirsten DunstWagner MouraCailee Spaeny, Stephen McKinley Henderson, Jesse Plemons, Nick Offerman…

Signes particuliers : Quelle claque !

Synopsis : Dans un futur proche où les États-Unis sont au bord de l’effondrement et où des journalistes embarqués courent pour raconter la plus grande histoire de leur vie : La fin de l’Amérique telle que nous la connaissons.

LA CHUTE DE LA MAISON BLANCHE

NOTRE AVIS SUR CIVIL WAR

C’est l’un des films les plus attendus de l’année. Parce qu’Alex Garland (l’excellent Ex Machina), parce que son sujet (l’Amérique en pleine néo guerre civile), parce que sa présentation réussie au festival SXSW (conclue par des réactions dithyrambiques). Et aussi parce que tant sa superbe affiche que son époustouflante bande-annonce donnaient l’eau à la bouche. Oublié le très (trop) perché Men, maladroite allégorie horrifique sur les figures masculines toxiques, Alex Garland braque son volant à 180º pour virer du côté du thriller politique direct et droit au but, aussi violent visuellement qu’idéologiquement. Avec Civil War, le cinéaste imagine une civilisation américaine en pleine chute alors que le pays a basculé dans la guerre civile après la tentative de sécession de plusieurs Etats et la riposte musclée du Président en place. Un groupe de journalistes d’une grande agence de presse tente de traverser le pays pour rejoindre Washington où devrait se jouer l’épilogue de longs mois de conflit fratricide. En chemin, ils vont être témoins de la guerre sous toutes ses formes.
L’effondrement de l’Amérique. Cette thématique retournée, labourée, rabâchée depuis si longtemps par tout un tas de films et de cinéastes spectateurs de la déliquescence d’une Nation qui n’est plus aussi « great » que ne le voudrait Donald Trump. Cet effondrement, certains l’ont traité frontalement, d’autres plus subtilement voire métaphoriquement. Certains ont filmé la destruction au premier degré, d’autres le désenchantement des valeurs, des rêves ou d’un modèle. Certains l’ont fait par le drame, d’autres par l’action, le thriller, l’horreur ou la comédie. Du récent Le Monde Après Nous au cinéma des Coppola, Ferrara, Scorsese, De Palma, Oliver Stone en passant par celui des Romero ou Jordan Peele, la société américaine qui collapse est un sujet de longue date qui peut être approché de mille et une manière et pour dire mille et une choses. Mais avec toujours dans le viseur, cette idée d’une Nation qui dévisse, perdant de son unité, de son âme, de sa force. 2024, Alex Garland s’en empare à son tour avec une nouvelle vision, forte, puissante et surtout pertinente, captant le climat de chaos actuel pour en tirer une fable d’anticipation intense, passionnante et terrifiante. Il s’est écoulé des années politiquement difficiles qui ont créé une fracture dans l’Union, il y a eu un Président incontrôlable, il y a eu un symbole bafoué avec l’attaque du Capitole, et il y a toujours une Nation plus que jamais divisée avec des camps qui se haïssent. Et si cette réalité tangible continuait de croître dans la folie et les extrêmes au lieu de prendre fin ? « Oui mais bon, de là en arriver à une Guerre Civile… » diront certains. Soit. Mais il y a cinq ans, personne n’imaginait que le Capitole serait un jour attaqué par une horde de supporters d’un Président fou, rejetant les règles de la Constitution pour venir « prendre le pouvoir ». Alex Garland s’est nourri de tout cette actualité brûlante pour nous pondre… la bombe de l’année !
Civil War est un film quasi parfait, à la fois thriller d’une intensité rare et brûlot politique gonflé à bloc, dressant le portrait fascinant d’un futur proche où toute une civilisation s’écroule dans la violence qu’elle a contenu pendant trop longtemps, jusqu’à ce que la marmite implose en emportant tout sur le passage de son onde de choc. Un sacré miroir tendu à l’Amérique d’aujourd’hui confrontée à des divisions et fractures idéologiques profondes avec une haine accrue comme dénominateur commun à ces camps inconciliables. Et Civil War de décrypter à la perfection ce que pourraient être les enjeux d’une guerre civile moderne sur le sol américain. L’allégorie sur la réelle proximité du point de bascule est assez évidente (et assez flippante aussi). L’extrême intelligence d’Alex Garland est d’avoir fait de ses protagonistes principaux, des reporters de guerre. Ils ne sont là ni pour agir ni pour juger, seulement pour photographier et filmer afin que d’autres commentent ensuite. Ils n’ont pas de point de vue, ils ne sont engagés dans rien, ils sont de simples témoins pour l’Histoire. Rien que cette idée follement maligne permet au cinéaste de s’extraire de tout positionnement politique (même si les origines du film tendent à dessiner un) pour faire la simple démonstration d’une escalade horrifiante. Horrifiante, car ce qui choque le plus dans Civil War, c’est l’absolue crédibilité de ce qu’il raconte. Pour la faire courte, dans une Amérique trumpiste (et on est loin d’être à l’abri de son retour), tout ce que montre le film pourrait arriver très très vite. L’impact du film en est décuplé, Civil War est effroyablement glaçant. D’autant que Garland ne nous épargne rien dans un raisonnement très construit et fruit d’une fine analyse post-politique. La guérilla dans les grandes villes, les dérives dans les états rednecks profonds, la puissance d’armées divisées dans un pays aussi immense, la dangerosité de l’engagement dans une Nation où tout un chacun est armé…
Le fond de Civil War pourrait nourrir des débats à n’en plus finir tant Alex Garland fait preuve d’une intelligence implacable dans sa démonstration. En espérant qu’il ne soit pas pris de travers par un public terre-à-terre capable d’y voir la crédibilisation d’un possible acte de soulèvement. Mais Civil War n’est pas que ça, il n’est surtout jamais une thèse d’anticipation politique pompeuse. Garland a opté pour le thriller choc et son sens du spectacle immersif ne sera pas laissé sur le bas-côté. Au programme, il va y avoir du thriller frissonnant, des scènes extraordinaires, des moments d’action sidérantes et des images marquantes qui foutent du coton dans les jambes. La virtuosité d’une mise en scène à se prosterner devant tant de beauté et d’esthétisme artistique, l’intelligence de chaque plan et la clairvoyance de l’écriture, le montage au cordeau, l’élaboration de scènes relevant du pur génie, la tension et le suspense qui règnent en maître dans un film capable de surprendre, de choquer, d’émouvoir aux larmes ou de couper le souffle (c’est littéralement en apnée que l’on traverse la dernière partie du film), tout cela se met en ordre de marche et au diapason pour s’activer au service d’un thriller hyper-haletant et par moments ultra-spectaculaire, marqué par une noirceur nihiliste qui prend aux tripes et à la gorge. Ultra-spectaculaire disait-on… Civil War a coûté 50 millions de dollars soit que dalle dans le système de production hollywoodien actuel. Pour un si petit budget sans doute équivalent au budget parking d’Universal pour y garer l’égo de Vin Diesel, Alex Garland nous gratifie de séquences visuellement ahurissantes de force de frappe, voire parmi les séquences d’action à haute intensité les plus incroyables que l’on ait vu depuis des lustres avec les pitreries cascadées de l’ami Tom Cruise.

Seul regret dans un film alors conjugué au presque-parfait, une scène finale brillante dans ce qu’elle dit de ses personnages mais un brin convenue et téléphonée dans l’exécution. On a frôlé le 5 étoiles. Quand le thriller-spectacle captivant rencontre la fable politique puissante, cela nous donne un film immense, un film qui hante longtemps, un film porté par des comédiens exceptionnels et un cinéaste qui maîtrise autant son propos que l’attention de spectateurs absorbés et dans l’impossibilité de descendre d’un TGV lancé à toute vitesse. A la croisé du film post-apocalyptique, du thriller de guerre, du film d’action et du portrait glaçant de l’Amérique actuelle divisée, chaotique, violente et gangrenée par sa culture de l’extrême démesure, Civil War est un film ÉNORME !

 

 

Par Nicolas Rieux

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