Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Civil War
Père : A. et J. Russo
Date de naissance : 2015
Majorité : 27 avril 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h26 / Poids : NC
Genre : Action, Superhéros
Livret de famille : Chris Evans, Robert Downey Jr., Scarlett Johansson, Sebastian Stan, Paul Rudd, Anthony Mackie, Jeremy Renner, Don Cheadle, Elizabeth Olsen, Chadwick Boseman, Frank Grillo, Daniel Brühl, Martin Freeman, Emily van Camp, William Hurt, Tom Volland, Gwyneth Paltrow…
Signes particuliers : Le meilleur Captain America, mais un film moyen quand même.
LA GUERRE EST DÉCLARÉE !
LA CRITIQUE
Résumé : Steve Rogers est désormais à la tête des Avengers, dont la mission est de protéger l’humanité. A la suite d’une de leurs interventions qui a causé d’importants dégâts collatéraux, le gouvernement décide de mettre en place un organisme de commandement et de supervision. Cette nouvelle donne provoque une scission au sein de l’équipe : Steve Rogers reste attaché à sa liberté de s’engager sans ingérence gouvernementale, tandis que d’autres se rangent derrière Tony Stark, qui contre toute attente, décide de se soumettre au gouvernement…L’INTRO :
La Phase III du Marvel Cinematic Universe est en marche ! Et c’est le très attendu Captain America : Civil War qui a eu l’insigne honneur de se charger de ce lancement en grande pompe. Super-méga-giga-blockbuster surgonflé aux stars et aux dollars, Civil War insuffle un arc narratif désormais classique (et inéluctable) de tout univers de super-héros, le moment où les éléments en présence s’affrontent sur fond de conflit idéologique et de divergences d’opinions. Cherchant à rester dans la veine d’un gros spectacle doublé d’un léger sous-texte politisé, ingrédient qui avait plutôt séduit les fans sur le précédent Winter Soldier, ce troisième chapitre de la saga du « Captain patriote » réunit à nouveau une armada d’Avengers, au point que le film a parfois pu être qualifié d’Avengers 3 bis déguisé. Il faut avouer qu’en dehors de Thor et de Hulk, la quasi-totalité des héros de la franchise voisine est de ce rendez-vous qui enregistre de surcroît, les arrivées de quelques petits nouveaux, Spider-Man, Ant-Man et Black Panther en tête. Précédé de critiques élogieuses venues des Etats-Unis, Civil War est-il à la hauteur de sa réputation ? L’heure est au verdict…
L’AVIS :
Et malheureusement, le verdict est un mélange de oui et de non, d’emballement et de frustration, de contentement et de déception. Dans les faits, Civil War est peut-être l’un des meilleurs volets de la saga Captain America, même si certains continueront sans doute de lui préférer l’apprécié Winter Soldier, pour sa soi-disant profondeur très très surévaluée. Une chose que l’on ne pourra pas lui enlever en tout cas, c’est que Civil War est fun. Très fun. Sans trop céder à l’avalanche excessive d’action au point de noyer son scénario dans l’esbroufe la plus totale (comme cela a pu être le cas sur les Avengers par exemple), ce nouveau volet parvient à trouver un certain équilibre précaire entre une histoire travaillée et des moments de bravoure épiques, entre des temps forts et des temps reposés, entre le développement d’une vraie intrigue et des envolées dantesques caressant dans le sens du poil, le spectateur venu chercher une haute dose de spectacle qui dépote. Sur ce point, Civil War fait le job et il le fait plutôt bien, à l’image de cet intense et monstrueux combat sur un tarmac d’aéroport (vu dans le trailer) dont on ne pourra que vanter le résultat somme toute assez explosif et jouissif.
Côté personnages, on aura beaucoup entendu parler de la présence d’un nouveau Spidey et de l’arrivée de Black Panther. Et là aussi, on ne pourra que se réjouir de voir que les louanges n’auront pas été (totalement) mensongères, le nouveau Spider-Man est plus que cool. Incarné par le jeune Tom Holland, l’homme-araignée vient apporter un petit vent de fraîcheur dans cette grosse foire d’empoigne où nos Avengers se foutent sur la gueule. Drôle, vif, séduisant, ce Spider-Man version 2016 est l’attraction de Civil War et si son rôle reste quand même coincé entre le clin d’œil et la présence assez conséquente, il aura pour lui d’intervenir dans la meilleure partie du long-métrage et de lui apporter un « plus » incontestable. Une fonction de valeur ajoutée que Black Panther a en revanche plus de mal à assumer. Si Chadwick Boseman (Get on Up) assure une prestation propre, nette et sans bavure, son Black Panther souffrira un peu de la sur-quantité de protagonistes dans un film incapable de pouvoir tous les traiter avec le respect qu’ils méritent. C’est d’ailleurs l’une des limites de Civil War, qui a vu très grand, peut-être trop grand, au point de devoir employer quantités de raccourcis, de ficelles et de sentiers expéditifs pour arriver à bon port, faute de pouvoir condenser autant de choses en si peu de temps (et certains personnages de tomber dans l’affaire comme des cheveux dans la soupe). En dehors de ses quelques figures dominantes (Captain America, Iron Man, La Veuve Noire), le reste de la distribution semble ainsi condamner à animer le décorum d’un récit presque trop dense pour ses fragiles épaules.
Et par effet de vases communicants, on en vient au scénario en lui-même. Un scénario qui souffre de l’éternelle comparaison avec le grand rival de Marvel : DC Comics. La guéguerre que se livre les fans commence à tourner à vide depuis un bon moment tant il semble inutile de chercher à mettre en parallèle deux philosophies radicalement différentes. Mais là où la comparaison deviendrait presque inévitable, c’est dans le fait que Civil War semble réellement lorgner du côté de la noirceur de son voisin. L’idée même de développer un affrontement entre super-héros aux allures de tragédie mythologique, amène forcément Civil War du côté d’un ton plus sombre qu’à l’accoutumée, ton généralement revendiqué par les œuvres DC. Et c’est là que le bas-blesse cruellement. Civil War veut être plus dark, on le sent à chaque minute qui passe alors que se prépare sa fameuse « guerre civile ». Mais parce que Marvel n’a jamais eu ce don d’aller jusqu’au bout des choses dans ce type de vision, Captain America 3 semble être dans une retenue presque agaçante, retenue qui finit par gâcher ses qualités. Lorsque les enjeux se cristallisent, lorsque la tension tente de grimper, on aimerait voir le film virer plus ouvertement vers une certaine forme de cruauté dramatique, tenter de s’aventurer vers un paroxysme tragique. Mais Civil War s’en révèle vite incapable, ses enjeux manquent de caractère, souffrent d’un traitement demeurant toujours trop sage, ne parviennent pas à se hisser vers l’émotionnellement déchirant. Alors que Batman V Superman venait tout juste lui-aussi de rater sa dimension d’affrontement par un sabotage complet de ses enjeux, le constat est finalement sans appel, à ce jour, seule la saga X-Men aura su vraiment traiter correctement de la question d’un affrontement idéologique entre super-héros en lui associant avec poigne et intelligence, un vrai contexte politique. Cherchant à faire à la fois trop simple sur le fond et trop compliqué sur la forme (ou l’inverse), le script de Civil War passe à côté de la grandeur qu’il aurait pu embrasser avec davantage de talent et des intentions plus audacieuses. Témoin, la présence à l’utilité discutable d’Helmut Zemo (Daniel Brühl) qui rajoute une couche de récit et permet d’injecter un « méchant » dans un film qui aurait probablement gagné en émotion s’il s’en était justement passé pour mieux valoriser l’affrontement dramatique de ses têtes fortes et nouer tout son esprit autour de leurs divergences d’opinions.
Sur un mode mineur, Captain America : Civil War témoigne tout de même d’une qualité de spectacle non négligeable. Articulé autour d’une intrigue, certes parfois fumeuse (limite fumiste) mais globalement rédigée avec adresse, le film des frères Russo distrait au-delà de son absence de finesse dommageable compte tenu des thématiques qu’il tente d’explorer avec ses deux neurones et demi. A la tête de ce mastodonte ultra-spectaculaire, les frères Russo sont justement l’autre gros point noir du film. On espérait, sans trop y croire, que le duo aurait peut-être croisé la route du talent depuis Winter Soldier. Pas de chance, ce dernier n’est pas venu jusqu’à eux, ni par la Poste ni via une pochette surprise. Toujours aussi mauvais yes-man qu’ils sont, les Russo étalent leurs faiblesses quasiment à chaque minute du film. Si cette fois le tandem parvient à montrer quelques aptitudes de mise en scène au détour de séquences plutôt bien réalisées (voire même inspirées), c’est le montage qui viendra détruire toute leur bonne volonté et qui gâchera leurs tentatives (à moins qu’il ne soit que le résultat d’une réalisation chaotique et irrattrapable sur la table de montage). Catastrophique, parfois illisible, over-découpé à la machette et multipliant les plans d’un quart de seconde à faire passer Michael Bay pour un cinéaste contemplatif, le montage de Civil War est une aberration artistique abominable qui ôterait presque son caractère fréquentable à l’affaire, s’il n’était pas de justesse rattrapé par le dynamisme et une histoire proposant quelque-chose d’un brin plus intéressant qu’une énième bastonnade entre des super-héros et des super-vilains.
Civil War se voulait plus mature et plus ambitieux que la plupart des autres productions Marvel, conjuguant grosse attraction distrayante et effort de profondeur narrative assujettie à des enjeux plus intenses et intelligents. On pourra lui concéder de réussir son pari… mais alors seulement au regard du très faible niveau de ses prédécesseurs en la matière. Oui, Civil War est un cran au-dessus de pas mal de ses p’tits copains, mais il reste quand même assez éloigné du vrai bon film total, devant lequel on s’inclinerait tête basse en ayant rien à redire. Traversé de défauts, souvent brouillon (dans l’écriture comme dans la mise en scène) et trop limité pour pouvoir vraiment gérer ses ambitions gigantesques, qu’il finit d’ailleurs par isoler pour mieux les traiter petitement et sans génie, Civil War est regardable et pas trop agaçant, dénué d’émotions mais servi avec quelques soupçons de rire bienvenus (essentiellement via Spider-Man, Ant-Man et Hawkeye) et il assure le divertissement que nombreux viendront y chercher. Très éloigné des comics, notamment dans l’élaboration des enjeux de sa « guerre », on lui reprochera enfin la même constante typique de chez Marvel, cette fâcheuse tendance de davantage vouloir penser et faire ressembler toutes leurs œuvres à de gros films d’action impersonnels et non à de purs films de super-héros mythologiques dans l’âme, l’esthétique et la mise en scène. En résumé, calibré pour être efficace à défaut d’être véritablement qualitatif, Civil War amuse et réussit quelques tours de passe-passe (faut le reconnaître) mais pour la claque attendue, on repassera une prochaine fois car non, on ne tient pas un sommet du genre, loin de là.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux