Mondociné

SURVIVRE de Baltasar Kormakur
DVD – critique (drame)

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Spectateurs

20521238.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMondo-mètre :
note 6
Carte d’identité :
Nom : Djúpið (alias The Deep)
Père : Baltasar Kormakur
Livret de famille : Ólafur Darri Ólafsson (Gulli), Þorbjörg Helga Þorgilsdóttir (Hallas), Theódór Júlíusson (Gullis Vater), Björn Thors (Hannes), Jóhann G. Jóhannsson (Palli), Maria Sigurdardottir (Gullis), Thröstur Leó Gunnarsson (Larus), Guðjón Pedersen (Erlingur)…
Date de naissance : 2012
Majorité au : 24 avril 2013 (en salles)
Nationalité : Islande
Taille : 1h36
Poids : 2 millions €

Signes particuliers (+) : Survivre est de ces films troublants qui parviennent à étrangement fasciner derrière leurs défauts évidents. Récit atypique tiré d’une histoire vraie, il nous plonge avec poésie et intimisme dans ces contrées reculées d’une Islande peuplée de pêcheurs au quotidien que l’on devine difficile, pour nous embarquer comme une lame de fond dans un dramatique naufrage flirtant avec la lisière du fantastique sans jamais y versé. Une curiosité qui mérite un petit détour.

Signes particuliers (-) : Dommage que Kormakur parasite son histoire par une narration à la construction bancale, traversée de flashbacks intempestifs maladroitement insérés le conjuguant au plus-qu’imparfait.

 

VIVRE ET SURVIVRE

Résumé : Hiver 1984, un chalutier sombre en pleine nuit au large des cotes islandaises. Les membres de l’équipage se retrouvent plongés dans l’eau glaciale…

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L’INTRO :

2013 est incontestablement l’année de l’eau. Entre les prises d’otage au large des côtes somaliennes dans Hijacking ou Captain Phillips, les histoires d’aventures épiques du nordique Kon-Tiki ou du blockbuster L’Odyssée de Pi dont le succès s’est poursuivi en début d’année, la fable humaniste française En Solitaire ou l’intense récit d’une survie dans All is Lost, le cinéma a littéralement investi les océans et semble s’y plaire. Au milieu de cette nuée de productions maritimes, un petit film islandais s’est frayé, sans faire de bruit, un chemin caillouteux vers les salles en avril dernier : Survivre, alias The Deep à l’international. La chronique d’un fait divers insolite incroyable, qui pourrait laisser fortement perplexe s’il n’était pas inspiré d’une authentique histoire vraie pour la moins surprenante.

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Survivre est l’avant-dernier film du réalisateur insulaire Baltasar Kormákur, récupéré depuis par le tout-puissant Hollywood où il a tourné le récent actioner 2 Guns avec Mark Wahlberg et Denzel Washington. Auparavant, ce théâtreux de nature s’était distingué avec des films tels que 101 Reykjavík ou La Mer avant de partir faire ses armes aux Etats-Unis dans des coproductions ou des productions purement yankees. Il a notamment signé Crime City, Etat de Choc avec Forest Whitaker ou encore Contrebande déjà avec Wahlberg et Kate Beckinsale. Avec ce drame marin prenant place sur l’île islandaise de Heimaey, Kormakur nous entraîne avec tendresse dans l’univers singulier des pêcheurs islandais du fin fond de l’île et illustre la tragique mais on ne peut plus véridique mésaventure de Guðlaugur Friðþórsson, matelot dont le bateau de pêche chavira une nuit glaciale de mars 1984 à près de six kilomètres des côtes. Un récit d’endurance, de lutte et de courage stupéfiant qui pourrait presque passer pour un fiction incongrue pour ne pas dire fantastique si quelques archives en toute fin de film ne venait pas replacer dans la réalité ce petit film d’auteur aux ambitions grandes.

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L’AVIS :

Avec ses personnages d’autochtones typiques aux visages marqués, mal rasés, vieux pull et clope au bec, Survivre nous attire dans un monde singulier. Baltasar Kormakur s’imprègne de l’ambiance de ces ports de pêche reculés, des gens qui en animent la vie, des petits détails qui régissent le quotidien de ces vaillants partant braver les eaux glacées. D’emblée, on a presque l’impression de se retrouver avec eux dans ce froid renforcé par la brise marine que seule la gnôle et la café très fort peuvent combattre en apportant chaleur et réconfort devant la dureté des conditions de vie. Cette impression d’immersion, le cinéaste va alors s’attacher à la cultiver de sorte à décupler l’efficacité de son intense moment de bravoure central, une catastrophe filmée avec force, réalisme, souci de l’épure et concision, donnant à cette petite œuvre un visage bien plus puissant que bien des blockbusters roulant au même type de mécanique dramatique.

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Loin des canons des aventures épiques du genre, privilégiant sa force brute sans effets spéciaux et son ambiance de mystère, Survivre est un film étrange et paradoxal, affichant un double visage perturbant, à la fois petit bijou original et singulier et œuvre bancale contrariée par des maladresses évidentes, au point de curieusement ressembler à l’arrivée, à une sorte de « mini-merveille ratée », œuvre aux deux facettes antagonistes. Frustrant…  Car le film a cette particularité de faire se côtoyer l’étonnamment excellent et un réel moins bon qui contrecarre sa lancée. D’un côté, Kormakur développe un récit de survie et d’endurance fort, poignant, cruellement réaliste, s’engageant dans une voie aux antipodes de ce qu’à pu faire le cinéma traditionnel sur la question, d’une en se drapant d’une enveloppe naturaliste tournant le dos à l’aventureux spectaculaire et grandiloquent et de deux en se structurant autour de deux blocs distincts, d’abord le drame ultra-vériste et presque viscéral, puis ensuite développant dans une seconde partie de son récit, un étonnant regard sur l’après-catastrophe, thématique rarement abordée habituellement. Il faut dire que l’histoire de ce marin dans toute sa globalité, de la catastrophe à ses conséquences, avait de quoi nourrir un récit passionnant, ici articulé comme une chronique à la souplesse déroutante.

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Avec son événement tragique comme point de jointure entre ses deux blocs, Survivre était intelligemment pensé, autant qu’il n’est par à-coups réalisé avec un brio foudroyant et fascinant. L’ambiance très typique suintant l’authentique, l’atmosphère sourde, la tendresse et la sensibilité qui se dégagent de ses personnages attachants, le caractère social en suspens derrière le récit premier, la sobre interprétation forte de ses comédiens, donnent beaucoup de personnalité à cette œuvre qui a au moins pour elle ce mérite, ce dont tant d’autres en manquent cruellement. Mais dans la forme, avec sa structure éclatée multipliant les anecdotes parallèles qui surgissent au milieu du récit central, Kormakur infléchit la courbe de la puissance interne de sa pépite. Le cinéaste n’a de cesse de parasiter son histoire principale en voulant déployer trop de choses en trop peu de temps et certaines ramifications peinent à montrer clairement ce qu’elles veulent apporter au récit. Dans une certaine confusion empreinte de maladresse, on apprend par exemple en flashbacks tournés façon film en super 8, qu’une éruption volcanique a traumatisé les habitants de ce petit village de pêcheurs islandais qui avait dû être alors évacué. Ces écarts intermittents à la narration accouplés à des souvenirs qui remonte alors que grandit le désespoir de s’en sortir, sont désagréables en ce qu’ils gênent la fluidité de la progression dramatique dans cette façon qu’ils ont sans cesse et involontairement, de briser l’immersion dans ce drame flirtant avec la lisière d’une étrange ambiance fantastique renforcée par des plans sous-marins parfois abscons et qui n’ont pas toujours un intérêt évident.

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The Deep est au final une curiosité vraiment atypique à tous les égards. Un récit catastrophe traité par le prisme du drame humain mais avec cette fâcheuse tendance à se perdre un peu dans une évolution manquant d’exigence et surtout qui a voulu tenter le pari de la différence sans en mesurer les dangers. L’effort de Kormakur ne manque pas de charme, d’autant qu’il parvient à s’attirer un indéniable capital sympathie au point que l’on en vient à vouloir aimer à tout prix ce petit film intimiste qui a la folie de ses modestes grandeurs. Dommage que le metteur en scène n’ait pas su comment bien gérer ses idées, notamment dans leur agencement. La première partie est courte, presque trop pour que l’on ait vraiment le temps de s’y adonner pleinement alors qu’elle parvient à atteindre la maestria de sensations saisissantes. La seconde glisse sans cesse sur le verglas de ses intentions et passionne un peu moins par sa manière d’être racontée, ces flashbacks intempestifs n’ayant de cesse d’entrecouper la route de la beauté de cette histoire filmée avec une sobriété bouleversante. Peut-être par manque de budget, Survivre compose et essaie d’étoffer son récit en l’étirant par de mauvais choix de mise en scène et de montage qui en affaiblissent l’impact. Si l’on coupe l’inutile, The Deep prendrait du coup des allures de moyen-métrage et c’est bien dommage car à l’opposé, il mériterait clairement d’être rallongé sur certains points.

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Survivre est définitivement un film étrange. Autant on en perçoit les évidentes carences et on le voit s’enliser un peu dans ses effets rhétoriques, autant son atmosphère poétique résolument hyper-réaliste et dans le même temps teintée de fantastique, trouve le moyen de nous conquérir par son cachet marqué. On se demande finalement si ce ne serait pas l’originalité du mélange chronique-aventure-drame quasi-documentaire qui trouble la fascination éprouvée  envers cet effort délicat, parfois magnifique. Dans tous les cas, au-delà de ses imperfections, on adoube cet exercice imparfait, sonnant parfois comme un acte manqué, mais curieusement très plaisant.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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