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RAMPART – critique (drame policier)

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Carte d’identité :
Nom : Rampart
Père : Oren Moverman
Livret de famille : Woody Harrelson (Dave Brown), Steve Buscemi (Bill), Ice Cube (K. Tymkins), Ben Foster (Terry le SDF), Robin Wright (Linda), Sigourney Weaver (J. Confrey), Anne Heche (Catherine), Jon Bernthal (Horan)…
Date de naissance : 2011
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h48 – Budget NC

Signes particuliers (+) : Un beau drame policier intimiste marqué par l’interprétation bouleversante de Woody Harrelson

Signes particuliers (-) : Une mise en scène un peu trop maniériste et un film frustrant faute de savoir comment développer davantage son scénario pour lui injecter puissance et force. Un semi-échec.

 

DESCENTE DE POLICIER

Résumé : Dave Brown est un policier à l’ancienne, un peu trop radical dans ses méthodes et vivant pour son métier. L’accumulation de problèmes avec sa hiérarchie et sa famille due à ses dérapages, le pousse dangereusement au bord d’un précipice vertigineux…

Rampart est un projet étrange qui laisse songeur sur les intentions de ses producteurs en se lançant dans l’aventure. Une adaptation d’un auteur majeur (James Ellroy), un traitement intimiste, sérieux et profond, faisant du film une évidente bête de festivals, une star en tête d’affiche (Woody Harrelson) et un casting impressionnant réunissant dans de plus ou moins seconds rôles, rien de moins que Steve Buscemi, Ice Cube, Ben Foster (également producteur), Robin Wright, Sigourney Weaver ou encore Anne Heche. On s’attend alors à un minimum d’ambitions concernant le devenir et l’avenir de cet étonnamment petit budget traitant de la descente aux enfers d’un policier violent du LAPD en proie à des difficultés professionnelles résultant de dérapages dans son métier mais aussi personnelles au travers des relations tendues qu’il entretient avec son atypique famille, femme et filles. Pourtant, une sortie purement technique aux Etats-Unis, sur seulement cinq écrans à travers le pays avant que le nombre de salles le diffusant monte jusqu’à une ridicule centaine d’écrans condamnant tout succès potentiel pour ce second film du réalisateur Oren Moverman, auteur précédemment de The Messenger en 2009, un drame sur fond de guerre réunissant déjà plusieurs des acteurs ici présent (comme Harrelson, Buscemi ou Ben Foster) et qui n’a connu qu’une sortie directement en DVD chez nous, courant 2012.

Pourtant, à la vue de ce que nous envoie le cinéma américain régulièrement, Rampart n’a pas à rougir de son statut de petite production. Intéressant sur le fond, le film de Moverman est certes très maladroit dans la forme et bancal à bien des égards mais n’est pas, pour autant, dénué de qualités. Comme Defendor il y a quelques temps (même si ce dernier était très supérieur qualitativement), Rampart vaut en premier lieu pour l’exceptionnelle prestation sourde de son comédien vedette, un Woody Harrelson tout en profondeur qui, s’appuyant sur le jeu torturé qu’on lui connaît, livre une composition étourdissante donnant corps à ce personnage de flic déchu, dans le viseur de sa hiérarchie, cible des médias et de la population et rejeté par sa famille. Un personnage misérabiliste ? Pas du tout. Car sur bien des points, le « l’intègre » policier Dave Brown a ses torts. Psychologiquement abîmé, perdu, il a du mal à canaliser ses démons intérieurs, sa violence qu’il laisse éclater dans son métier, animé par une profonde foi en la justice, mais sans discernement. Un métier qui se mue en exorcisme de son mal-être amenant à la partie de sa vie qui nous raconté ou, comme une lame de fond revenant sur lui pour le piéger,  ses exactions vont finir par avoir des conséquences. Et ce cow-boy faisant régner non pas la loi mais sa loi, d’être pris dans les affres d’un déchaînement le poussant au bord du précipice.

Rampart s’articule autour de deux thématiques fortes. D’un côté, la critique du système policier américain contradictoire qui règle les problèmes en s’auto-trahissant, en enfreignant ses propres règles et en fermant les yeux sur ses propres dysfonctionnement. D’autre part, la chute morale, mentale et physique d’un homme dont l’instabilité jaillissante le conduit tout droit vers une destinée tragique quasi-écrite. Et pour ce faire, Moverman s’appuie sur un anti-héros typique de l’univers de James Ellroy. Un homme perdu dans sa vie, qui ère, qui réagit plus qu’il n’agit. Dave est violent, mais tendre et touchant en famille. Dave est raciste mais pas contre une population en particulier puisqu’il avoue détester tout le monde de toute manière. Dave est sans pitié et pourtant presque attendrissant dans sa relation avec un SDF qu’il prend à la fois comme défouloir, indic et ami. Le résultat donne plus de pitié que de colère, plus de compassion que d’empathie pour cette « belle » ordure qui n’agace pas mais qui nous attriste.

Moverman avait de bonnes cartes en main pour livrer un drame policier tout en sensibilité et pouvait compter une fois de plus sur le talent de son acteur pour faire le métier et s’immerger en profondeur dans les méandres psychologiques de son personnage. Dommage alors qu’il échoue alors sur bien des points, consumant une grande partie des qualités de son œuvre partie au départ pour marquer et qui laisse au final un amer goût d’inachevé, d’inabouti et de frustration. Mise en scène maniériste, narration redondante et décousue manquant de coffre, de cohérence et surtout de consistance pour alimenter ses ambitions thématiques. Le cinéaste, par ailleurs scénariste, laisse de côté beaucoup de choses, survole beaucoup de points qu’il effleure à peine, met à l’écart des personnages sur lesquels l’on aurait aimé qu’il s’attarde davantage, ouvre des portes mais ne les explore pas. Rampart ne se livre pas et nous pousse à aller chercher en-dedans des réflexions qu’il est incapable de proposer de lui-même. Frustrant toujours, on se retrouve face à un film que l’on voudrait aimer pour ses qualités mais que l’on aurait presque dans le même temps envie de détester pour ses défauts qui traduisent au choix, son manque de moyens ou son manque d’ambitions mais plus certainement, un peu des deux, accompagnés du lourd poids des références auxquelles il en appelle (des anciennes chroniques dramatiques du genre comme Les Flics ne Dorment pas la Nuit de Fleischer aux récents policiers plus sensationnalistes façon Training Day). Rampart est une semi-réussite et de fait, un semi-échec, trop versatile pour convaincre pleinement, fulminant de moments de brio mais aussi trop lardé de plaies béantes l’éventrant de l’intérieur pour le vider de sa charge émotionnelle et symbolique.

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